De toutes les crises… Où est le changement ?

Crise financière ?

La forte récession s’installe dans l’ensemble des pays du monde. Elle était déjà présente avant même la pandémie. Le virus, comme les mesures prises par les gouvernements ont à la fois révélé, accéléré, approfondi les failles préexistantes. Les crises sont devant nous. Tant que les gouvernements ne prendront pas conscience de la profondeur des réponses qui visent à transformer le type de capitalisme qui s’est mis en place dans les années 1980 et accélérer dans les années 2000. Continuer la lecture

La rentrée littéraire en mode reconfinement

Un automne printanier

La rentrée est chamboulée, elle ne sait plus où elle en est. Y-a-il eu seulement une sortie ? Le spectacle vivant est sinistré. Les livres, logiquement, résistent. C’est une activité souvent solitaire…

Environ 530 romans aujourd’hui contre 550 l’an dernier se partagent les lecteurs. Ce nombre élevé cache des disparités. Les petits éditeurs souffrent faute de fonds de roulement, de liquidités et les aides de l’État ne sont pas suffisamment ciblées. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Trump et ses trumpitudes comme ses appels du pied à l’extrême droite obligent à commencer par la littérature américaine. Colson Whitehead, deux fois Prix Pulitzer, a publié « Nickel Boys » (voir le site) et Jeffrey Colvin, pour son premier roman, s’est lancé dans une saga qui couvre les années 1930/1980. « Africville » est un docu-fiction nourri de toutes les histoires de la communauté africaine-américaine victime du racisme et de la ségrégation. La couleur de la peau joue un rôle social déterminant. « Être noir, on ne fait pas avec. On est noir, un point c’est tout » (dixit le bandeau), la tragédie de ce pays est totalement résumée et permet d’appréhender les émeutes récentes. C’est aussi une recherche d’identité qui fait toute la valeur de ce roman.
La littérature lettone n’est pas très connue. Osvalds Zebris nous la fait découvrir avec « A l’ombre de la Butte-aux-Coqs », un endroit où se retrouvait la première génération de Lettons, dixit l’auteur. Il nous invite à une plongée dans l’histoire. 1905 est une année révolutionnaire. Le tsar est menacé. A Riga, le climat est à la liberté. Les soulèvements sont multiples, la guerre civile fait rage. Les déchirements, les drames secouent le monde comme les familles pour raconter des histoires dans l’Histoire. La Révolution ne fait pas de cadeaux. Un point de vue intéressant pour comprendre ce moment clé de notre histoire.
Un curieux livre et un livre curieux que ce « Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne ». Marc-Antoine K. Phaneuf, en reprenant quelques aphorismes proférés ici ou là comme autant de certitudes, ouvre la porte à notre imagination. Dix entrées permettent de faire son choix, de « Propagande » à « Épiphanie » en passant par « Corps de métiers », « Monde animal »… pour rire et réfléchir sur le monde qui est le nôtre et notre capacité de résistance.
N’oubliez pas vos libraires, ils nous sont indispensables. Nous avons déjà quasiment perdu nos disquaires…
Nicolas Béniès
« Africville » Jeffrey Colvin, traduit par Serge Chauvin, Harper Collins, 382 p., 2020
« A l’ombre de la Butte-aux-Coqs », Osvalds Zebris, traduit par Nicolas Auzanneau, Agullo Fiction, 255 p., 2020
« Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne », Marc-Antoine K. Phaneuf, éditions La Peuplade, 357 pages.

Amours perdues jamais ne se retrouve ?

Recherche famille perdue

« L’écho des promesses » – un titre bien trouvé – fait partie de la catégorie docu fiction. Le point de départ a été le lot de bien des familles séparées par la guerre et le nazisme. Un amour passionné naît entre une jeune juive et un fils de banquiers qui trafique avec les autorités d’Occupation. L’antisémitisme le rapproche des nazis. La mère de Judith a eu une aventure avec Lica Grunberg qui demande à sa fille, Jacobina, avant de mourir, en 1982 à Montréal, de retrouver sa demi-sœur. Une promesse difficile à tenir et il faudra un concours où les circonstances vont gagner pour que ce soit possible. Continuer la lecture

Jazz : un trio pas comme les autres, libre !

Encore trois et toujours libres.

Si je voulais vous faire peur, je commencerai en qualifiant cette musique des trois compères, Serge Lazarevitch, guitares, Ben Sluijs, saxophone alto et flûte alto, Teun Verbruggen, batterie, de free-jazz. Ne tournez pas les talons. « Still Three, still free » est un album étrange réalisé par un trio qui ne l’est pas moins. Les influences revendiquées passent allégrement de Thelonious Monk et Ornette Coleman, mystère et joie mêlées, à György Ligety et François Couperin, modernité et tradition arborées. Continuer la lecture

Jazz. De Morricone, jeux de mémoire à Dominique Fillon jeux de fin

Deux ou trois choses à savoir de Ennio Morricone
Le compositeur sert toujours de référence aux musiques de films plus ou moins muets, pour habiter un silence qui en dit plus que bien des paroles. Les images, dans notre mémoire, tourbillonnent autour des recréations des deux compères, le bassiste Ferruccio Spinetti et le claviériste Giovanni Ceccarelli, un duo à la place d’un grand orchestre, une gageure. Gagnée. La reconnaissance – pas toujours, certaines musiques de série télé ne font pas forcément partie de notre patrimoine – s’allie à la découverte de sonorités, d’alliances, de mélodies étranges sorties de celles connues. Les surprises donnent du sel à ces recréations. Continuer la lecture

Polar ? Grande littérature ? Pour Naples !

Ceci est une chanson d’amour.

Maurizio De Giovanni habite son commissaire, Ricciardi aux yeux verts étranges et au comportement qui l’est plus encore, et sa ville, Naples avec ses baisers de feu bien connus. Le fil conducteur est une initiation à la manière de jouer, de la mandoline bien entendu, pour accompagner une chanson d’amour et de désespoir rempli d’espérances, pour faire partager ces sentiments contradictoires face à l’être aimé.e. « Tu vas me faire souffrir mais comment t’échapper ? » Continuer la lecture

Jazz : du trio, « Who », à la grande formation issue de Râ, SPIME, sous l’égide d’une écoute neuve

Un trio qui se refuse à lui-même

Apparemment, le trio classique : piano –Michel Wintsch -, basse – Bänz Oester – et batterie – Gerry Hemingway – et un répertoire qui ne l’est pas moins, des compositions de Billy Strayhorn et « Duke » Ellington. Le trio « Who » – Qui ?, Un trio qui fête ses 20 ans – bouscule les règles bien établies de cette formation. La batterie prend la direction, le piano se met à la place de la batterie et la basse peut se faire batterie ou piano, les thèmes circulent pour prendre un aspect bizarre à nos oreilles. L’inquiétante familiarité s’immisce dans le cerveau enfiévré qui cherche des points de repères, en trouve, les perd, les cherche pour se lancer à l’assaut d’autres manières d’entendre, pour casser nos routines. Continuer la lecture

Polar milanais

Milan, mélanges de noir et de rose.

Alessandro Robecchi, qui n’a pas renié son passé – il fut «éditorialiste pour Il Manifesto -, dresse le portrait de Milan, une ville italienne considérée comme bourgeoise mais abrite des secrets redoutables. Il met en scène un de ces auteurs de téléréalité qui se pensent de gauche parce qu’ils analysent ce qu’ils proposent aux téléspectateurs comme de la merde mais qui font de larges audiences et eux gagnent beaucoup d’argent. Carlo Monterossi est de ceux là. Alessandro ne craint de se moquer de son personnage dont il souligne avec une verve sauvage et chargée de venin, tous les travers. Continuer la lecture

Jazz : Deux concerts, « Pour ceux qui aiment le jazz », Olympia, Paris 1961 et 1962

Le 14 mars 1961, Quincy Jones, – « Q » pour la suite, surnom que lui avait donné Frank Sinatra – est à Paris. Un lieu de prédilection et de renouveau pour le jeune chef d’orchestre de 28 ans. En 1960, il avait déjà suscité l’admiration de tous les partisans du Big Band. Il avait créé un grand orchestre dont l’album « Birth Of A Band » témoignait.
A l’Olympia, ce jour là – comme d’habitude à 18 heures et minuit pour laisser la place au programme habituel du lieu -, Quincy tentait d’oublier ses ennuis américains. Il était ruiné, devait beaucoup d’argent et, pour lui, tout allait mal. Il le racontera dans on autobiographie.
L’orchestre formé en 1960, le moment de la naissance de l’orchestre – « The Birth of A Band » était le titre de l’album – avait quelques vedettes déjà confirmées comme Clark Terry, trompettiste, Al Cohn et Zoot Sims aux saxophones. En 1961, les jeunes pousses sont remarquables. A commencer par Freddie Hubbard, 23 ans, trompettiste déjà renommé. Dés son arrivée à New York – il est né à Indianapolis – il fait sensation. Son premier album pour Blue Note, « Open Sesame » est un grand album. Freddie a été choisi par Oliver Nelson, saxophoniste et arrangeur, pour l’enregistrement de « The Blues and the Abstract Truth », un album Impulse, mélange de blues et de musique atonale proche de la dodécaphonie, aux côtés de Bill Evans, Eric Dolphy. Roy Haynes et Paul Chambers. Oliver Nelson sait réaliser ce type de synthèse sans brusquer l’auditeur, par glissements successifs, pour amener l’auditeur à douter de la structure du blues. Un des albums clés du début des années 1960, années révolutionnaires s’il en fût. Le thème d’ouverture de cet album illustre bravement l’orientation contenue dans le titre, le blues et la vérité abstraite, – traduction littérale -, « Stolen Moments », moments volés, superbe élucubration sur le blues mêlé à l’atonalité. Quincy en propose une version personnelle, pleine d’humour lorsqu’on connaît l’original, tout en laissant le champ libre à Hubbard qui n’hésite pas à se citer, un moyen de reconnaissance sans douter pour lui de manière à ne pas se perdre dans l’environnement créé par Quincy. L’improvisation de Eric Dixon – saxophoniste qui fait partie de l’orchestre de Count Basie, que « Q » connaît bien – laisse percer la préférence pour le blues, balancé par le souvenir des études de « Q » avec Nadia Boulanger. Alliance superbe qui permet d’entrevoir d’autres chemins, d’autres moments retrouvés. Continuer la lecture

Villes et musiques du monde

Les festivals font de la résistance.

Malgré les mesures de restriction, de fermetures des bars, de gestes barrières, derrière les masques les festivals s’agitent. Ils ne veulent pas se laisser mourir et surtout sauvegarder les mémoires pour que le patrimoine et la matrimoine continuent d’exister. Pour ce faire, le spectacle vivant est fondamental.

« Villes et musiques du monde » l’a bien compris. Et il ose intituler sa 23e édition « Douce France ». Référence à Charles Trenet évidemment, avec cette ironie que nos voisins trouvent bien française pour faire sourire et prendre de la distance. « Douce France » qu’il faut slammer pour lui donner la force d’intégrer les migrants dont les cultures viendront alimenter celles existantes. Pour clamer que nous avons besoin d’eux et eux de nous. La solidarité se forge aussi dans les musiques qui deviennent les nôtres. Ces musiques qui laisseront des traces dans nos mémoires, des traces indélébiles pour forger notre humanité commune. Continuer la lecture