Cri de colère d’une play boy

Comment exister ?
Constance Debré, lesbienne revendiquée, se raconte sous les traits de « Play Boy », titre qu’il faut prendre dans tous les sens- d’interdit à giratoire. Un « Play Boy » dans le langage courant est un beau mec qui « tombe » toutes les filles. C’est ce qu’elle fait aussi. Du coup, elle joue au garçon, play boy. Elle la oublié sa nature pour se marier avec un garçon et avoir un fils. Elle sait, comme écrivaine, par des images, sans appuyer, indiquer les réactions de rejet de son mari face à ses aventures qui s’affichent sur les réseaux sociaux, comme il se doit. Continuer la lecture

Mémoires d’Amérique, John Edgar Wideman

Entre noir et désespoir

John Edgar Wideman est un des grands écrivains des Villes américaines qu’il sait investir via ses ghettos noirs. Philadelphie marquée par la présence de Benjamin Franklin, Pittsburgh par son aciérie envahissant toute la ville dans le passé -, ont ouvert leurs cœurs à la plume de John Edgar. Il a su rendre hommage à Frantz Fanon et à tous les Africains débarqués sur ce sol américain par les Négriers pour devenir leur terre… restée inhospitalière malgré l’ancienneté de leur enracinement.
Pour ce recueil de nouvelles, « Mémoires d’Amérique », il se déplace à New York, particulièrement sur le pont de Williamsburg qui relie Manhattan – une île bordée par l’Hudson River d’un côté et l’East River de l’autre – à Brooklyn. Le pont est connu de tous les amateurs de jazz par le biais de Sonny Rollins, un saxophoniste ténor qui a transcendé le 20e siècle. Il avait fait du pont au début des années 1960, son lieu de répétition. Au milieu du bruit des voitures, des sifflets des cyclistes et des conversations des piétons se rendant à Brooklyn ou en venant. Sans parler des suicidaires qui veulent enjamber la rambarde ou des joggers courant d’un sens puis dans l’autre dans une tornade de folie improductive comme pour lutter contre la profitabilité, marque de fabrique de la ville qui ne dort jamais comme dit la chanson « New York, New York » du film de Scorcese au titre éponyme. Continuer la lecture

Jazz de la Nouvelle-Orléans.

Mémoires du banjo, mémoires du jazz

Don Vappie fait partie des musiciens produits par la Nouvelle Orléans. Un virtuose de l’instrument indispensable pour le jazz des origines : le banjo. « The Blue Book of Storyville » se veut mémoires de la musique des Créoles, croisement entre les maîtres blancs et français avec les esclaves issues de l’Afrique. Ils constituaient une sorte de classe moyenne dans la stratification de la société louisianaise entre les Blancs et les Noirs des quartiers déshérités de la Ville. Après la vente de la Louisiane par Napoléon, ce statut particulier sera aboli par les nouveaux maîtres. A leur grande colère, les Créoles seront assimilés aux Noirs.
Cet ancrage historique permet de comprendre l’utilisation du français – mâtiné certes, le créole est une langue singulière – dans les chansons qui sont reprises par Don Vappie et Jazz Créole, le nom du groupe : David Horniblow, clarinette, Dave Kelbie, guitare et Sébastien Girardot, contrebasse. Ils reprennent « Les Oignons » que Sidney Bechet avait signé alors qu’il s’agit d’une chanson traditionnelle de la Nouvelle Orléans.
Une musique vivante, dansante, drôle tout en étant pleine de mémoires qui transforme le passé en autant de feux-follets pour permettre de construire un avenir.
Fallait-il, pour autant, faire référence à Storyville, le quartier des bordels – un pour les Blancs et un pour les Noirs – fermé en 1917 ? Il faudrait faire taire la légende qui veut que le jazz soit né dans les lieux de plaisirs – pas pour tout le monde, le plaisir ! – alors qu’il a germé dans la rue, dans les ghettos.
Nicolas Béniès
« The Blue Book of Storyville », Don Vappie & Jazz Creole, Lejazzetal Records

Des cadeaux à (se) faire

Noël, temps des cadeaux ?

Pas forcément… les idées de cadeaux qui,suivent peuvent survivre au Père Noël qui n’a pas, ces derniers temps, le vent en poupe. La hotte est chargée mais on cherche en vain les cadeaux. Se distinguent des armes de toutes sortes. Létal et non létal (officiellement) et même des armes plus secrètes comme des mensonges en grand nombre et des déclarations de guerre plus nombreuses encore. Il n’est pas en confiance le Père Noël. Il s’est entouré de vigiles pour pouvoir faire une tournée de ces produits de guerre sociale.
Heureusement, ce Père Noël officiel qui accepte comme argent comptant toutes les déclarations officielles du gouvernement, est concurrence par des Mères Noël chargées de cadeaux, de jouets mais aussi d’esprit critique pour éduquer les enfants et leurs parents à faire preuve de résistance face au rouleau compresseur de la propagande véhiculée par le Père Noël officiel

De livres et de disques… Pour conserver les mémoires du monde.
Deux Atlas : « Atlas des pays qui n’existent plus. 50 États que l’Histoire a rayés de la carte », le titre dit tout l’intérêt, de Bjorn Berge. Et « Drôle de planète », Franck Tétart propose « 99 cartes pour voir le monde autrement », des vraies, des fausses et même des fausses-vraies cartes… Aux éditions Autrement.
Aux éditions 10/18 deux coffrets : « Les premières enquêtes de Nicolas Le Floch » de Jean-François Parot, si vous ne connaissez pas, il faut vous plonger dans le monde la fin du règne de Louis XV ; et « Les premières enquêtes de Lizzie Martin » dans lesquelles Anne Granger fait visiter l’Angleterre victorienne de 1864.
Un coffret jazz : « Les disques de la Victoire, American Army V-Discs, 1943-1949 » pour fêter et pas commémorer le 75e anniversaire du débarquement, Frémeaux et associés.
Nicolas Béniès.

Jazz d’aujourd’hui

Mélange d’influences

Les pianistes d’aujourd’hui sont soumis à des vents d’influence qui soufflent follement. Difficile de les ignorer. Tempêtes, orages que sont Bill Evans et Keith Jarrett en particulier ou les compositeurs français, Debussy, Ravel liés au jazz par toutes les fibres de leur musique. Les impressionnistes français ont été macérés dans le jazz pour faire subir aux jazz leur manière d’être.
Transcender ces ouragans pour composer son propre souffle, c’est le défi pacifique de toustes les musicien-ne-s. Gaëtan Nicot a voulu le relever en construisant un quartet pour décrire ses émotions, dresser un portrait de Paris, se servir d’un orage prenant la forme d’une « rhapsodie » – titre de cet album -, de rêves habités par la musique, forger un imaginaire qui sait se servir des souvenirs comme d’une chanson de Barbara. Comme pour l’ensemble des planètes du jazz, les mémoires jouent un très grand rôle, de ces mémoires vécues ou imaginées, musicales ou poétiques.
Pierrick Menuau, saxophone, Arnaud Lechantre, batterie et Sébastien Boisseau, contrebasse savent converser avec le pianiste pour amener les touches nécessaires à la construction de thèmes qui se veulent autant de contes de notre temps. Un quartet qui fait penser à celui de Wayne Shorter sans se refuser quelques incursions du côté de Dewey Redman ou même de Albert Ayler.
Une musique réjouissante et mélancolique contre le monde tel qu’il ne va pas. A découvrir.
Nicolas Béniès.
« Rhapsodie », Gaëtan Nicot Quartet, Tinker Label distribué par Socadisc

Jazz et Italie.

Pour bien commencer l’année.

Sarah Lancman avait défrayé la chronique avec un premier album. « Intermezzo », un titre adapté au deuxième album qu’elle signe, est une rencontre avec le pianiste Giovanni Mirabassi pour un répertoire issu des chansons italiennes, arrangées par le pianiste. Elle réussit, avec cette voix qui feule, miaule et envahit l’espace, à procurer des sensations sensuelles et déclencher des souvenirs habités par ces airs connus pour la plupart. Elle sait susciter les émotions.
Le pianiste met en valeur la voix qui erre entre les mots; pour les faire devenir musique tout en gardant leur sens. Les soli qu’il propose montre sa capacité à s’approprier tous ces thèmes pour en faire des standards du jazz. Pour certains d’entre eux, le saxophoniste Olivier Bogé s’ajoute pour donner une autre lecture et contester celle de la vocaliste pour donner plus de sel au duo et faire redécouvrir la voix.
Pour rêver d’autres mondes, Sarah sait susciter notre imagination. Ne ratez pas ce rendez-vous.
Nicolas Béniès.
« Intermezzo », Mirabassi/Lancman, Jazz Eleven.

Le coin du polar (1)

Une histoire des Etats-Unis : les sixties.

Les années 1960 sont des années de mort, l’assassinat de John Kennedy en 1963, celui de son frère, Robert le 6 juin 1968 et entre celui de Malcom X le 21 février 1965 et de Martin Luther King le 4 avril 1968 et de créations folles comme la musique soul, celle de James Brown d’abord et le free jazz qui cohabitent pour exprimer la rage, la colère contre cette société raciste et qui veut le rester. Malcom comme Luther King avaient compris le lien qu’il fallait faire pour le combat de classe et de race entre le politique, le social et la lutte contre la guerre du Viêt-Nam. Un programme qui dépassait les droits civiques pour les englober dans la mise en cause d’une société capitaliste embourbée dans la défense de ses intérêts particuliers. La ligne politique s’est incarnée dans le responsable du FBI, Edgar J. Hoover décrit dans toute sa plénitude par Clint Eastwood dans « Edgar J. ». Anti-communiste, raciste, homophobe – pourtant homosexuel -, le directeur du FBI faisait passer ses phobies avant la lutte contre le crime organisé. Continuer la lecture

Le coin du polar (2)


La guerre de 100 ans vue par des Angles – le nom des Anglais – habitants de Paris.

Jean d’Aillon poursuit les chroniques d’Edward Holmes et Gower Watson inspirées par Conan Doyle – il faut reconnaître l’intrigue – et habillées par les descriptions de la situation politique et militaire de la guerre qui se poursuit entre les armagnacs et les Bourguignons.
« La danse macabre » se situe en 1425 et voit Holmes – un clerc rappelons-le – et Watson s’affronter à leur ennemi redoutable, « le César du crime », James Moriarty qui se présente comme un mage pour faire couleur locale. Jean d’Aillon reprend la double fin de Doyle. Dans un premier temps il avait tué son personnage de détective un peu encombrant pour le réanimer ensuite sous la pression du public et de sa mère.
L’auteur sait réinvestir dans le contexte les intrigues de Doyle et en profite pour décrire vêtements, habitations, environnement tout autant que l’histoire de cette période pour le moins troublée. Jeanne d’Arc arrivera bientôt…
« La maison de l’abbaye », situé un peu avant, fin 1424, tient dans la rationalité de deux assassinats de femmes dans la même maison presque simultanément. Que s’est-il passé ? Qui est coupable ? L’une d’entre elle a été dépecée, l’autre nom. Etrange n’est-il pas ? Grâce à une loupe, Holmes expliquera ce double meurtre. Jean d’Aillon se laisse quelquefois aller à un cours d’architecture ou d’histoire du vêtement sans lasser le lecteur qui aime voir reculer la solution pour savourer ses intuitions.
Nicolas Béniès.
« La danse macabre », « La maison de l’abbaye », Jean d’Aillon, 10/18.

U.P. Économie du 7 janvier 2020

Bonjour,

Une décennie s’achève. Elle avait commencé par une grande mobilisation sur… les retraites. Sarkozy, alors président, n’était pas allé au bout se son projet de déstructuration mais des coins avaient été enfoncés tout en conservant le système de retraite par répartition. Déjà la capitalisation s’avançait pour le plus grand profit des sociétés d’assurance. La capitalisation restait confinée malgré tout.
De ce point de vue la France restait « en retard » par rapport à tous les pays de l’Union Européenne. Les mouvements sociaux avaient bloqué une partie des contre réformes.
Le gouvernement de Macron veut rattraper ce « retard » marqué par la survivance de ce qu’on appelle « l’État-providence », une mauvaise traduction de l’anglais « Welfare state ». La forme sociale de l’État fait partout l’objet d’attaque. Les régimes collectifs de protection sociale ne rentrent pas dans les schémas du néolibéralisme. Dans son dernier rapport sur la France, l’OCDE encourage Macron à ne pas céder pour combler son « retard » dans le processus de déstructuration des garanties collectives.
Je vous propose donc pour cette première de l’année de revenir sur l’idéologie néolibérale et de ses fondements pour appréhender les fondements des contre réformes actuelles qui portent sur la retraite mais a été précédé par la mise en cause des droits des chômeurs pour élargir la précarité.
En référence, mon article sur le néolibéralisme que vous trouverez sur ce site.

La politique économique néolibérale a pour effet d’accentuer les contradictions du capitalisme et provoquer la récession qui risque de se transformer en dépression dans un contexte de crise financière latente. Les mesures des banques centrales ont permis de différer la crise mais pas de la combattre. Dans le basculement du monde en cours, il faudrait d’autres politiques économiques, sociales et environnementales. Les discours actuels sont soit silencieux sur les enjeux des crises soit démagogiques soit même mensongers. Que vaut un « compromis » quand il s’agit d’imposer une contre réforme ? Que vaut un discours sur les mutations climatiques lorsqu’il n’est pas suivi d’effets ?

Vous ai-je souhaité une bonne et heureuse année ?

Nicolas.