Trajectoire littéraire.
Michel Butor, pour des raisons qu’il n’avoue pas, s’est lancé, sans doute à l’instigation de son interrogateur Lucien Giraudo, dans une « Petite histoire de la littérature française ». Il s’amuse à copier, dans le découpage temporel, le Lagarde et Michard de son passé scolaire, tout en le dynamitant par des petites implosions. Une lecture agréable, chatoyante tout en provoquant la réflexion sur les cousinages, les influences et les références. Il permet de découvrir des auteurs un peu oubliés, notamment ceux du Moyen-Âge et de la Renaissance. Les deux périodes doivent être considérées comme un tout, la séparation comme le démontre les historien.ne.s d’aujourd’hui. Redonner la puissance de cette période, marquée du sceau de l’obscurantisme dans nos manuels d’histoire, est une nécessité pour comprendre nos racines.
Chaque partie est complétée par des textes pour faire accéder ce petit livre au rang de prolégomènes d’anti-manuel, jetant les bases d’un nouveau manuel. Il reste pourtant une faille. Butor envisage le surréalisme comme un mouvement qui se réduit à son chef de file officiel, André Breton. De notoriété publique, Breton n’aimait pas la musique. Il disait qu’il préférait celle des mots. De là en conclure, comme le fait Butor, que les surréalistes ont ignoré la musique, c’est aller un peu vite en besogne. Le jazz a occupé une grande partie des réflexions, des études, de Michel Leiris, à l’origine a-t-il dit de sa vocation d’ethnologue, Robert Goffin, poète et auteur d’histoires autour du jazz ou mieux encore Julio Cortazar inspiré par le jazz et les surréalistes (voir « Marelle » par exemple… Butor prend l’arbre (Breton) pour la forêt, les surréalistes. Avouons qu’il n’est pas le seul à commettre cette erreur de perspective peut-être à cause du jazz qui n’est pas forcément considéré comme de la musique.
Nicolas Béniès.
« Petite histoire de la littérature française », Michel Butor, Folio (inédit)