25 ans après…

Un pianiste de jazz populaire : Michel Petrucciani

Populaire et jazz ce n’est pas un oxymore mais un retour aux sources. Le jazz, « Great Black Music » – a toujours été une musique de danse, virevoltante, à l’affût de corps qui bougent comme des cerveaux, « Body and soul » comme l’affirme un standard.
Michel Petrucciani a réussi à nouer toutes les influences, tous les torrents de cette musique. Bill Evans surtout, un pianiste essentiel, influence majeure mais aussi tous ces pianistes « souls » capables de vous transporter vers des mondes mouvants à la recherche du swing ou encore Oscar Peterson. « Le pianiste pressé » a titré Franck Médioni pour cette première biographie pour les 25 ans de sa mort, le 6 janvier 1999, à ­36 ans. Il avait coutume de se définir ainsi « Je suis petit, j’ai mal partout, ‘ai les os qui bougent mais j’ai des mains plus normales que les vôtres. Peut-être que Dieu voulait que je joue du piano. » Il souffrait d’une maladie incurable, l’ostéogenèse imparfaite, qui, à la fin de sa vie, se traduira par des brisures des os de ses mains, tellement qu’il envisageait d’arrêter de jouer et de créer une école de piano. La douleur, pourtant, ne l’empêchait pas de jouer encore et encore.
Franck Médioni raconte cette vie haletante, au service de la musique. A la manière américaine, il croise les témoignages pour offrir un portrait qui se veut totale du pianiste. Rien n’est ignoré. En prime, Charles Lloyd, saxophoniste et premier employeur de Michel, apporte sa pierre. Pour toute une génération, celle d’avant le 21e siècle, la rencontre avec Petru a été synonyme de plaisir.
Nicolas BENIES
« Michel Petrucciani, Le pianiste pressé », Franck Médioni, l’Archipel, Paris, 2024, 23 euros
NB Tous ses enregistrements listés à la fin du livre sont tous disponibles, principalement chez les soldeurs.

Histoire et culture des États-Unis.

Une nouvelle biographie de Miles Davis et ce n’est jamais trop. Miles a vécu dans sa chair le racisme et ses conséquences. Adulé à Paris, il ne perce pas à New York et se drogue. Le drame des musicien.ne.s de jazz – un terme contesté aux États-Unis mais valorisant en Europe, comme il le notait lui-même. Il s’agir de Great Black Music bien entendu.
Jerome Charyn pense qu’il était temps, pour terminer ses aventures, d’installer Isaac Sidel à la Maison Blanche. Que peut faire un ancien flic et ancien maire de New York – Charyn ne s’éloigne pas trop de la réalité – à la Maison Blanche ? Pas grand chose. Depuis, Trump a conduit une sorte de putsch, de coup d’État comme, pour l’instant, une tentative avortée mais une tentative. Charyn n’a pas osé écrire qu’un Président pouvait sauter dans sa voiture pour prendre la tête des manifestants à l’assaut du Capitole et empoigner par un agent de la sécurité pour l’empêcher de commettre ce crime. Trump a testé, un autre ou lui-même pourrait le réaliser. Il a beaucoup fait pour discréditer tout le système de la démocratie américaine sans parler de ses nominations à la Cour Suprême. Lire Charyn, c’est pénétrer dans certaines arcanes de ce monde étrange. Continuer la lecture

JAZZ, sur la piste de l’Oiseau

Pour les 100 ans d’un oiseau de feu, de sang pour illuminer le monde
Charlie Parker ? Il en est qui ne connaissent pas. Ne savent pas que cet oiseau bizarre, « Bird », est capable de tutoyer les cimes, les cieux et même le soleil. Il sait s’envoler vers des contrées inexplorées, vers une jungle qu’il est seul à reconnaître comme si ces paysages s’offraient à lui pour lui éviter toute répétition. « Je l’ai déjà joué demain » lui faisait Julio Cortazar dans « L’homme à l’affût » pour illustrer la volonté de Charlie Parker de ne jamais se copier, même dans le futur. Cortazar avait bien cerné le génie et l’impossibilité de se faire comprendre par d’autres sinon de se laisser transporter dans ces contrées étranges que personne n’avait visitées avant lui. Et ne les visiteras après lui. Elles restent inaccessibles. Le Bird aurait 100 ans cette année. Un âge canonique qui ne l’empêche pas d’être un fantôme actif et vivant.
Découvrir Parker, au-delà du film de Eastwood, est un grand moment. S’il fallait une figure au génie, il faudrait le choisir. Coule du saxophone alto des vies, des rêves, un temps spécifique accéléré, diffracté dans un espace toujours redéfini. Un univers en constante permutation, ouverture. Parker est le créateur du nouveau langage du jazz, après la deuxième guerre mondiale, le be-bop. Continuer la lecture

Le jazz dans toutes ses facettes.

Actualités du livre sur le jazz

Coltrane encore et toujours.
Coltrane est mort en juillet 1967. Plus de 50 ans. Et son tombeau est resté ouvert. Sa musique fraternelle, universelle laisse tomber des gouttelettes pour fertiliser un sol qui en a besoin. Il a su faire reculer le gris qui a tendance à envahir le monde. Le « jeune homme en colère » – comme la critique le qualifiait au début des années soixante – s’est transformé en esprit mystique et facétieux, un génie venu habituer notre monde temporairement. Personne ne s’en est vraiment remis. La parution d’un double album miraculeusement retrouvé de 1963 vient, une fois encore, en faire la démonstration. « Both Directions at Once » a été le titre choisi par Universal pour refléter La nouvelle direction prise par Coltrane.
Jean Francheteau, aujourd’hui organisateur de concert, s’est arrêté sur « La décennie fabuleuse », 1957-1967, de « John Coltrane », titre de sa quête. Il passe en revue les enregistrements du saxophoniste, d’abord chez Prestige, puis chez Atlantic et enfin Impulse. Sur ce dernier label, Bob Thiele l’a beaucoup sollicité, au-delà de ce que demandaient les propriétaires. Heureusement. Après la mort de Trane – comme tout le monde l’appelle -, les sorties d’albums posthumes ont permis de le garder vivant. Continuer la lecture