BD documentaire

Une histoire comme il faut les aimer

Fred Leclerc décide, alors qu’il est au chômage, de suivre les traces de Samuel Paty : devenir prof pour apporter la connaissance aux enfants. Il décide de postuler au poste de prof d’arts plastiques dans les écoles primaires parisiennes – un poste qui n’existe nul part ailleurs. Sans aucune formation, il est jeté devant des élèves qui ne savent pas se discipliner. Les bulles donnent à voir le désarroi, les nuits sans sommeil, la dépression… dus à la décomposition du rêve mais aussi des réactions sympathiques de ces jeunes élèves qui ne comprennent pas pourquoi le prof démissionne. Continuer la lecture

Luttes féministes

BD
« Ne nous libérez pas, on s’en charge »

« La belle de mai » ne fait pas référence à mai 68, mais à la grève des cigarettières de la manufacture des tabacs, dépendante de l’État, à Marseille en 1887. Une lutte ouvrière et féministe, les revendications sont explicites. Le dessin, signé Élodie Durand, suit, dans le mouvement des corps, la prise de conscience collective dans le combat ainsi que la fierté d’être debout, de sortir de invisibilité pour être autre chose qu’une marchandise ou une épouse. L’histoire d’amour, enveloppée dans la fumée continuelle des cigarettes, sorte d’halo nécessaire pour dire que le travail suit pas à pas chacune de ces ouvrières au-delà de l’usine.
Une grève victorieuse, pour cette raison peut-être, oubliée. Mathilde Ramadier, pour le texte, met en scène cette « Fabrique de révolutions », sous titre de la saga. Émerge le parfum de fête qui va de pair avec la découverte du collectif, le moment où le « nous » remplace le « je » pour créer un autre monde. Le slogan « Ne nous libérez pas, on s’en charge » de ces combattantes résume bien la nécessité du féminisme.
Nicolas Béniès
« La belle de mai. Fabrique de révolutions », Mathilde Ramadier et Elodie Durand, Futuropolis

Regards sur les États-Unis, autobiographie de Maya Angelou et le reste

Vivre ! Libre !

Maya Angelou, née Marguerite Johnson dans une bourgade du Sud des États-Unis, vit, dans ce troisième tome de son autobiographie romancée – les souvenirs sont un roman -, dans la grande ville de la Côte Ouest San Francisco. Le titre, traduction littérale de l’original, fait défiler le programme de cette jeune femme, mère célibataire, dans le début des années cinquante – elle a moins de trente ans à la fin du périple – « Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël ». Un un laps de temps raccourci, elle se marie, se sépare d’un conjoint qui veut la confiner au statut de ménagère, devient disquaire, chanteuse, danseuse et, pour finir, est engagée dans l’opéra « Porgy and Bess » pour une tournée mondiale qui l’éloigne de son fils malade de l’absence de sa mère. Elle culpabilise forcément… . Toutes ces aventures, ces rencontres baignent dans Ia tonalité de la jeunesse, bien rendu par la traductrice Sika Fakambi. Continuer la lecture

Colères ouvrières face au mépris de classe

Colères ouvrières et lutte pour la dignité
Pascal Dessaint, auteur de romans « noirs », a voulu comprendre une image récente de deux cadres d’Air France qui, lors d’une occupation des salarié.e.s du siège de l’entreprise avait perdu leur chemise restée dans les bureaux. Image commentée forcément défavorablement, fustigeant comme il se doit la violence sauvage de ces contestataires. Etait-ce, se demanda l’auteur, la première fois que ces débordements de colère désespérée contre la morgue patronale de droit divin avaient lieu ?
Remontée de la mémoire conservée dans des journaux comme l’Illustration une image – encore une mais un dessin cette fois – d’une défenestration d’un cadre des « Houillères & Fonderies de l’Aveyron » – dont le siège est à Paris -, Jules Watrin dans le contexte d’une grève des puits pour exiger à la fois une augmentation des salaires et du respect. La colère gronde devant l’intransigeance de la Compagnie qui ne veut pas céder, ce 26 janvier – il fait froid – 1886. La foule des grévistes veut la démission de Watrin, jugé responsable de toutes les misères. La direction réelle est hors d’atteinte des grévistes et sait envoyer au front ses pions pour se faire massacrer et, ensuite, s’en servir comme d’une arme contre les grévistes.
Zola vient de publier « Germinal ». Il est immédiatement accusé d’avoir fourni de « grain à moudre » intellectuel aux hordes anarchistes ouvrières. Comme le fera remarquer un journaliste du « Cri du peuple », les mineurs – femmes et hommes – n’ont guère le temps de lire… Continuer la lecture

De la Corée à l’Afrique du Sud morceaux d’histoire

Polar coréen

Mettre en scène dans un costume de Sherlock Holmes – le fameux trench-coat – quatre femmes d’âge divers, mères de famille, dont une fille mère, dans un quartier de Séoul, avec, comme quartier général la supérette Gwangseon tenue par l’une d’elles est une gageure. Ce n’est pas la seule. Faire rire, sourire des références des romans policiers britanniques – Conan Doyle, Agatha Christie en particulier – tout en menant une enquête policière sur un tueur de femmes est l’autre pari tenu par Jeon Gunwoo. « La section des enquêtrices mères au foyer » comme elles se nomment fait preuve d’un sens de l’observation et de déduction tout en accumulant les gaffes et les erreurs. Continuer la lecture

Deux témoignages, blues et jazz

Sur les premiers temps du blues et du jazz
Robert Johnson et Louis Armstrong

Annye C. Anderson fait partie de la deuxième génération de la fin de l’esclavage. Elle sait raconter son enfance qu’elle a passé aux côtés de Robert Johnson, le musicien qui en l’espace d’enregistrements réalisés en 1936-1937, peu avant sa mort – il n’avait pas 30 ans – a révolutionné les mondes du blues en les unifiant. Il est une des grandes références encore aujourd’hui. Ses poèmes sont toujours chantés dont ce « Sweet Home Chicago » qui se retrouve dans le film « Blue Brothers » de John Landis. « Mon frère Robert Johnson », le titre du livre, est un témoignage de la vie des Noirs dans ce sud raciste des États-Unis. Le chapitre « La vie posthume de Robert Johnson » est une charge contre les « escrocs » qui se sont appropriés son œuvre. Un témoignage intéressant au-delà même de Johnson. Continuer la lecture

Littérature et documentaire

Les oubliés des guerres russes modernes

Un journaliste russe d’opposition, Mikhaïl Chevelev, dans « Une suite d’événements », son premier roman, nous projette dans notre monde barbare.
Le bandeau cite, avec à propos, la postface de Ludmila Oulitskaïa : « Ce livre s’adresse à nous tous » et c’est le cas. Le journaliste, Pavel, n’est que le témoin de la descente aux enfers d’un soldat, russe, présent lors de la première guerre en Tchétchénie voulue par Boris Eltsine et de la guerre en Ukraine provoquée par Poutine. Vadim, le soldat, est pris dans l’engrenage de l’Histoire sans pouvoir comprendre les enjeux. Au-delà même, les combattants en Ukraine ne savent plus contre qui ils se battent. La corruption est omniprésente, les manipulations partent de tous les coins de la Fédération de Russie résultat de l’éclatement de l’URSS et des guerres dites « nationalistes » menées par des potentats locaux qui y trouvent leur intérêt.
Chevelev raconte, avec distanciation par l’utilisation de l’ironie, les événements grands et petits qui vont faire de Vadim un désespéré parce qu’il prend conscience du contexte et ne voit pas de porte de sortie. Continuer la lecture

Spécial Michel Legrand

Histoire de génération(s)

Michel Legrand fait partie de notre paysage musical, à la fois auteur de musiques de films, pianiste de jazz, chanteur, arrangeur, chef d’orchestre, accompagnateur, auteur de succès inaltérables qui restent dans les mémoires de toutes les générations, autant françaises qu’américaines. Il nous a quittés le 26 janvier 2019. Il n’a, sans doute, pas voulu voir la pandémie et la Covid19. Comme on le comprend !
Lui consacrer un coffret de 10 CD, une sorte de tome 1 couvrant les années 1953 – il a 21 ans – à 1962, permet de (se) rendre compte de sa palette mais aussi des changements effectués à la fois dans la musique et dans la société. « Le monde musical de Michel Legrand » est le titre générique de ce travail de mémoire qui reprend, presque chronologiquement, les enregistrements qu’il a signés dans ces années. Continuer la lecture

Comment va le monde ?

Comment être libre ?
La Turquie de Erdogan nous raconterait-elle notre avenir ? Le vide idéologique actuel est comblé par la référence à la religion et au nationalisme le plus éculé pour permettre la mise en place d’un programme qui n’a pas changé et qu’il faut nommer néolibéralisme. Paradoxalement, il s’agit toujours de s’insérer dans le processus de mondialisation actuelle qui fait la part belle à la richesse financière. L’arbitraire policier est une nécessité pour imposer ces politiques.
Particulièrement, depuis le coup d’État avorté de juillet 2016. Le pouvoir a multiplié les arrestations dans tous les milieux, des fonctionnaires aux cadres de l’armée en passant par les journalistes accusés d’être des putschistes. Il fallait faire taire toute opposition. Ahmet Altan, romancier, essayiste et directeur de journal, a fait partie de ceux-là. « Je ne reverrai plus le monde », des « Textes de prison », raconte son arrestation un matin, 45 ans après celle de son père, sans raison officielle. La prison, pour cet homme de 69 ans, a dû être un calvaire. Il conserve son humour et constate les tentatives dérisoires des gardiens.
Poète, il s’évade dans d’autres sphères faisant de l’imagination une des clés de sa liberté. Une grande leçon d’humanité. Il conte aussi sa rencontre avec le juge qui l’accuse, sans preuve, de tentative de putsch. Il est accompagné de ses avocats. La réalité fait bon ménage avec la fiction ^pour provoquer à la fois le rire et la peur. Continuer la lecture

Cadeaux à faire et à se faire

Le temps de lire…
« Correspondance Albert Camus, Maria Casarès »

Maria Casarès, tragédienne, ne peut pas s’oublier. Sa voix un peu enfumée laisse des traces dans toutes les mémoires. Comédienne totale, vraie, elle se laissait emporter par les passions de son personnage devenues les siennes. Il est impossible de l’imaginer sans emportements, sans colères et sans amour. Libre surtout face aux contraintes de ce temps, les années cinquante, intransigeantes de morale imbécile. Fille d’un Président du Conseil de la deuxième République espagnole, exilé à Paris en 1936, Maria Casarès a débuté sa carrière d’actrice en 1942. Elle a vingt ans. Deux ans plus tard, elle rencontre Albert Camus chez Michel Leiris – homme lige de ce 20e siècle – et… ce n’est pas le début de l’amour. Elle mettra fin à cette liaison. Il faudra attendre le 6 juin 1948 – comme un anniversaire – pour que commence réellement cette liaison tourmentée mais aussi belle comme seule sait rendre la vie surréaliste et fantastique un amour fou.
Albert Camus a déjà publié « L’étranger » et le « Mythe de Sisyphe » en 1942. Après la guerre, sa reconnaissance est assurée. Il multiplie les liaisons en marge de Maria Casarès. Maria, sans doute, laisse aussi parler son corps et son esprit lorsqu’elle joue au TNP avec ses compagnons de fortune. C’est le temps de la décentralisation culturelle. C’est le temps des troupes de théâtre, c’est le temps de la culture considérée comme un service public. Continuer la lecture