Crise de légitimité

Crise de régime.

Une crise de régime, vue par toute la presse étrangère mais ignorée par le Président, qui devrait conduire à la mise en œuvre d’une VIe République pour répondre à l’épuisement des ressources de la Ve. Crise de régime qui intervient dans un contexte de crise politique profonde qui touche toutes les institutions. Macron, en 2017, en a été le révélateur. Son élection est due fondamentalement à l’écroulement et du Parti socialiste de Hollande et du PR de Sarkozy, lui-même poursuivi par les affaires et incapable de rejouer un rôle politique. L’écroulement des députés de droite n’en est que la dernière réplique en date. En résulte un fort taux d’abstention qui ne cesse de progresser laissant une énorme place à l’extrême droite ainsi que par la montée en puissance des théories complotistes alimentées par les « vérités alternatives » trumpistes mais aussi du ministre de l’intérieur français qui n’en est pas à une menace près. Les libertés publiques s’en trouvent menacées.
Le président de la République enfermé dans ses bunkers, l’un idéologique, l’autre formé par ses conseillers ne voit pas la réalité. Il est enfoncé dans l’idéologie libérale qui lui fait croire à la nécessité de diminuer les impôts, les cotisations sociales pour baisser le coût du travail et améliorer la compétitivité en baissant le prix de vente tout en augmentant les profits dans un monde hypermondialisé. La pandémie, la guerre de Poutine ont changé la donne. Les Etats sont intervenus massivement et en France plus que partout ailleurs en Europe pour éviter les faillites et une perte de pouvoir d’achat trop importante des salariés en finançant le chômage partiel tout en aggravant les inégalités en laissant les précaires, particulièrement immigrés, sans soutien. Le gouvernement de Biden a bien compris cette nouvelle donne qui passe par la remise en cause de l’hypermondialisation. Une politique protectionniste lui a succédé qui vise à réindustrialiser en tenant compte des nécessités des réponses à la crise climatique. Les subventions accordées à toutes les entreprises voulant investir aux Etats-Unis sont liées à des contreparties liées à la défense de l’environnement. Des entreprises européennes s’interrogent pour savoir si elles ne vont pas s’installer aux Etats-Unis. Macron, lui, n’a pas tiré le bilan de ces années, ne s’est pas interrogé sur le nouveau rôle de l’Etat qui détruisait les bases mêmes des constructions néo-classiques des économistes officiels. Continuer la lecture

De la Corée à l’Afrique du Sud morceaux d’histoire

Polar coréen

Mettre en scène dans un costume de Sherlock Holmes – le fameux trench-coat – quatre femmes d’âge divers, mères de famille, dont une fille mère, dans un quartier de Séoul, avec, comme quartier général la supérette Gwangseon tenue par l’une d’elles est une gageure. Ce n’est pas la seule. Faire rire, sourire des références des romans policiers britanniques – Conan Doyle, Agatha Christie en particulier – tout en menant une enquête policière sur un tueur de femmes est l’autre pari tenu par Jeon Gunwoo. « La section des enquêtrices mères au foyer » comme elles se nomment fait preuve d’un sens de l’observation et de déduction tout en accumulant les gaffes et les erreurs. Continuer la lecture

Histoire et culture des États-Unis.

Une nouvelle biographie de Miles Davis et ce n’est jamais trop. Miles a vécu dans sa chair le racisme et ses conséquences. Adulé à Paris, il ne perce pas à New York et se drogue. Le drame des musicien.ne.s de jazz – un terme contesté aux États-Unis mais valorisant en Europe, comme il le notait lui-même. Il s’agir de Great Black Music bien entendu.
Jerome Charyn pense qu’il était temps, pour terminer ses aventures, d’installer Isaac Sidel à la Maison Blanche. Que peut faire un ancien flic et ancien maire de New York – Charyn ne s’éloigne pas trop de la réalité – à la Maison Blanche ? Pas grand chose. Depuis, Trump a conduit une sorte de putsch, de coup d’État comme, pour l’instant, une tentative avortée mais une tentative. Charyn n’a pas osé écrire qu’un Président pouvait sauter dans sa voiture pour prendre la tête des manifestants à l’assaut du Capitole et empoigner par un agent de la sécurité pour l’empêcher de commettre ce crime. Trump a testé, un autre ou lui-même pourrait le réaliser. Il a beaucoup fait pour discréditer tout le système de la démocratie américaine sans parler de ses nominations à la Cour Suprême. Lire Charyn, c’est pénétrer dans certaines arcanes de ce monde étrange. Continuer la lecture

Révolution(s)

Années folles, années de libération des femmes
« Les garçonnes », une figure majeure des « années folles », n’ont pas suscité beaucoup d’études sociologiques. De manière générale, cette période de l’entre-deux-guerres reste un peu ignorée des historiens français. « La garçonne », on s’en souvient peut-être, est un roman de Victor Marguerite qui fit scandale et se vendit comme des petits pains. L’auteur en perdit la légion d’honneur ! Il mettait en scène une femme trompée, puis lesbienne et droguée pour trouver, à la fin, l’amour bourgeois.
Christine Bard se saisit de cette représentation pour aborder le sujet de l’homosexualité féminine surtout, en multipliant les références dans la littérature à commencer, bien sur, par Colette, pourtant, comme elle le souligne, une référence ambiguë. La garçonne – « flapper » pour Scott Fitzgerald, terme qui aura la vie aussi courte que garçonne – sera le terme qui synthétisera l’émancipation des femmes pendant cette période qui verra aussi l’apparition des « mannequins ». Les femmes se libèrent des corsets et autres jupons pour enfiler des vêtements masculins comme le pantalon – qui sera interdit à l’école publique jusque dans les années 1960 – et des vêtements amples permettant aux corps de vivre et surtout de danser sur des airs arrivés d’outre atlantique début 1918 via l’orchestre de James Reese Europe. « Jazz » est la dénomination la plus utilisée. Jazz devient un synonyme de « garçonne ». Il ne faudrait pas oublier les vents, les souffles de la révolution russe qui alimentent les désirs de transformation. Tout est possible dit-elle à la face du monde.
La mode – tenue souvent par des hommes – mettra du temps à intégrer cette nouvelle donne. Sans retour en arrière possible. Les cris d’orfraie de toute la droite, commencer par l’Action française, n’y feront rien. Comme d’habitude les Juifs seront accusés de tous les maux, Léon Blum en particulier pour son « Traité du mariage » dans lequel il préconisait une vie sexuelle avant le mariage. Christine Bard donne des indications facétieuses sur les longueurs des robes ou des jupes autorisées au fil de ces années. Continuer la lecture

Des Essais pour les fêtes mais pas seulement…

Quelques parutions pour remettre en perspective notre quotidien difficile. Pour ne pas rester uniquement centré sur sa personne, sa famille, pour écouter, comprendre les bruits du monde. Si Dieu, suivant l’Ancien testament, s’est reposé le septième jour c’est pour entendre le murmure du monde. S’arrêter, prendre le temps est une nécessité vitale pour éviter de s’enliser dans la routine. La lecture est un moyen d’évasion et de réflexion, une manière de prendre de la distance. Continuer la lecture

Sciences sociales. Regards sur un passé dépassé et… présent.


Plusieurs livres analysent l’idéologie dénommée néolibérale.

Bruno Amable, dans « La résistible ascension du néolibéralisme », veut participer de l’économie politique, alliant les différentes branches des sciences sociales pour analyser la « modernisation capitaliste et crise politique en France (1980-2020) ». La référence unique aux modèles néo classiques liés aux préceptes de la « loi du marché » qui réalisent « l’équilibre général » a conduit à une hypermondialisation facteur de désindustrialisation, de privatisations des services publics provoquant des besoins non satisfaits des populations. Les réactions sociales ont, en partie, bloquées le processus prévu. La protection sociale est restée forte en France et les attaques se poursuivent en même temps que les mérites du « modèle français » sont soulignés. La pandémie a rendu visible tous ces mouvements, toutes ces remises en cause tout en actualisant des revendications un peu évanouies comme la réduction du temps de travail. Amable appelle les tenants des politiques néolibérales des « Modernes » mais le virus a mis en lumière qu’ils représentent le passé. Continuer la lecture

Analyser le capitalisme

Pour construire un programme de transformation sociale

Le débat dans le mouvement ouvrier, théorique et pratique, semble tari, asséché. La conversion du Parti Socialiste aux dogmes de l’économie néoclassique commencée par François Mitterrand et achevée par François Hollande La traduction se trouvait dans l’adoption d’une politique d’inspiration néo-libérale, avec sa dimension de remise en cause des libertés démocratiques . L’espoir de changement était enterré, la gauche aussi.
Pourtant, les crises systémiques provoquent des mutations profondes des sociétés et des interrogations sur le capitalisme lui-même. Les États-Unis sont devenus le laboratoire des tendances lourdes qui marquent le monde : le populisme de Trump et la renaissance de l’idée socialiste. La campagne à l’intérieur du parti Démocrate l’a bien montrée.
Thomas Picketty a été un des inspirateurs d’une partie des candidates – Elizabeth Warren en particulier – à l’élection présidentielle. Le capitalisme du 21e siècle a été un grand succès de librairie aux États-Unis. Sa méthode d’investigation fait de recensement de données et de corrélations est une modalité des sciences sociales anglo-saxonnes. Le pragmatisme fait souvent office de théorisations.
Capital et idéologie, son dernier livre, se donne pour but d’expliquer les idéologies qui légitiment les inégalités, un système qui provoque crises et « désaffiliation » – un concept qu’il n’utilise pas – pour permettre la croissance des revenus des 1% les plus riches. Dans des interviews diverses dont une à Alter Eco, il avait quasiment repris le cri de Proudhon « La propriété c’est le vol » en proposant un impôt sur le patrimoine et un revenu universel pour lutter contre l’enrichissement des plus riches. Un programme sympathique a priori. Continuer la lecture

Patrimoine : le fêtard à gros cigare

Barclay et la révolution technologique de l’après seconde guerre mondiale.

Paris et la France découvrent, en même temps quasiment que les États-Unis par l’effet d’une grève des enregistrements de 1942 à 1944 – le « Petrillo ban » – la nouvelle révolution du jazz, le be-bop. Charles Delaunay qui reçoit au siège de Jazz Hot les premiers enregistrements de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker sur le label « Guild » sait que le jazz d’aujourd’hui (1945) est là. La controverse sur le be-bop sera une des origines de la scission du Hot Club de France.
Il fallait trouver les moyens de diffuser cette révolution. Delaunay le fera via son label, « Swing » – puis Vogue pour éviter les procès avec Hugues Panassié – mais il ne sera pas le seul.
Un pianiste de bar, Édouard Ruault bouleversé par le jazz, se lance dans la reprise d’enregistrements venant des États-Unis, sous le label « Blue Star ». Pas toujours de grande qualité , ces disques mettent à la disposition du public français les parutions américaines. A l’époque, les relations commerciales entre la France et les États-Unis sont encore marquées pat la guerre et, pour l’industrie phonographique par la grève. Comme disait Boris Vian pour signifier la qualité médiocre des reproductions et l’absence de concurrence « Mieux vaut Blue Star que jamais ».
Comme souvent en cette période – le film de Jacques Becker, « Rendez-vous de juillet », le montre bien – le Édouard livre les disquaire à vélo. Ce sera le début d’une aventure qui durera jusqu’à sa mort. Des débuts de la fortune à la ruine. Un itinéraire d’un enfant du siècle, du jazz au yéyé en passant par la grande chanson française. Édouard sera plus connu sous le nom d’Eddie Barclay.
J’en entends qui se récrie. Eddie Barclay, l’homme à femmes, en costume blanc, un verre de whisky à la main, un gros cigare à la bouche, rigolard, conviant toute la jet set à Saint-Trop ferait partie de notre patrimoine ? Que Nenni ! Pourtant… Continuer la lecture

Des clés pour lir le cinéma de Clint Eastwood

Cinéma en livre,
Une autre manière de voir les films.

Consacrer un Repères à « Clint Eastwood » peut sembler une étrange tentative d’aborder l’art du cinéma. Jean-Louis Fabiani réussit la gageure en interrogeant la critique des œuvres du cinéaste pour cerner la « persona », le personnage qu’il interprète, et ce qu’il dit du contexte social et politique. Curieusement, ce ne sont pas les idées politiques de Eastwood – il est libertarien donc contre l’État et pour l’initiative individuelle – qui jouent un rôle mais la « persona ». L’inspecteur Harry, vu de cette manière, est un personnage ambigu qui reflète le contexte des États-Unis, le rapport aux armes, à la violence, à la place de l’individu. Fabiani, en épluchant cette critique surtout américaine, permet de saisir les représentations, les figures qui structurent la société américaine. Jerome Charyn l’avait déjà mis en lumière dans « Movieland » (1990) cette importance du cinéma dans la culture des États-Unis, qui possède une tradition plus orale que la française.
Que vous aimiez ou non Clint Eastwood, l’auteur invite à penser le cinéma qui synthétise, dit-il, toutes les contradictions de la culture contemporaine. Il ne craint pas, sur cette lancée, une comparaison des films tournés par l’acteur/metteur en scène/producteur et la nouvelle vague.
NB
« Clint Eastwood », Jean-Louis Fabiani, Repères/La Découverte.

W.E.B. Dubois se raconte

Autobiographie d’un combattant.

W.E.B. Du Bois, métis né en 1868 et mort en 1963, a traversé toutes les vicissitudes du 20e siècle et de la constitution des États-Unis d’Amérique. Sociologue, il a beaucoup étudié la situation des Africains-Américains soumis au racisme et à son cortège d’humiliations et d’assassinats. « Les Âmes du peuple noir » restent comme l’un des chefs d’œuvre de la littérature, réédité aux éditions de La Découverte. La première étude de référence même si, depuis elle a été critiquée, contestée. Sa connaissance est nécessaire pour comprendre la société américaine mais aussi le développement des formes musicales spécifiques qui sont celles des Africains-Américains, le gospel en particulier.
A 72 ans, il a voulu décrire son parcours en le prenant pour objet d’étude. Sa réflexion porte « sur le concept de race » – comme le note le sous titre de son autobiographie – sans laisser de côté, l’âge est d’une grande aide, les autres aspects plus personnels, comme sa sexualité. Ce fondateur de la « NACCP » a été l’un des grands inspirateurs des luttes pour les droits civils. « Pénombre de l’aube », jamais traduit en français, prend place parmi les livres essentiels pour connaître cet auteur souvent laissé de côté et r&fléchir à ce concept de race qui, aux États-Unis, n’a pas le même contenu qu’en France.
N.B.
« Pénombre de l’aube. Essai d’autobiographie d’un concept de race », W.E.B. Du Bois, traduit et présenté par Jean Pavans, Éditions Vendémiaire, 419 p.