Faire tomber les murs.
Le groupe « House of Echo » conduit par le pianiste/claviériste Enzo Carniel se veut une chambre de résonances de toutes les musiques. Le but affirmé pour ce troisième album, « Wallsdown », est de faire tomber les murs au moment où les gouvernements de chaque pays du monde n’ont qu’une seule idée en tête, en construire pour se protéger du reste du monde, des migrants en particulier. Sans comprendre que la culture ne vit que pas la confrontation avec d’autres ou par l’apport de l’Autre. Continuer la lecture
Archives mensuelles : août 2020
Clarinette et jazz manouche
Version du jazz manouche
Evan Christopher a décidé un jour de mettre sa clarinette au service du jazz manouche pour lui donner une nouvelle jeunesse et éviter la répétition des motifs forgés par Django Reinhardt qui reste, malgré tout, la référence essentielle. Il faut rendre au créateur ce qui lui revient, d’autant que Django avait utilisé la clarinette dans le quintet qu’il avait créé pendant la guerre. Fapy Lafertin, guitare, avec qui le clarinettiste partage l’affiche de l’album intitulé en toute modestie « A Summit in Paris », sait se servir des leçons du maître pour créer des ambiances spécifiques. Un sommet qui réunit aussi Dave Kelbie, deuxième guitare, et Sébastien Girardot, contrebassiste, deux autres habitués de l’univers de Django.
Le quartet dessine l’environnement de Django en reprenant des classiques comme « Wild Man Blues », repris par Louis Armstrong à la fin des années 1920, qui ouvre l’album ou « Bechet’s Fantasy » que Sidney avait enregistré seul, s’enregistrant sur tous les instruments pour mêlées les compositions de Django, compositions personnelles et construire un album sans fausse note…d’ambiance. Une musique irrésistible dans sa manière d’agencer les instruments et les souvenirs pour dessiner le présent de cette musique.
Nicolas Béniès
« A Summit in Paris », Evan Christopher/Fapy Lafertin, Camille Productions/Socadisc
Jazz et danse
Le jazz continue à se danser.
Jason Miles manie avec dextérité tous les claviers comme il en fait la démonstration dans « Black Magic », une magie noire qui a comme nom une fusion, dans le sens de cette partie du jazz qui avait aussi – mais pas seulement – marqué les années 1970.
Il faut dire que l’homme ne manque d’un certain goût de la provocation pour nommer son groupe « Kind of New », une sorte de nouveauté, référence explicite à Miles Davis et à son « Kind of Blue » de 1959.
Jason Miles, spécialiste des computers, avait travaillé avec Miles Davis sur l’album « Tutu ». Il lui en reste quelque chose, « Jean-Pierre » par exemple qu’il reprend dans cet album. Tous les mélanges des musiques qui font danser, du funk au rock en passant par toutes les autres possibilités. Un album curieux qui ne pourra s’écouter assis.
Nicolas Béniès
« Black Magic », Jason Miles//Kind of New, Rodeadope
Quand le funk est là…
S’appeler « Big Funk Brass » oriente la musique qui sortira de cet album, « Higher », le troisième de cette sorte de fanfare qui semble renouer avec la rue et ses forces, ses énergies. Le groupe emprunte à tour de bras avec comme seul objectif, faire danser, faire bouger les corps dans une fraternité et une sororité retrouvées. Les références les plus sensibles se trouvent du côté de « Dirty Dozen », une fanfare capable d’englober toutes les formes de la musique noire.
La soul, de James Brown à aujourd’hui, est présente mais aussi le rap, le slam pour envelopper le monde de rythmes pour le faire avancer au pas de ces danses, de ces marches joyeuses qui portent le sceau de la grande ville du jazz et de toutes les musiques de danse, la Nouvelle-Orléans.
Entrez donc dans la danse…
« Higher », Big Funk Brass, autoproduit, rens. bigfunkbrass.fr
Sans frontière, une invitation du Michel Fernandez Quartet
Jeux de mémoire, de miroirs pour une musique de notre temps
Saxophoniste ténor/compositeur, Michel Fernandez ne veut rien oublier de l’histoire récente de cette musique de révolte, de combat pour la dignité. Une musique ouverte sur les autres cultures, une musique qui a marqué toutes les grandes transformations du 20e siècle. Sont évoquées l’ensemble des mémoires du passé pour construire une mémoire du futur et « Sans frontière », titre de l’album.
Un quartet – Benoît Thévenot, piano, François Gallix, basse et Nicolas Serret batterie – soudé par les compositions du leader et qui partage la même esthétique. La braise couve, l’incendie n’est pas loin la liberté non plus.
« Sans frontière », Michel Fernandez quartet, Dreamophone/Socadisc
Cinéma en revue
Revue CIRCAV
CIRCAV, Cahiers Interdisciplinaires de la Recherche en Communication Audio Visuelle, sont nés au sein de l’Université Lille 3 et offrent la possibilité de prendre connaissance des réflexions des chercheur-e-s dans ce domaine qui recouvre de multiples problématiques. Le n°29 porte sur « Jazz et cinéma » pour mettre la lumière sur les « configurations et alliances sensibles » comme l’indique le sous titre. Le jazz, dans cette optique pourrait servir de liens de mémoires entre les générations, sans oublier la danse – ces comédies musicales qui continuent à faire rêver – ni les ciné concerts. Des approches à la fois esthétiques et socio-historiques. Pour renouveler à la fois notre regard et notre écoute.
« Jazz et cinéma », coordonné par Patrick Louget et Alban Pichon, Revue CIRCA N°29 (L’Harmattan)
Vide Poche (2) Relire les classiques
« Les Quarante-cinq » (Folio)
Alexandre Dumas a conçu un de ces romans qui en disent plus sur l’atmosphère du règne d’Henri III que bien des livres d’histoire. Le bouffon sert de narrateur dont l’empathie avec le jeune roi est visible. Il le charrie mais l’aime bien son roi. Une sorte de double. Alexandre Dumas signe là un de ses grands romans qui boucle la trilogie débutée avec « La reine Margot ». Les 45, les mignons du roi, apparaissent comme des soudards dépourvus du moindre sens politique. Les intrigues succèdent aux intrigues. Les enfants d’Henri II sont morts les uns après les autres pour ouvrir la porte au règne d’Henri IV. Un roman foisonnant, touffus qui permet d’appréhender l’univers de ce règne comme la force de l’écriture de ce romancier hors pair. Continuer la lecture
C’est déjà la rentrée (1)
La rentrée littéraire fait preuve d’un bel optimisme. 510 romans sont programmés, soit environ 30 de moins que la rentrée de l’an dernier. La COVID 19 ne gagnera pas ! Le message est clair.
Peinture des États-Unis en noirs.
A la manière de Soulages avec ses études sur les noirs, Colson Whitehead désormais écrivain reconnu et primé, poursuit ses investigations, à travers une sorte de docu-fiction, sur le racisme et ses conséquences dans la société américaine. « Nickel Boys », les enfants de Nickel Academy, terme de dérision pour une Maison de correction sise en Floride, est une description de cette Amérique des années 1960 qui fait d’un Noir un délinquant par définition, par nature. Elwood Curtis est un jeune homme qui part faire ses études à l’Université, pris en auto stop par un voleur de voitures Noir, il est condamné à la maison de correction où se pratique la ségrégation, les délinquants noirs sont séparés des blancs, et la torture pouvant entraîner la mort. Le jeune homme en fera l’expérience.
Elwood se liera d’amitié avec Turner pour essayer de résister à l’environnement fait d’arbitraire et de sadisme. Par un retournement logique, Elwood ne fera plus qu’un avec son ami. Continuer la lecture
C’est déjà la rentrée (2)
L’Afrique du Sud corrompue, l’ANC gangrenée.
Deon Meyer, auteur reconnu de polars, sud africain, se fait aussi chroniqueur sans concession de son pays. Son personnage récurrent, Benny Griessel, policier de la brigade des Hawks – faucons en français – se veut droit, honnête et lutte contre la corruption qui envahit tous les pores de cette société avec son cortège de répressions, de tortures et de prévarication. Sa carrière, comme celle de son co-équipier, est menacée. Continuer la lecture
Le coin du polar
Du siècle de Louis XIII à la Norvège d’aujourd’hui, de Fronsac à Wisting
Un en avant, le passé pour éclairer le présent
« Le mystère de la chambre bleue », qui n’a rien à voir avec la jaune, est une enquête de Louis Fronsac, un héros récurrent de Jean d’Aillon. Un notaire, fils de notaire qui exerce son métier de détective dans un environnement incertain, celui des intrigues de Richelieu – puis de Mazarin – sous les règnes de Louis XIII – l’auteur en donne un portrait plus nuancé que celui d’Alexandre Dumas – et du jeune Louis XIV.
Les aventures de Louis Fronsac, chez 10/18, souffraient de quelques trous. Celle-ci se situe dans le temps avant celle déjà publiées dans cette collection. De ce fait, on se prend pour Cagliostro, l’avenir s’inscrit dans le présent de la fin de règne de Richelieu et de l’émergence du cardinal Mazarini.
Un plus non prévu par l’auteur. Continuer la lecture
C’est déjà la rentrée (3)
Vie de femme.
« La danse du temps » est un curieux roman. Le titre poétique ouvre grand nos yeux fermés sur les possibilités qui s’offrent à tout être humain.
Trois moments de la vie d’une femme américaine, celle de Willa Drake. Anne Tyler prétend, dans une note préalable, avoir une théorie : « une unique décision prise durant notre enfance quant à la personne que nous souhaiterions devenir, peut façonner notre vie toute entière ». Elle le démontre dans les trois premières parties de ce parcours. La mère de Willa quitte le domicile familial lorsqu’elle a 11 ans et sa vie de femme se conformera à ce contre modèle, surtout ne faire de peine à personne. Elle épousera celui qui la demande en mariage – elle a 21 ans -, se trouvera veuve à 41, se remariera en cherchant toujours à contourner les colères, la mauvaise humeur de son mari qui joue au golf et boursicote. Continuer la lecture