Des cadeaux, encore pour soi, pour d’autres, pour le don et son plaisir

Noël, une histoire de dingues », Mark Forsyth (traduit par Thierry Beauchamp, aux éditions du Sonneur), donne le la des fêtes et des commémorations diverses. La naissance de l’enfant Jésus le 25 décembre est un long processus qui s’appuie plus sur les évangiles officieuses que les officielles. Il faut participer de cette élaboration des « fêtes » pour rire des présentations de ce qui est aujourd’hui considérées comme des dogmes qu’il est impossible de contester. L’auteur, érudit, fait partager sa contestation des réalités, résultat souvent d’un enchevêtrement de strates civilisationnelles occultées pour figer le temps. Une leçon d’histoire des mythes, de leur maturation mais aussi des erreurs d’interprétation qui fait de Coca Cola, par exemple, dans sa campagne de pub de 1929, le créateur du costume du Père Noël.
Des histoires à partager en famille et pour briller dans les diner de fêtes ou non. Pour rire et apprendre.
Une bonne introduction à cette époque de cadeaux à ne pas hésiter à (se) faire. Continuer la lecture

Les mots de la musique, les sons des mots

Le Mot et le Reste, un éditeur étrange

Le Mot et le Reste s’est donné pour objectif de faire aimer, connaître, comprendre les musiques de notre temps. Il s’est fait une spécialité – tout en ayant d’autres cordes à son violoncelle – de mettre en mots les musiques de notre temps, soit par le biais de biographies, comme celle de Sinatra (voir la recension sur ce même site), soit par des présentations de grands courants musicaux contemporains et populaires, comme le blues à travers des albums significatifs. Pour « le reste » des publications, il vous faudra consulter son site…
Fin 2020, il avait proposé de redécouvrir Jimi Hendrix et de nous faire connaître ou reconnaître le « soft rock » et les producteurs des musiques de ces 25 dernières années soit un voyage dans notre paysage sonore, une histoire de nos émotions. Continuer la lecture

Modèle de destruction

Une histoire américaine

« The Carpenters », Karen et Richard frère et sœur, représente le groupe phare des années Nixon, le moment où les populations veulent oublier la guerre du Viêt-Nam et même leur président. Une musique sirupeuse sauvée par la voix étrange de Karen. Un peu grosse, elle erre de régime amaigrissant en régime amaigrissant. Anorexique, elle mourra à 33 ans d’un arrêt cardiaque ouvrant la porte à la dévotion des fans. Clovis Goux évoque cette Amérique étrange qui connaîtra la vague hippie à la fin des années 60. « La disparition de Karen Carpenter » raconte la descente aux enfers d’une jeune femme trop de son temps et en acceptant toutes les figures de la publicité. Une écriture qui tient à distance son sujet tout en faisant preuve de délicatesse, de pudeur. Ce critique de rock devrait faire romancier.
N. B.
« La disparition de Karen Carpenter », C. Goux, Actes Sud/Rocks

Un tour de piste ?

QUAND LE BLUES REVIENT !

On le croyait oublié, perdu à jamais, emporté dans la grande vague du rock, du hard rock ou du metal. Il fait son grand retour, une fois de plus. Musique éternelle de ces griots modernes que sont les chanteurs et instrumentistes du blues. Les « bleus » – il faut toujours se souvenir que blues est au pluriel, qu’il existe plusieurs bleus, comme les couleurs de l’arc-en-ciel – affirment en force.
En 1959 deux jeunes amateurs français – Jacques Demêtre et Marcel Chauvard, ce dernier décédera en 1968 – décident de partir pour un « Voyage au pays du blues » qui sera publié en épisodes dans la plus ancienne revue de jazz française, alors dirigée par Charles Delaunay, « Jazz Hot ».(1)
Ils sont les premiers à s’intéresser aux lieux dans lesquels prospère cette musique. Paul Oliver, (2) le musicologue anglais de référence, n’a pas encore publié ses ouvrages, et Samuel Charters est en train de mettre le point final à son premier. Jacques Demêtre lui-même n’a encore rien fait paraître. Continuer la lecture

Histoire à écrire.

Du Rock, du Rhythm and Blues ou du blues ?

Le titre, en ces temps de controverses moraniennes – néologisme qui gagnerait à être utilisé, formé à partir de Nadine Morano, comme équivalent à la bêtise raciste -, fait problème : « Race Records, Black rock music forbidden on US Radio, 1942 – 1955 ». Levons une ambiguïté. Les hommes marketing aux Etats-Unis se sont aperçus dans les années 20, grâce au succès d’un 78 tours de Mamie Smith, « Crazy Blues » en l’occurrence, qu’il existait un marché spécifique, celui des populations noires des ghettos. Ils se sont précipités sur ce filon en créant des sous marques pour gagner ce public. Ils ont ainsi créé les « race series » destinées au public noir.
Après la guerre, période traités surtout par ce coffret de trois CD, en 1946 le terme de « race series » a été abandonné remplacé par celui, plus neutre, de Rhythm n’ Blues. Là encore, il s’agissait de viser la population des ghettos noirs. Se sont créée deux « hit parade » – pour parler en Français -, l’un pour le RnB, l’autre pour le public caucasien, les variétés.
Pour dire que le rhythm n’ Blues n’est pas un genre musical mais une création des industriels de l’entertainment – comme on dit aux États-Unis – pour cibler un créneau du marché.
Dans ces années 1950, le rock envahira toutes les chaînes de radio. A l’exception des DJ des radios en direction des ghettos noirs, les grands musiciens noirs qui font encore danser aujourd’hui seront ignorés, dans une large mesure, du public blanc. Mais pas interdits contrairement à ce que dit le titre de ce coffret.
Ce coffret permet de les redécouvrir. Et se rendre compte que le courant passait entre musiciens. Elvis Presley notamment fut toujours attentif à « Beale Street », le ghetto noir de Memphis où il était né. Ces musiciens noirs seront aussi influencés par les blancs. La musique ne connaît pas ces frontières de « race ». Le terme, soulignons-le en passant, a plutôt une signification sociale aux Etats-Unis. Blessure toujours ouverte de l’esclavage.
Tous les musicien(ne)s réunis sont à citer. Il faut aller les découvrir. Certains d’entre eux sont plus connus que d’autres. C’est le cas de Wyonnie Harris ou de Howlin’ Wolf, Muddy Waters ou Big Maybelle mais tous les autres sont à entendre. Et si vous voulez organiser une soirée dansante, ce coffret vous servira de guide…
Nicolas Béniès.
« Race Records, black rock music forbidden on US Radio, 1942 – 1955 », livret signé par Bruno Blum, Frémeaux et associés.

Relecture des années 1970.

Le cas Bowie et les autres…

Rétrospectivement, les années 1970 apparaissent comme une fin de révolutions commencées au début du 20e siècle. Les années 1960 avaient marqué la renaissance des utopies inspirées par celles du passé, à commencer par la révolution russe débarrassée du stalinisme. La volonté de construire un monde meilleur s’inscrivait dans ces références. La musique, surtout le jazz et le rock, s’inscrivaient dans ce champ des possibles qui semblait infini. La musique pouvait changer le monde. Le free-jazz exprimait cette perspective. Comme tous les rockers de ce temps. Ornette Coleman, Jimi Hendrix – pour n’en citer que deux – savaient que « Tomorrow is the question », demain est la question, et qu’il fallait construire quelque chose d’autre, « Something Else », pour citer les titres des deux premiers albums de Ornette Coleman qui servent quasiment de devise et qui ont été enregistrés à l’orée de ces années 60. De son côté le « modal » de « Kind of Blue », l’album phare de 1959 construit par Miles Davis et son sextet – Bill Evans et John Coltrane en particulier – servait d’introduction pour le jazz et le rock qui allaient suivre.(Voir « Le souffle bleu », Nicolas Béniès, C&F édition) Continuer la lecture

Proust en musique

Des « madeleines », à chacun(e) la sienne…

rock instrumentalsLes surpat’ ont un peu disparu au profit des raves. Chaque génération forge ses souvenirs à l’aune de son temps. Il doit arriver qu’on danse encore le rock. Il est sur qu’il s’apprend. Certains en font même une profession… Une danse un peu ringarde mais le slow – un rock très lent – reste quand même le meilleur moyen de rapprocher les garçons et les filles.
Bruno Blum, dans ce triple album « Rock instrumentals story », joue avec nos émotions. C’est le terrain de la musique sans paroles, de cette musique qui sûrement nous a fait danser en mettant quelques pièces dans le juke box ou en venant chez des copains avec le dernier 45 tours. Continuer la lecture

Faut rigoler….

Henri Salvador, pataphysicien borisien et vianesque.

salvadorDéjà le volume 4, pour cette « Intégrale Henri Salvador », déjà les années 1956-1958 qui voient la collaboration avec Boris Vian prendre réellement son envol. Tous les rythmes vont y passer, rythmes à la mode en ces années de fin de la IVe république, Calypso, jazz, chansons sentimentales et rock pour se terminer par le charleston qui fait un retour de mode. Pour corser ce tout, Henri chante aussi en anglais. Je ne sais si ces 45 tours se sont bien vendus outre atlantique mais le résultat vaut le détour d’oreille. Continuer la lecture

Essai d’histoire culturelle à travers chanson française et rock

Histoire culturelle française.

Frémeaux et associés nous propose un voyage dans les temps. D’abord en compagnie de l’orchestre de Ray Ventura, en trois CD et trois périodes : « 1928-1934 » soit les prolégomènes, « 1935-1940 », la gloire, l’esprit des temps avec « Tout va très bien Madame la Marquise » un véritable hymne national et « 1946-1956 », une sorte de fin en feu d’artifice avec l’arrivée d’un guitariste plein de jazz, Sacha Distel, le neveu. Une plongée nécessaire, une reconnaissance d’une histoire aussi intéressante que l’histoire officielle. Denis Lallemand nous présente Ray Ventura et quelques-uns des collégiens – c’est le nom de l’orchestre souvenir de jeunesse à Janson De Sailly – ainsi que Paul Misraki, compositeur de génie qui a su saisir les sentiments de la période de ces années 1930. On ne peut comprendre ni le Front Populaire ni la chanson française de l’après guerre comme la force du jazz, son importance dans la culture française sans écouter cette musique à la fois joyeuse et triste comme celle de Trenet qui s’en inspirera. Continuer la lecture

La Luciole, Alençon, transporté en Louisiane une fin de dimanche après midi le 6 octobre 2013

Un concert étrange dans un endroit d’ailleurs.

La Luciole est un drôle d’endroit. Qui a une histoire. Cette salle, avant d’être rénovée, a accueilli la fine fleur de la chanson française à commencer par Bernard Lavilliers pour une « contenance » d’environ 100 personnes.

Aujourd’hui, située un peu en dehors d’Alençon (dans l’Orne), elle en jette. C’est le terme qui convient. Ornée de deux cheminées renversées et unies à leur (fausse) base, elle semble dominer les routes qui, comme à l’accoutumée, se croisent. Continuer la lecture