Jazz, le passé dans le présent.

Petit voyage dans les temps du jazz via les nouveautés

La musique sur le Net est en perte de vitesse. Le streaming ne fait plus recette. Le retour du Vinyle est un indice. La musique compressée est-elle encore de la musique ?
Les parutions de CD restent multiples. Certains prétendent qu’elles sont trop nombreuses. Il faut, pourtant, répondre à tous les goûts. A travers ses âges, le jazz s’est démultiplié. Sous ce vocable se dissimulent plusieurs époques, plusieurs styles, plusieurs références. Faut-il, pour autant, le mettre au pluriel ? Je ne le crois pas. Il reste une musique issue de la déportation des Africains sur le sol américain, du brassage en résultant de la fusion entre les cultures africaines, européennes et amérindiennes. Le tout procédant d’un processus d’acculturation. Depuis, les affluents se sont multipliés pour dessiner un paysage plus coloré, plus touffus dans un environnement idéologique – le dit libéralisme ou le post modernisme – qui fait s’évanouir le collectif. L’impression du pluriel vient de l’éclatement des formes du jazz, comme dans toutes les disciplines artistiques. La décomposition n’est pas visible seulement sur le terrain politique, elle est aussi à l’œuvre culturellement. Le jazz est, de ce point, de vue, un bon révélateur.

Il n’empêche que tout n’est pas à jeter. Le processus de décomposition se traduit par des enregistrements qui valent le détour. Le 21e siècle n’est pas vide mais la révolution esthétique se fait attendre. Continuer la lecture

Le jazz dans toutes ses facettes.

Actualités du livre sur le jazz

Coltrane encore et toujours.
Coltrane est mort en juillet 1967. Plus de 50 ans. Et son tombeau est resté ouvert. Sa musique fraternelle, universelle laisse tomber des gouttelettes pour fertiliser un sol qui en a besoin. Il a su faire reculer le gris qui a tendance à envahir le monde. Le « jeune homme en colère » – comme la critique le qualifiait au début des années soixante – s’est transformé en esprit mystique et facétieux, un génie venu habituer notre monde temporairement. Personne ne s’en est vraiment remis. La parution d’un double album miraculeusement retrouvé de 1963 vient, une fois encore, en faire la démonstration. « Both Directions at Once » a été le titre choisi par Universal pour refléter La nouvelle direction prise par Coltrane.
Jean Francheteau, aujourd’hui organisateur de concert, s’est arrêté sur « La décennie fabuleuse », 1957-1967, de « John Coltrane », titre de sa quête. Il passe en revue les enregistrements du saxophoniste, d’abord chez Prestige, puis chez Atlantic et enfin Impulse. Sur ce dernier label, Bob Thiele l’a beaucoup sollicité, au-delà de ce que demandaient les propriétaires. Heureusement. Après la mort de Trane – comme tout le monde l’appelle -, les sorties d’albums posthumes ont permis de le garder vivant. Continuer la lecture

L’art en questions

Qu’est-ce l’art au 20e siècle ?

Dans une série de petits livres dont « Les arts du 20e siècle » marque la conclusion, Carole Talon-Hugon propose « Une histoire personnelle et philosophique des arts », une réflexion sur la place des arts à travers les siècles et le rôle de l’artiste. Le 20e siècle est un siècle de déstructurations de tous les arts construits dans les siècles précédents. Les formes sont multiples qui remettent en question à la fois la notion d’Art – et même celle d’art – comme la définition de l’artiste. La figure emblématique est celle de Marcel Duchamp et de ses « Ready Made » qui ratent leur définition entre le lard et le cochon. Une roue de vélo dans un musée, c’est de l’art, une manière d’utiliser la sociologie de l’École de Chicago pour qui les lieux sont essentiels pour qualifier l’œuvre d’art.
La tendance du siècle d’ouverture des formes artistiques – l’art brut par exemple – viendra pervertir le champ même des arts. L’artiste n’est plus celui qui fait mais celui qui agit. Toutes les représentations sont bousculées. Elle insiste sur cette idée que l’art n,’existe que via les discours sur l’art qui structurent notre manière d’appréhender les œuvres en question. Pour compliquer encore cette question des arts, le cinéma – comme le jazz, dont elle ne parle pas – ont des liens avec l’industrie, avec la marchandise, avec la reproduction à l’identique. Le Bauhaus avait trouvé une solution, le design qui permettait de lutter contra le marchandisation tout en comprenant les besoins du plus grand nombre.
Un petit livre riche d’interrogations sur notre manière de voir le monde et sur nos représentations.
Nicolas Béniès.
« Une histoire personnelle et philosophique des arts, Les arts du 20e siècle », Carole Talon-Hugon, PUF

Stan Getz, le retour

Paris pour le jazz.

Janvier 1959, la Ve République fait ses premiers pas, la guerre d’Algérie se poursuit et Paris se donne des airs de capitale du jazz. Stan Getz in Town, « The Sound » en personne est à Paris. Les concerts sont, comme d’habitude, organisés par Franck Ténot et Daniel Filipacchi sous l’égide de leur émission pour Europe N°1 « Pour ceux qui aiment le jazz » et à l’Olympia comme il se doit.
Pour ne rien gâcher, Stan – appelez-le Stanislas et pas Stanley – fait appel au plus parisien des batteurs américains, Kenny Clarke, au guitariste Jimmy Gourley, un autre expatrié, à Martial Solal et Pierre Michelot, respectivement au piano et à la contrebasse. Des musiciens qui partagent, à l’époque, une même esthétique et une même admiration pour le saxophoniste. Le batteur et le contrebassiste ne se quittent guère en cette in des années 1950, ils font partie du trio du Bud Powell.
Bientôt Stan Getz voguera vers les cieux du Brésil et de la Bossa Nova. Pour l’heure, comme il est logique pour une telle rencontre, les standards sont le matériau adapté. Getz sait les caresser à rebrousse poil pour faire surgir l’inattendu de ces lambeaux de culture.
Stan, lorsque la maladie lui laisse quelque vacance, peut se révéler un hôte agréable qui sait reconnaître le talent comme il le fait, ici, avec Martial Solal. Le saxophoniste ténor est, pour ce concert, en forme. Il se permet même de citer indirectement Lester Young – lui aussi à Paris dans ce début 1959 – en se surnommant « Miss Stan Getz », en référence à la manie du « Président » – surnom de Lester – d’appeler tout le monde « Lady ».
Trois plages, toujours des standards et avec les mêmes, seront enregistrés dans les studios de Europe N°1 pour parfaire le retour de Stan Getz avec cet album, un Stan Getz qui ne sait pas se faire oublier.
Nicolas Béniès.
« Stan Getz 1959 », Live in Paris, Frémeaux et associés.

Ray Charles vivant.

Antibes Les 18, 19, 21 et 22 juillet 1961

Le « Genius » – ainsi dénommé aux Etats-Unis – était déjà connu, en cette année 1961, des passionné-es de jazz via l’émission de Franck Ténot et Daniel Filipacchi « Pour ceux qui aiment le jazz » et même de « Salut les Copains » – les deux émissions phares de Europe N°1. Les albums Atlantic de Ray Charles envahissaient les « surprises-parties », des albums enregistrés en 1958-1959. En 1961, comme le rappelle Joël Dufour dans les notes introductives, Ray Charles était parti à la conquête du public blanc via le label ABC et une tonne de violons. Avec un sens du contexte, il livrera au public français de Juan-les-Pins des prestations, des performances marquées du sceau du hard bop – on oublie souvent que l’orchestre de Ray est un orchestre de jazz – et du soul avec des Raelets, dont la soliste Margie Hendrix, au mieux de leur forme. Continuer la lecture

Memphis Slim

Du blues qui tâche.

Memphis Slim ? Le nom de ce bluesman sonne tellement parisien que tout-e amateur-e de piano, de blues, de boogie woogie français semble tout connaître et avoir tout entendu de ses enregistrements et performances. Le concert proposé dans la collection « Live in Paris » vient apporter un démenti et propose une nouvelle pierre – presque une pierre participant de la fondation du mythe Memphis Slim – à la connaissance du périple du chanteur/pianiste. Continuer la lecture

Jazz. Quand un lion rencontre un tigre…

Willie Smith et Jo Jones, un duo pour définir le jazz.

Deux sessions – remastérisées et complétées par des inédits – sont l’objet de ce coffret de deux CD pour une rencontre entre deux mémorialistes du jazz et de Harlem. Le pianiste Willie « The Lion » Smith et le batteur, grand-père de la batterie, Jo – pour Jonathan – Jones. Le premier a marqué de son sceau Harlem et le piano « stride » des années 1920-30, le second a participé au « son » spécifique de l’orchestre de Count Basie via la structuration de la section rythmique marquant les 4 temps à égalité. La naissance d’une nouvelle dimension du swing.
« The Lion », le surnom de Willie Smith, proviendrait de sa participation à la Première Guerre Mondiale, résultat de sa bravoure au front. C’est une possibilité. La troupe d’Africains-Américains conduite par le lieutenant James Europe a été plusieurs fois citée et décorée par le haut commandement français sans être jamais reconnue par les Américains. « Tiger », le surnom de Jo Jones, provient de son premier métier « tap dancer », « sandman », danseur de claquettes lorsqu’il avait l’âge d’aller à l’école.
Les deux larrons se retrouvent d’abord le 16 février 1972 pour évoquer les thèmes qui ont frappé leur histoire personnelle. Aucune nostalgie de leur part, aucun « c’était mieux avant » plutôt une conjugaison au présent de leur art, de leur talent, de leur génie. Continuer la lecture

Une saga américaine écrite par un Anglais

Le jazz, fil conducteur d’une histoire noire des Etats-Unis.

Ray Celestin, linguiste et scénariste britannique, s’est lancé dans une grande aventure. Raconter l’histoire des Etats-Unis du côté de leur face cachée, noire dans tous les sens de ce terme. Point de départ, la Nouvelle-Orléans en 1919, ses quartiers, ses activités économiques, son racisme et ses transformations dues à l’arrivée, après la guerre de Sécession (1861-1865), des « Yankee » transportant une nouvelle façon de vivre. Deux éléments dominent ce premier opus, « Carnaval », d’abord le déclassement des « Créoles » issus des familles officieuses des colons français. Ces « métis » avaient une place sociale singulière entre les colons blancs et les Noirs des bas quartiers. La « race » aux Etats-Unis structure la société. Les « Yankee » supprimeront le statut particulier des Créoles pour les considérer comme des Noirs. L’arrivée des nouveaux migrants, Siciliens pour la plupart, renforcera cette perte de reconnaissance. Continuer la lecture

Compléments au « souffle de la révolte », une photo

Bonjour,

« Le souffle de la révolte » est en train d’être « finalisé » – mot étrange qui vient sous la plume faute d’un terme plus approprié. Les photos, la musique est en train d’être négocié. Pas toujours simple. La parution est fixé, nouvelle « dead line » – il faut bien parler anglais pour suivre notre Président – fin juillet au plus tard.

En attendant une photo étrange prise à Harlem à l’été 1958 à l’instigation du magazine Esquire. La photo ci-dessus est extraite d’un CD réalisé à l’occasion de la sortie d’un documentaire réalisé par Jean Bach qui a été récompensée par un Oscar. « A Great Day In Harlem » est à la fois le titre de la photo, du documentaire et de l’album Columbia paru en 1995 qui reprend des thèmes des musiciennes et musiciens présent-e-s dans le film de Jean Bach. Une musique qui a tendance à partir dans tous les sens, qui fait l’intérêt de l’album. En mélangeant les Jazz Messengers qui débute à Gene Krupa et son orchestre pour finir presque évidemment par Thelonious Monk en passant par Duke Ellington, Mingus – présent sur la photo -, Lester Young… En passant, signalons que Charles Mingus composera « Good Bye Pork Pie Hat » en 1959 à la mort de Lester, nom du chapeau que portait le saxophoniste ténor. Continuer la lecture