Ubu et Kafka te saluent

Essentiel, vous avez dit essentiel ?

Ubu se tord de joie. Un gouvernement qui accepte ses définitions. Distinguer l’essentiel du reste est un coup de génie estime-t-il. Enfin les activités liées à la culture sont considérées comme « non essentielles », y compris, pour faire bonne mesure, les librairies. Fermer toutes les salles de spectacle, cinéma, théâtre amène chacun.e à rester chez soi, regarder sa collection de DVD ou en acheter sur…Amazon. Que c’est beau la société numérique qui attache pieds et poings liés des individus contents de l’être.
Une des conséquences est de vider cette rubrique de sa subséquente moelle, d’obliger d’en appeler aux mânes de Jarry en proposant de « trouver des solutions imaginaires à des problèmes réels ». Ne serait-ce pas, ainsi, donner un rôle essentiel – mince j’ai lâché le mot – à la culture, à la création qui, pour être ne peut être que collective.
Le gouvernement, lui, sait. Les salles de spectacle, des nids à virus. Les librairies des essaims de la COVID19 en embuscade derrière chaque rayonnage. Marcher dans ces espaces, même dans le respect des mesures sanitaires, ressemble à pénétrer dans l’enceinte de Satan.
Mais, pour aller au travail en « présentiel », fréquenter le Sras-CoVid-2 dans le métro ou le RER est chaudement recommandé. La RATP a décidé, dans le confinement pas vraiment confiné tout en confinant surtout les vieux sans le dire et les chômeurs (pour ne pas les voir sans doute), a décidé, comme la SNCF, de diminuer le nombre de rames pour accélérer la diffusion du virus et permettre à 70 % de la population d’être infecté.
Derrière Ubu, Kafka pointe et envahit l’espace. Les écoles, elles, restent ouvertes. Les salles de classes, à 35 élèves et plus, sont inadaptées. Comme l’ensemble des services publics, elle souffre de la politique de réduction des dépenses publiques. Ubu se frotte les mains : le virus a dévoilé la réalité cachée par tant de discours.
Faudrait-il bannir toutes les activités intellectuelles ? Le gouvernement, ses ministres en donne chaque jour l’exemple. A commencer le premier.
Certes, certains comme Robin Renucci (Le Monde daté du 5 novembre) mettent en garde contre le « confinement mental » en voulant donner aux artistes un rôle dans cette crise sanitaire mais n’est-ce pas une défense corporatiste ? D’autres préparent l’après comme Le Centre national de la musique qui « centralise les dispositifs publics pour venir au secours d’un secteur sinistré » et structure la filière pour l’après pandémie. Un tout jeune établissement industriel et commercial « devenu le bras armé du ministère » comme l’écrivent Les Echos du 4 novembre. L’avenir est assuré n’est-il pas ?
Nicolas Béniès.

Le roi se meurt une fois encore

A propos du 40e anniversaire de la mort de Elvis Presley

Les commentaires se sont multipliés sur la mort d’Elvis. Les banalités succédant aux on dits. Rien sur son enfance pauvre et malheureuse, rien ou si peu sur « Beale Street » à Memphis qui sert d’entrée dans le ghetto noir, rien non plus sur la grande création de Elvis, le rockabilly, ce mélange propre à la société américaine entre les blues et le « Country and Western », moins que rien sur « Big Boy » Crudup, le bluesman qui inspira le premier 45 tours de jeune Elvis. Silence total sur le producteur, Sam Phillips et de son label « Sun Records ». Tout, par contre sur son succès à partir de 1956 lorsque Sam a cédé les droits des premiers enregistrements à RCA. Ce n’est pas le label RCA qui a pris les risques mais bien Phillips.
Sam Phillips est tombé dans le blues très tôt. Il sert de « talent scout » pour tous les labels indépendants qui naissent après la seconde guerre mondiale dont Chess – qui reste le plus connu. Il enregistre dans des conditions pas toujours optimales, ce qui s’entend. Mais il sait aller à la découverte… Continuer la lecture