Denez apprend à naviguer sur une mer de larmes déchaînée

Le présent aux risques du passé.

« Ur Mor a Zaeloù », une mer de larmes, tel est le monde ? Oui si les êtres humains se donnent la possibilité de voguer sur cette mer, de retrouver le passé jamais dépassé mais inclus dans notre présent pour chanter les amours perdues, les joies retrouvées et la vie telle qu’elle ne va pas pour se révolter contre un ordre du monde fait de rejets et d’exclusion. Rappeler la famine de Kiev, les épidémies c’est dire que les plaies du passé peuvent resurgir en apparaissant comme neuves. Continuer la lecture

Startijenn (plein d’énergie)

Un folklore breton ouvert sur le monde.

Comment faire vivre la tradition ? Le groupe Startijenn revendique haut et fort ses racines bretonnes en reprenant les musiques populaires et collectives des danses de fêtes, de réunions pour faire exploser le joug quotidien et retrouver la liberté du corps, des corps qui s’entremêlent heureux. Pour que cette musique vive, il est nécessaire de la bousculer, de lui faire goûter à d’autres folklores, à d’autres cultures par glissements successifs vers d’autres rencontres, des nouvelles générations.
Une musique pour danser que ce « Talmur galon – le battement du cœur, une sorte de définition du rythme de notre commune humanité – et une manière de construire une nouvelle culture.
N.B.
« Talm ur galon », Startijenn, production Paker Prod/Coop Breiz Diffusion. Voir pour la tournée www.startijenn.bzh concert de sortie le 20 mai à Plœmeur (56)

PS Si, comme moi, vous n’êtes pas bretonnant, il faut lire les traductions, notamment su poème qui sert de titre à l’album. Résonances avec le son du monde en guerre.

Des cadeaux, encore pour soi, pour d’autres, pour le don et son plaisir

Noël, une histoire de dingues », Mark Forsyth (traduit par Thierry Beauchamp, aux éditions du Sonneur), donne le la des fêtes et des commémorations diverses. La naissance de l’enfant Jésus le 25 décembre est un long processus qui s’appuie plus sur les évangiles officieuses que les officielles. Il faut participer de cette élaboration des « fêtes » pour rire des présentations de ce qui est aujourd’hui considérées comme des dogmes qu’il est impossible de contester. L’auteur, érudit, fait partager sa contestation des réalités, résultat souvent d’un enchevêtrement de strates civilisationnelles occultées pour figer le temps. Une leçon d’histoire des mythes, de leur maturation mais aussi des erreurs d’interprétation qui fait de Coca Cola, par exemple, dans sa campagne de pub de 1929, le créateur du costume du Père Noël.
Des histoires à partager en famille et pour briller dans les diner de fêtes ou non. Pour rire et apprendre.
Une bonne introduction à cette époque de cadeaux à ne pas hésiter à (se) faire. Continuer la lecture

Le temps des coffrets.

Les festivals s’essaient à vivre. Le variant actuel devrait, de nouveau, provoquer des règles quelques fois mortelles pour des manifestations en reconquête d’un public. Les clubs de jazz parisiens, le Sunset, le Sunside, envisagent des initiatives mais pour l’instant c’est plutôt l’attente. Il nous faut donc puiser dans d’autres ressources, (re)découvrir notre passé à l’occasion des anniversaires par exemple. Continuer la lecture

Bousculer la tradition pour la conserver

Un traditionnel moderne
Denez, on le sait depuis son premier album, s’inscrit dans la tradition bretonne pour s’élancer vers d’autres espaces en utilisant tous les outils des musiques d’aujourd’hui, électroniques compris, et les instruments des autres cultures de ce monde de plus en plus ouvert à toutes les influences. L’utilisation de la langue bretonne est une façon paradoxale de se réclamer de la modernité qui inclut la reconnaissance des langues oubliées par la centralisation napoléonienne.
La rencontre que signe ce onzième album avec Yann Tiersen est logique avec la trajectoire de ces deux musiciens. Bandonéon, trompette à quatre tons – celle de Amin Maalouf créée par son père et son oncle – duduk arménien, violon, piano, accordéons, guitares, basse, farandoles de références s’inscrivant dans le gwerz, le chant venu du fond des temps, signe de la fusion, d’après les légendes, de traditions des bardes gallois et ceux de l’Armorique. Comme si, en creusant le temps, surgissait la nouveauté, le présent, comme si le rêve des passés alimentait les songes d’un présent tourmenté. Rappeur et chanteuses, Oxmo Puccino, Aziliz Manrow et Émilie Quinquis, viennent apporter un vent différent pour orienter le bateau.
Le titre de l’album, « Stur an Avel », Le Gouvernail du Vent, indique le rapport aux forces de la nature, le vent, l’eau, la terre, les divinités suprêmes de toutes les religions, mis à part celles du capitalisme qui considère toute chose sous l’angle de sa valeur marchande et de sa capacité à générer du profit. Références aussi aux légendes de celles qui se racontent au coin de ce feu sans cesse renouvelé pour combattre les froids de l’âme, pour trouver la fraternité.
Il reste à suivre le flot, parfois emporté, parfois plus calme apparemment, des paroles et de la musique tout en se servant du livret pour saisir le sens des mots tout en se laissant emporter par la danse.
Nicolas Béniès
« Stur an Avel, le gouvernail du vent », Denez, Coop Breizh Musik, distribué par Idol et Coop Breizh Diffusion.

Les mots de la musique, les sons des mots

Le Mot et le Reste, un éditeur étrange

Le Mot et le Reste s’est donné pour objectif de faire aimer, connaître, comprendre les musiques de notre temps. Il s’est fait une spécialité – tout en ayant d’autres cordes à son violoncelle – de mettre en mots les musiques de notre temps, soit par le biais de biographies, comme celle de Sinatra (voir la recension sur ce même site), soit par des présentations de grands courants musicaux contemporains et populaires, comme le blues à travers des albums significatifs. Pour « le reste » des publications, il vous faudra consulter son site…
Fin 2020, il avait proposé de redécouvrir Jimi Hendrix et de nous faire connaître ou reconnaître le « soft rock » et les producteurs des musiques de ces 25 dernières années soit un voyage dans notre paysage sonore, une histoire de nos émotions. Continuer la lecture

PATRIMOINE : Dario Moreno

La chanson française à l’heure des rythmes latins

Les années 1950, en France et aux États-Unis notamment se verront submerger par les rythmes afro-cubains et par les danses comme la rhumba, le cha-cha, le calypso, la samba… Il sera question d’orchestres typiques pour qualifier cette vogue en France. Un chanteur personnifie la folie de ère : Dario Moreno. La chanson qui fera de lui une star, « Si tu vas à Rio » reste à jamais l’emblème de l’époque. De temps en temps, la mémoire de ces musiques, de ces danses refait surface et c’est reparti pour la grande fête du corps. Continuer la lecture

Modèle de destruction

Une histoire américaine

« The Carpenters », Karen et Richard frère et sœur, représente le groupe phare des années Nixon, le moment où les populations veulent oublier la guerre du Viêt-Nam et même leur président. Une musique sirupeuse sauvée par la voix étrange de Karen. Un peu grosse, elle erre de régime amaigrissant en régime amaigrissant. Anorexique, elle mourra à 33 ans d’un arrêt cardiaque ouvrant la porte à la dévotion des fans. Clovis Goux évoque cette Amérique étrange qui connaîtra la vague hippie à la fin des années 60. « La disparition de Karen Carpenter » raconte la descente aux enfers d’une jeune femme trop de son temps et en acceptant toutes les figures de la publicité. Une écriture qui tient à distance son sujet tout en faisant preuve de délicatesse, de pudeur. Ce critique de rock devrait faire romancier.
N. B.
« La disparition de Karen Carpenter », C. Goux, Actes Sud/Rocks

Musique et chansons venues d’ailleurs

Vers d’autres rencontres.

« Les voyageurs de l’espace » est le nom d’un trio composé de Didier Petit, violoncelliste/compositeur – mais aussi créateur du label In Situ -, de Claudia Solal aux chants et Philippe Foch aux percussions mais aussi un projet : raconter l’aventure spatiale,, le voyage interplanétaire. Les paroles disent clairement ce projet.
Ces trois là pourraient venir d’ailleurs pour remplir l’espace de musiques errantes avec l’espoir de communiquer de cet espoir fou de visiter d’autres mondes.
Chantons notre départ en s’échappant de soi-même comme ils nous le conseillent pour devenir notre propre passager clandestin dans un espace sans amarres pour visiter les planètes anciennes nouvellement découvertes par le gros œil des terriens.
La musique habille ces paroles d’une force rêvée, sidérée par la voie lactée pour monter et descendre vers une planète qui s’appelle la terre et ses paysages curieux.
S’éclipser discrètement est toujours difficile surtout lorsqu’il s’agit de chanter que monde est merveilleux (« Wonderful ») repris d’un des derniers albums de Louis Armstrong pour tirer une bizarre révérence.
« Les voyageurs de l’espace » nous convient à un festin fait de contes, d’expériences et d’utopies d’une vie meilleure. Pour tout vous dire, ils nous font chanter… avec l’aide de plusieurs paroliers, des chansons inscrites dans un espace différent. Attachez vos ceintures, départ pour d’autres planètes et pour voir la notre d’un œil neuf.
Nicolas Béniès.
« Les voyageurs de l’espace », Claudia Solal, Didier Petit, Philippe Foch, Basta/Buda Musique

Un tour de piste ?

QUAND LE BLUES REVIENT !

On le croyait oublié, perdu à jamais, emporté dans la grande vague du rock, du hard rock ou du metal. Il fait son grand retour, une fois de plus. Musique éternelle de ces griots modernes que sont les chanteurs et instrumentistes du blues. Les « bleus » – il faut toujours se souvenir que blues est au pluriel, qu’il existe plusieurs bleus, comme les couleurs de l’arc-en-ciel – affirment en force.
En 1959 deux jeunes amateurs français – Jacques Demêtre et Marcel Chauvard, ce dernier décédera en 1968 – décident de partir pour un « Voyage au pays du blues » qui sera publié en épisodes dans la plus ancienne revue de jazz française, alors dirigée par Charles Delaunay, « Jazz Hot ».(1)
Ils sont les premiers à s’intéresser aux lieux dans lesquels prospère cette musique. Paul Oliver, (2) le musicologue anglais de référence, n’a pas encore publié ses ouvrages, et Samuel Charters est en train de mettre le point final à son premier. Jacques Demêtre lui-même n’a encore rien fait paraître. Continuer la lecture