Dominique Pifarély, violoniste et compositeur, a voulu dessiner une géographie du temps, du temps qui passe, de celui qui refuse de passer ou de celui qui passe trop vite, peut-être aussi, retrouver la voie d’un esprit du temps, le « Zeitgeist » cher à Hegel, concept qui lui permettait de situer des styles d’époque. Le titre anglais, « Time geography » permet d’ouvrir le champ des possibles compréhensions. Il part du chaos ordinaire, « Ordinary chaos » pour arriver aux anciens bruits du chaos, « Chaos, ancient noises » pour faire passer entre les deux quelques réflexions sur le monde tel qu’il ne va pas, l’idéologie de la science et Beirut – pour conserver l’anglais – par exemple. Continuer la lecture →
Deux albums de ce label au si beau titre, « Visions fugitives », devraient remplir le début de cette année qui s’annonce bizarre et formidable. Jean-Marc Foltz, clarinettiste et clarinettiste basse ici, qui mêle consciemment un peu, inconsciemment beaucoup voyage mobile et immobile. Le rêve peut cohabiter avec une réalité différente. Parti sur le chemin des Incas, il revient avec une musique singulière pour visiter passé, présent et un peu l’avenir.
« Viracochas » se veut un hommage à ces anciennes cultures, à ces ruines chargées d’une histoire violente, de conquêtes et de destructions d’où émerge une civilisation perdue qu’il faut faire vivre par l’imagination. Elle ne sert pas à définir un avenir, elle vient comme un élément complémentaire à un patrimoine qui a tendance à s’étioler. Une porte ou une fenêtre pour une maison qui menace ruine… Continuer la lecture →
Henning Mankell fait partie des créateurs contemporains de romans noirs. Sa figure d’enquêteur, Wallander, est connu de tous les aficionados du genre. Wallander a vieilli, comme nous. Il est à la retraite. A priori, il n’enquêtera plus. Mais…
Mankell est aussi directeur d’une compagnie théâtrale qui tourne sur le continent africain. C’est l’autre face de cet auteur, romancier de cette Afrique qu’il aime. Wallander décode la société suédoise en insistant là où ça fait mal, mettant à mal l’imagerie de ce modèle suédois qui connaît aussi un accroissement des inégalités, la corruption, Mankell dénonce le poids du néo colonialisme – que l’on connaît bien en France – pour valoriser les cultures de ces pays. Particulièrement le Mozambique. Continuer la lecture →
Une guitare, seule. Que peut-elle nous dire ? Un souvenir de flamenco, un soupir de standards, une réminiscence vivaldienne, de musique baroque ou plus loin encore dans le temps, un voyage vers où ? Vers nos rêves éclatés, détruits ? Vers un monde déjà dépassé, déjà fini ? Ou un futur étrange ?
Tout cela à la fois. Philippe Mouratoglou, le guitariste qui se laisse guider par sa guitare, parle d’« Exercices d’évasion » et c’est bien trouvé comme titre pour une volonté de se perdre. De perdre des repères pour faire entrer l’auditeur dans une errance qui lui permet à son tour de rêver. De partir pour ce voyage à la fois si près et si lointain.
Il n’était pas évident de réussir l’évasion. Il y faut une longue préparation. Elle pouvait rater. Ce n’est pas le cas. Ne vous laisser pas rebuter par le sous titre « guitare solo ». Le solo de guitare est comme celui de piano. Si guitare et guitariste font corps, si le musicien sait se battre, le résultat est à la hauteur d’un enjeu qui dépasse les deux protagonistes, celui de transporter l’auditeur.
Prêt au décollage ?
Nicolas Béniès.
« Exercices d’évasion », Philippe Mouratoglou, Vision fugitive, distribué par Harmonia Mundi.
Que 2014 vous soit favorable, que les vents qui soufflent donnent un sens à ce monde qui en manque essentiellement, que l’espoir puisse une fois encore renaître pour permettre les transformations nécessaires face au basculement de l’ancien et à l’arrivée d’un nouveau monde.
Que cette année soit aussi une année de découvertes, de surprises
Une année remplie de bulles de rire pour appréhender différemment cette réalité qui a tendance à nous fuir.
Bonne année… On ne sait jamais.
Pour cette rentrés, plusieurs rendez-vous
Mardi 7 janvier 2014
premier cours de l’année pourle séminaire économie,au Panta Théâtre comme d’habitude, de 17h30 à 19h30.
Au programme bilan de 2013, perspectives pour 2014. Pour vous mettre en bouche, l’INSEE titre sa note de conjoncture « Une reprise poussive », Alter Eco « 2014, crise ou reprise ? »… Et si il s’agissait d’une reprise dans la crise ou d’une crise de la reprise ou d’une reprise de la crise ?
le mercredi 8 janvier 2014
Séminaire jazz, au Café Mancel, de 18hà 19h30, dernière session sur Detroit. Historique, blues et le reste…
L’amour, « union de l’impossible et du désespoir » suivant un poète anglais, Andrews, fait l’objet d’une attention particulière en Palestine, pardon en Israël – comme le note une fausse postière dans le deuxième portrait que dresse Adania Shibli. Comment aimer plus que qui aimer ? S’amouracher de l’auteur de lettres ? L’écriture est-elle un des moyens de combler le fossé ? Comment aborder une femme toute vêtue de noir qui a habité un rêve ? N’est-elle qu’un rêve ? Continuer la lecture →
Mitch Miller, pour son premier roman, a fait appel à une autre personnalité, Ian Fleming pour cette « Opération Fleming » qui mérite bien son titre, à la fois pour la référence à cet auteur connu et pour la manière de mener l’intrigue. Pour mémoire, cet ancien agent secret de Sa Gracieuse Majesté est l’auteur de la série des James Bond, inspiré, comme ceux de Gérard de Villiers, par l’actualité. Les personnages transposés sur l’écran donnent l’impression d’être des marionnettes dans un environnement souvent abstrait alors que ceux de Fleming sont vivants sauf « Bond, James Bond », un alcoolique invétéré suivant les dernières recherches. Continuer la lecture →
Julia Latynina est journaliste. Russe. Une carte d’identité en forme d’oxymore. Faire son travail de journaliste d’investigation dans la Fédération de Russie est un combat contre la mort. L’assassinat de journalistes femmes semble être un sport national. Pas seulement dans la Fédération de Russie même si celui de Anna Politovskaïa, le 7 octobre 2006 est encore dans toutes les mémoires. Elle écrira, dans « La Russie selon Poutine », « Pourquoi je n’aime pas Poutine ? Parce qu’il n’aime pas son peuple, parce qu’il se comporte dans la plus pure tradition du KGB dont il est issu, avec un cynisme inégalable. » Cette animosité à l’égard du Président de la Fédération de Russie est partagée. On ne sait avec précision si son assassinat est directement lié avec ses enquêtes mais il existe un faisceau de présomptions… Continuer la lecture →
Odile Bouhier s’est lancée dans l’écriture d’une série. Le premier – dont nous avons parlé – « Le sang des bistanclaques » présentait à la fois les personnages récurrents, Kolvair, commissaire amputé d’une jambe, la guerre est passée par-là, Salacan, professeur qui jettent les bases d’une police scientifique et les conditions de travail de ces salariées des usines textiles.
Dans ce deuxième opus au titre énigmatique, « De mal à personne », les enquêteurs doivent élucider le meurtre d’un magnat de l’industrie tué à l’arme blanche dans l’arrière cour de la cuisine d’un hôtel. Il était connu pour ses viols répétés de ses employées et d’autres. Continuer la lecture →
Le projet de départ… qui s’étendra sur plusieurs années…
pour démarrer et vous mettre dans l’ambiance, Robert Johnson (voir plus loin pour des explications complémentaires) « Sweet Home Chicago » (1936)
Le même thème repris par les Blue Brothers dans le film éponyme de John Landis
Au départ, ce projet se proposait d’offrir une autre image du jazz en lien avec l’urbanisation spécifique des États-Unis et la place des ghettos. De plusieurs types ces ghettos. New York possédait le ghetto noir, juif, italien et quelques autres, tous des Américains à trait d’union. Chaque nationalité se regroupait pour résister, sans parler des gangs créés dans « street corner ». Chaque quartier avait sa musique. Ce qui est valable pour New York l’était pour les autres villes dans une moindre mesure.
Ces musiques circulaient d’un quartier à l’autre. George Gershwin se souvenait, et voyait là l’origine de sa musique hautement représentative de ces États-Unis des années d’entre deux guerres, que chaque quartier diffusait sa musique via les chansons entendues dans la rue – une des origines du jazz, la rue. A l’époque, peu de postes de radio, peu de moyen de lire les disques, la technique des « rouleaux » inventés par Edison coûtaient chers. La consommation de masse en était à ses balbutiements.
Gershwin parlait des débuts de ce 20e siècle et des quartiers de New York qui avait chacun leurs spécificités culturelles. Le « melting pot » ressemblait à un mauvais collage. Le terme, issu du théâtre yiddish était, au départ, péjorativement ironique. Il est désormais chargé de positivité exprimant l’idéologie de l’intégration chère aux Étasuniens. Idéologie, l’intégration des Africains-Américains, malgré un président noir, n’est toujours pas réalisée. Celle des Juifs et des Italiens est passée par les gangs et le jazz…
Plus largement, je voulais explorer les villes du jazz. Je n’avais pas vu l’ampleur de la tâche, ni les nécessités de faire entendre musique et musicien(ne)s, parler de ces romanciers qui ont su illustrer leur ville et parler du jazz.
il s’agissait donc de visiter les villes du jazz, aux États-Unis pour laisser la place, plus tard, aux autres villes. Paris, en particulier… En cours de route, le projet a évolué…
Si j’ai voulu commencer par Chicago, c’est parce que j’en revenais au début de cette année. Un motif certes légitime mais pas suffisant. Au fur et à mesure des séminaires, je me suis aperçu que Chicago, plus que New York, était la Ville du jazz et du blues « typiquement » américain. Je risque l’hypothèse que c’est une des villes-creuset de la formation de la culture américaine, étatsunienne, une ville clé. Ses créations architecturales en font une des villes références en cette matière. Les gratte ciels – skyscrapers – comme autant de pénis survoltés ont projeté leur semence dans tout le pays et au-delà.
Il n’est pas étonnant que le blues électrique de la fin de la seconde guerre mondiale ait trouvé là, dans ses ghettos, son aliment principal comme le bruit de ses usines ou de son train – difficile de parler d’un métro surtout lorsque l’image que nous avons est celle du métro parisien… Ci-après Buddy Guy, un des grands bluesman de Chicago qui narre la première fois qu’il a rencontré le blues…
Il faut voir le film de John Landis, « Blue Brothers », pour avoir une idée de la ville. La chambre qu’ils habitent est située juste à côté du métro, le Chicago Transit Authority – CTA – qui sera approprié par le groupe de rock, comme un hommage à la Ville mais aussi à ses bruits industriels. In avait oublié que tout un pan de la musique des débuts du 20e siècle reproduisait les sons de l’usine, avec que qu’ils ont de stridence. Le blues, sans référence à cette musique, s’est servi lui aussi de ses sons pour construire un blues plus électrique, dés le début des années 1940 et… à Chicago.
Cette année, en conséquence, je nous ai fait rester à Chicago, sans épuiser toutes ses réalisations et possibilités .Elle dévoile la perte de puissance des États-Unis. Son industrie est chancelante, les services publics sont déliquescents, ses infrastructures à revoir, chômage et pauvreté sont visibles et, last but not least, l’Église de scientologie possède un bel immeuble avec pignon sur rue, juste à côté de la rivière. Sur le terrain de l’architecture, Chicago fut une ville pionnière avec Franck Lloyd Wright notamment. Elle a influencé tous les architectes du monde entier. Ses gratte ciels, ceux de Louis Sullivan en particulier ont été copiés. Aujourd’hui, beaucoup – trop ! – d’hommages sont rendus à ces pionniers sans présenter une relève. Le champ des possibles semble se conjuguer au passé. Ce n’est pas spécifique à Chicago, mais…
Difficile tout de même de sortir de cette ville spécifiquement américaine et qui joue un grand rôle dans le développement du blues et du jazz. Chaque fois que je me suis posé la question de l’abandonner pour redescendre vers le Sud (vers la Louisiane et la Nouvelle-Orléans et ce n’était pas l’envie qui m’en manquait pour parler de ces écrivains du Sud qui structurent la mémoire de ces États-Unis à commencer par Faulkner) ou remonter vers le Nord (New York, cette ville qui n’est américaine mais véritablement cosmopolite, une Ville qui n’appartient qu’à elle-même, une Ville où forcément chacun(e) se sent chez soi, sensation bizarre qui vous envahit dés la première visite, ville où le jazz allait grandir, partant du ghetto noir de Harlem) ou l’ouest (pour figurer les États-Unis via les deux Kansas City séparé par la rivière Kansas, l’un au Kansas, l’autre au Missouri devenue, cette dernière, la ville de tous les trafics dans les années 30 lui permettant d’échapper à la dépression, attirant de ce fait tous les musiciens en quête d’engagements, une ville creuset qui verra naître, en 1920, Charlie Parker), un(e) musicien-ne m’empêchait de partir comme la nécessité de parler d’un romancier, d’un auteur de polar ou d’autre chose, de sociologie par exemple.
En 1937, Benny Goodman, un enfant de la ville, lui rendait hommage, « Chicago », la raconte. Les paroles (« lyrics ») racontent la naissance de la ville, ses prédicateurs dont un ancien joueur de base-ball, ses constructions.