Yougoslave ?

Vrai-faux conte de l’ex-Yougoslavie

Kristian Novak fait partie de la nouvelle génération des écrivains croates, nés forcément dans la douleur après l’éclatement de la Yougoslavie qui a durement marqué les populations. Matija, le narrateur, a vécu son enfance dans un village reculé du Medjimurje – dans l’actuelle Croatie – dans lequel les bruits de la guerre sont assourdis mais arrivent tout de même à exercer leurs effets. Une terre noire boueuse grosse de fantômes, de non-dits, de silhouettes bizarres qui se reflètent dans la rivière, qui appellent les vivants à rejoindre les morts.
Un enfant de 5 ans raconte – avec les mots de l’adulte, une confusion voulue – ses émois, ses peurs, ses angoisses après la mort brutale de son père. Il le cherche. Il veut le faire revivre et, pour ça il est prêt à sacrifier son ami le plus proche pour satisfaire les esprits de la rivière qui détiennent son père. Le prix à payer, la solitude. Son esprit perturbé créera deux acolytes à la fois amis et ennemis pour en faire à la fois des confidents et des succédanés de père qui expliquent les actes qu’il voit mais ne comprend pas. Dont le viol de son ami. Continuer la lecture

Jazz, promenade littéraire et musicale avec Duke Ellington

Pour une approche de l’improvisation
Feux et folies du Duke

Alain Pailler réédite en le transformant « Ko-Ko » sous titré « Duke Ellington en son chef-d’œuvre » pour rendre compte du processus créatif qui peut, parfois, échapper à son auteur. Une thématique qui n’est pas propre au jazz mais le jazz, par l’attention au moment, peut réussir une œuvre universelle impossible à refaire.
Difficile à croire mais Duke – Edward Kennedy pour l’état civil, né en 1899 et mort en 1974 – n’a pas eu vraiment conscience, si l’on en croit ses propos réitérés à plusieurs reprises, que la prise éditée en cette année 1940 de « Ko-Ko » était, par le tempo ramassé, l’un de ses chefs-d’œuvre. Alain Pailler retrace la genèse de ce moment-synthèse du style précédent appelé « jungle » pour aller à la découverte d’autres univers. Le « Duke » construit, avec son orchestre, de nouvelles dimensions de la musique noire. Continuer la lecture

Du réel habillé en fiction ou l’inverse…

Un faux-vrai roman, un vrai-faux documentaire

« Les paralysés », de Richard Krawiec, se situe dans les années 1980, années de récession profonde aux États-Unis. Les fermetures d’usine se succèdent, le chômage enfle, les subsides se raréfient – Reagan remet en cause tous les chèques de subsistance pour les plus démunis – et les quartiers populaires se dégradent. La drogue, l’alcool veulent faire oublier la réalité. Pire encore quand on est amputé des deux jambes, comme c’est le cas de Donjie, le héros de cette histoire.
Une description clinique des laissés pour compte avec leurs contradictions. Faut-il pour survivre s’attaquer aux plus faible ? Continuer la lecture

Polar. Mémoires coupables

L’hérédité enchaînée
« La théorie des ondes » souffre d’une construction curieuse, des allers-retours dans le temps pas toujours maîtrisés pour obliger le lecteur à perser le poids de l’hérédité sans pourtant, heureusement, convaincre. Une affaire de représentation et de culpabilité conjuguées au présent. Le point de départ, le viol et le meurtre de femmes répondant aux même caractéristiques. Catherine Gauthier est une enquêtrice, ex flic de la Ferroviaire, au service d’un avocat, Pierson. Elle veut se punir d’avoir tué un adolescent.
Le cadre, la ville de Chalon-sur-Saône où tout le monde a l’air de se connaître, joue aussi un rôle dans la construction de l’enquête qui aura de multiples ramifications. La fermeture de l’usine Kodak, laissant des centaines de salarié.e.s sans avenir et des cadres dépossédés de leur qualification se réunissant pour se souvenir, se saouler et s’engueuler. Le désespoir noyé dans l’alcool est un facteur de suicide. Continuer la lecture

Féminismes, Madeleine Pelletier, Dulcie September

Redécouvrir Madeleine Pelletier

Christine Bard, spécialiste de l’histoire des féminismes, présente les « Mémoires d’une féministe intégrale », comme aimait se présenter Madeleine Pelletier (1874-1939), première femme médecin aux asiles d’aliénés. Socialiste puis communiste, elle rejoint l’extrême-gauche et la franc maçonnerie pour, partout, mener le combat féministe qui passe, pour elle, par la « virilisation des femmes ». Ses mémoires, éparses, dépendantes du temps qu’elle peut soustraire, permettent de retracer un parcours. Pour ne pas oublier Madeleine Pelletier.
« Mémoires d’une féministe intégrale », Madeleine Pelletier, Edition critique de C. Bard, Folio.
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Regards sur les États-Unis, autobiographie de Maya Angelou et le reste

Vivre ! Libre !

Maya Angelou, née Marguerite Johnson dans une bourgade du Sud des États-Unis, vit, dans ce troisième tome de son autobiographie romancée – les souvenirs sont un roman -, dans la grande ville de la Côte Ouest San Francisco. Le titre, traduction littérale de l’original, fait défiler le programme de cette jeune femme, mère célibataire, dans le début des années cinquante – elle a moins de trente ans à la fin du périple – « Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël ». Un un laps de temps raccourci, elle se marie, se sépare d’un conjoint qui veut la confiner au statut de ménagère, devient disquaire, chanteuse, danseuse et, pour finir, est engagée dans l’opéra « Porgy and Bess » pour une tournée mondiale qui l’éloigne de son fils malade de l’absence de sa mère. Elle culpabilise forcément… . Toutes ces aventures, ces rencontres baignent dans Ia tonalité de la jeunesse, bien rendu par la traductrice Sika Fakambi. Continuer la lecture

C’est l’été, le temps de la vacance

La ronde des festivals de jazz

La culture ne fait jamais l’objet de débat. Elle est, comme la pandémie l’avait révélé, gangrenée par la dite loi du marché et soumise aux critères de l’efficience, la nécessité de baisser les coûts. Les subventions baissent en fonction d’une politique générale de réduction des dépenses. L’impératif de la considérer comme un service public s’impose.
Dans ce contexte, les festivals sont des arbres qui cachent ces forêts pour ne pas poser toutes les interrogations surgies dans le confinement de 2020. Il fallait – s’en souvient-on – faire preuve d’imagination pour trouver de nouvelles formes, et même une nouvelle architecture de supports de la culture. Imagination s’évanouit dans la profondeur de l’oubli de la routine du quotidien.
Les festivals cachent et éclairent en même temps. Leurs feuillages touffus, leur munificence, leurs outrances quelque fois, leur volonté d’être par la mobilisation des bénévoles indiquent des directions et, sans doute, des impasses. Les faire vivre fait partie de notre mobilisation vacancière – même si, cette année, nos vacances sont entachées d’interrogations politiques. Continuer la lecture