Alain Gerber, un romancier, batteur ou l’inverse ? Toujours le jazz

La batterie comme le miroir d’une vie

Alain Gerber, romancier et, surtout, passionné de jazz, une musique qui l’a fait écrire encore et encore pour rêver les biographies, pour faire naître de chaque rencontre de disques la poésie nécessaire. Critique de jazz il fut et demeure pour alimenter les découvertes de musiciennes, musiciens jamais dépassé.e.s qui, toujours, nous rattrapent.
Il est aussi batteur toujours amateur, toujours en apprentissage. « Deux petits bouts de bois », sous titrée pour approfondir le mystère « Une autobiographie de la batterie de jazz » tient le pari de dessiner le parcours de l’auteur tout en parlant apparemment – l’apparence fait partie de la définition de soi et dans le regard des autres – de la rencontre difficile avec cet instrument créé par le jazz et pour le jazz qui ne se laisse pas dompter facilement et qui demande l’éternité pour réaliser le tour de force de l’autonomie des quatre membres. Continuer la lecture

Jazz, Jim Snidero nous invite à plonger dans les mémoires du jazz

Voyage dans les standards en compagnie d’un drôle de trio
Jim Snidero, saxophoniste alto – un instrument qui fut du cirque en son jeune âge -, s’est décidé à former un trio sans piano. C’est rare pour un altiste et c’est une première pour Snidero. Sonny Rollins, Joe Henderson et d’autres ténors nous y avaient habitué, mais pas les altistes. Pour cette première tentative, il s’est appuyé sur les standards, ces épaves de la culture américaine et mondiale qu’il faut, comme Sisyphe avec son rocher, reconstruire à chaque fois.
« For all we know » – pour tout ce que nous connaissons – est le titre qu’il fallait. Se promener dans ces compositions connues – surtout par le jazz – permet tous les écarts, toutes les transgressions pour mieux rendre compte de leur éternité. L’alliage tradition et modernité que permet l’improvisation sans la limite du piano, et la sonorité reposée de l’alto sans l’expressionnisme parkérien ou coltranien, comme un Albert Ayler qui aurait trouve une paix précaire dans un monde dépassé par sa propre violence. Le choix même des thèmes exprime la résistance face aux explosions qui sont notre lot quotidien. Les trois compères – Peter Washington, basse, Joe Farnsworth, batterie – se passent le témoin, lancent des idées pour construire un univers spécifique. La reprise de « Naïma », une des grandes compositions de Coltrane, signe une réussite d’un trio promis à un bel avenir.
Nicolas Béniès
« For all we know », Jim Snidero trio, Savant Records distribué par Socadisc.

D’un tueur, cas de psychanalyste, à l’histoire sociale, deux formes du polar

La solitude du tueur de fond.
« L’agent seventeen », un titre qui ne laisse pas planer de doute sur le héros, ou plus exactement sur le personnage central qui ne nous laissera rien ignorer de ses doutes, de ses questionnements divers concernant tous les aspects de sa vie qu’elle soit professionnelle ou privée. A proprement parler, il envahit toutes les pages. Le thème est connu depuis Freud : tuer le père pour exister. Ici, 17 doit tuer 16 sur ordre de son supérieur à la CIA. Pourquoi ce meurtre ? Le tueur à gage s’interroge, nous pas tellement. On voit venir le coup. Pourtant là n’est pas l’intérêt de cette chronique violente. Il se trouve dans les glissements, dans les clins d’œil, dans les fausses références mais aussi dans les héros des films et romans d’espionnage, à commencer par Jason Bourne citée par l’auteur plus que James Bond. Continuer la lecture

Jazz du coté d’Ornette, Clément Janinet, vers un bestiaire, Matthieu Donarier, pour finir en transhumance avec Florian Chaigne


Modernité de Ornette.

Un titre d’album comme « Ornette under the repetitive skies III » ne peut qu’attirer l’attention. Il est signé Clément Janinet, violon, mandoline et percussion pour se dire que Ornette Coleman exerce toujours son influence, que son fantôme ne veut pas disparaître. Il ne faut cependant pas cacher que les compositions de Janinet regardent aussi vers plusieurs cieux, ceux de la musique répétitive ou même des comptines, berceuses qui racontent, avec candeur, ces contes qui se disent pour enfant comme ce « Quiet Night ». Ils contiennent pourtant une grande partie de la misère du monde comme de nos tourments. Continuer la lecture

Black Lives Matter, un slogan ? Une lutte pour la vie

Se battre pour la dignité, la liberté, la vie par la musique, la danse, la transe.
« Black Lives Matter », les vies noires comptent, a exprimé une révolte profonde contre la peur, l’angoisse des Africains-Américains particulièrement dans le Sud des États-Unis mais pas seulement. Nos sociétés dites développées font pousser hautes les racines des racismes et des exclusions. Ta-Nehisi Coates avait mis par écrit sa colère contre la forme de la société américaine dans « Le procès de l’Amérique » et dans, plus déchirant encore, « Une colère noire », sous titré « lettre à mon fils » – traduction française chez « autrement » – dans laquelle il expliquait comment et à quelles conditions survivre.
Réunir un collectif d’artistes sous le nom générique de « Black Lives, From Generation to Generation » ne pouvait naître que dans la tête d’une femme qui connaît l’importance des musiques issues de l’Afrique, de ces musiques noires sous toutes ses formes et quelle que soit la couleur de peau des musicien.ne.s. Stéfany Calembert, productrice du double album qui réunit 20 groupes, fut celle là pour son label « Jammin’ colors ». Un voyage dans toutes ces cultures qui se donnent ici rendez-vous pour dire leur volonté de dignité, de liberté de création, leur place essentielle dans les structurations esthétiques et sociales de toutes les sociétés du monde. Une force vitale émane de ces enregistrements, la force vitale humaine qui casse tous les codes pour s’affirmer et affirmer leur place. La danse, le corps qui bouge qui montre sa sensualité, sa sexualité fait exploser tous les silences. La musique crie, revendique pour s’inscrire dans la lutte collective contre tous les racismes, toutes les exclusions.
« Black Lives Generation to Generation », se veut transmission de toutes les mémoires pour construire des échanges entre les générations, pour ne rien oublier, manière de construire les mémoires du futur.
Il fallait bien que ce projet n’en reste pas à la seule trace enregistrée mais se traduise par des performances et par la fusion avec le public. A la grande joie de Stéfany et à la notre des concerts sont prévus, les dates font partie de l’affiche qui annonce ces prestations. Ne les ratez pas.

Nicolas Béniès
« Black Lives Generation to Generation », un coffret de deux CD, Jammin’ colors.

Le plan Macron

Un plan « de réindustrialisation » ou « de campagne » ?

Le Président de la République a annoncé un plan d’investissement de 30 milliards sur 5 ans pour « mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre », suivant les termes du discours de présentation du 12 octobre. Objectifs ambitieux pour qui voudrait les prendre au sérieux. Ils supposent une stratégie industrielle en réorientant l’accumulation du Capital vers l’économie dite « réelle » en réglementant la sphère financière. La montée des indices boursiers montre les effets des crises et de l’incertitude se traduisant par le tarissement des investissements productifs. La reprise actuelle a été fortement dopée par l’intervention du gouvernement. C’est à l’État, par la discussion démocratique la plus large, de fixer les priorités essentielles en fonction des besoins des populations. Continuer la lecture

Jazz. De Morricone, jeux de mémoire à Dominique Fillon jeux de fin

Deux ou trois choses à savoir de Ennio Morricone
Le compositeur sert toujours de référence aux musiques de films plus ou moins muets, pour habiter un silence qui en dit plus que bien des paroles. Les images, dans notre mémoire, tourbillonnent autour des recréations des deux compères, le bassiste Ferruccio Spinetti et le claviériste Giovanni Ceccarelli, un duo à la place d’un grand orchestre, une gageure. Gagnée. La reconnaissance – pas toujours, certaines musiques de série télé ne font pas forcément partie de notre patrimoine – s’allie à la découverte de sonorités, d’alliances, de mélodies étranges sorties de celles connues. Les surprises donnent du sel à ces recréations. Continuer la lecture

Les festivals de jazz pointent leur programme dans un environnement singulier.


Le printemps de l’automne.

Les festivals essaient de reprendre vie. Difficile dans l’atmosphère actuelle. Les angoisses se mêlent aux peurs transformées en autant de masques et de tests. Comment entendre, voir, participer surtout ? Comment retrouver le chemin des sensations collectives en communiant dans un concert ?
Les organisateurs de festival ne répondent pas directement à ces questions posées à la fois par la pandémie mais aussi par la crise profonde que traversent les secteurs de la culture soumis aux diktats souvent du marché.
Aller aux spectacles est une manière de réponse. Pour encourager le retour de ces structures, pour encourager les intermittent-e-s et réfléchir à la « réinvention » de la diffusion de la culture.
Deux festivals du printemps. Jazz sous les Pommiers et Europa Djazz, festival de jazz du Mans, s’essaient à retrouver des couleurs en cet automne gros de périls. Les mutations climatiques sont de la partie et jouent un rôle non négligeable pour donner l’impression que le printemps est encore là sinon même l’été. Curieuse rentrée qui voit tourner la terre à l’envers et conduit le calendrier aux oubliettes d’une histoire perdue dans tous les sens, surtout celui interdit.
Ces bouleversements ne peuvent faire oublier la musique, les rencontres pour s’aérer l’esprit faute de pouvoir enlever son masque. Continuer la lecture

Dave Liebman, présentation en janvier 1994

Dave Liebman, saxophoniste soprano et ténor, était venu à Paris pour présenter un album produit par Jean-Jacques Pussiau pour son label OWL (aujourd’hui disponible chez Universal) et se faire connaître et reconnaître. Ce broolyner – natif de Brooklyn, quartier de New York où il est né en 1946, est une des grandes voix du jazz surtout au soprano. Sa manière de jouer doit à tous ceux qui l’ont précédé sur cet instrument à commencer par Sidney Bechet dont il a la force expressive et, évidemment, à John Coltrane.
Faute de place pour le scanner, le titre et le chapeau manquent. Les voici :
Dave Liebman : Le jazz d’aujourd’hui
Du jazz et le vie. Expression et influences, histoire vécue et espoirs. Racines et évolutions. Enseignement et pédagogie. Une interview de Dave Liebman »
Rajoutons, la première en France.
Rouge n°1572 du 13 janvier 1994.