Noël, une histoire de dingues », Mark Forsyth (traduit par Thierry Beauchamp, aux éditions du Sonneur), donne le la des fêtes et des commémorations diverses. La naissance de l’enfant Jésus le 25 décembre est un long processus qui s’appuie plus sur les évangiles officieuses que les officielles. Il faut participer de cette élaboration des « fêtes » pour rire des présentations de ce qui est aujourd’hui considérées comme des dogmes qu’il est impossible de contester. L’auteur, érudit, fait partager sa contestation des réalités, résultat souvent d’un enchevêtrement de strates civilisationnelles occultées pour figer le temps. Une leçon d’histoire des mythes, de leur maturation mais aussi des erreurs d’interprétation qui fait de Coca Cola, par exemple, dans sa campagne de pub de 1929, le créateur du costume du Père Noël.
Des histoires à partager en famille et pour briller dans les diner de fêtes ou non. Pour rire et apprendre.
Une bonne introduction à cette époque de cadeaux à ne pas hésiter à (se) faire. Continuer la lecture
Archives de catégorie : biographies
Les mots de la musique, les sons des mots
Le Mot et le Reste, un éditeur étrange
Le Mot et le Reste s’est donné pour objectif de faire aimer, connaître, comprendre les musiques de notre temps. Il s’est fait une spécialité – tout en ayant d’autres cordes à son violoncelle – de mettre en mots les musiques de notre temps, soit par le biais de biographies, comme celle de Sinatra (voir la recension sur ce même site), soit par des présentations de grands courants musicaux contemporains et populaires, comme le blues à travers des albums significatifs. Pour « le reste » des publications, il vous faudra consulter son site…
Fin 2020, il avait proposé de redécouvrir Jimi Hendrix et de nous faire connaître ou reconnaître le « soft rock » et les producteurs des musiques de ces 25 dernières années soit un voyage dans notre paysage sonore, une histoire de nos émotions. Continuer la lecture
Une biographie de Frank Sinatra
C’est l’histoire d’un p’tit gars…
Être né en 1915 – comme Billie Holiday -, quasiment avec le 20e siècle, aux Etats-Unis, à Hoboken (dans le New Jersey, en face de New York), issu de l’émigration sicilienne a forcément des conséquences sur la formation de l’individu. Frank Sinatra n’a jamais renié ses origines. Ni l’importance de sa mère, Dolly, dans sa carrière. Ses liens avec la mafia, notamment avec « Lucky » Luciano, ont beaucoup joué dans sa chute en 1951 et dans sa renaissance en 1953. Continuer la lecture
Des cadeaux à (se) faire.
Le Père Noël n’est pas toujours nécessaire pour faire des cadeaux. Toutes les périodes de l’année sont propices. Par les temps qui courent – et vite – il est nécessaire de se référer plutôt à la Mère Noël, c’est plus sur. Les cadeaux les plus importants ne sont pas forcément les plus chers ni les plus en vue. Il faut toujours se méfier d’un produit, d’un bien qui plait immédiatement. Il vaut mieux viser le moins évident, le plus hermétique pour un cadeau qui durera.
Mais ne gâchons pas le plaisir. Celui d’offrir bien sur. Un bon moyen de lutter contre la dépression qui vous prend devant la profusion de marchandises. Un cadeau, ce peut être un livre de poèmes. Il faut savoir y penser. Continuer la lecture
Eric Dolphy, enfin !
Une biographie nécessaire.
Écrire une biographie n’est pas toujours un instrument de connaissance de celui ou de celle figé-e dans une curieuse éternité. Figer un individu dans sa vie, le vider de tous ses possibles conduit à l’embaumer pour mieux l’oublier. La biographie est un art difficile.
Paradoxalement le jazz résiste à l’enterrement, à la commémoration. Pas toujours, il va sans dire mais souvent la biographie permet de rendre la vie à un musicien trop tôt disparu de nos écrans. L’explication réside dans l’imbrication de la vie des musicien-ne-s de jazz avec la création.
Guillaume Belhomme, prenant en compte l’absence au mieux, le dénigrement au pire de Eric Dolphy a voulu proposer cette biographie. Né le 20 juin 1928 à Los Angeles, Dolphy est mort en Allemagne le 29 juin 1964, à 36 ans quasiment pile, d’un diabète non diagnostiqué. Il a payé le prix fort de clichés sur les musiciens de jazz tous junkies. Ses symptômes n’ont jamais été pris au sérieux. C’est une première entrée qui lutte contre les rumeurs dont l’une dit qu’il avait peur des médecins et ne voulait pas aller à l’hôpital. Continuer la lecture
Paul Valéry, le retour.
Les biographes sont des écrivains étranges…
Il est des auteurs qui se font oublier. Il suffit d’un rien – mais ce rien demanderai beaucoup d’explications – pour qu’ils reviennent dans l’actualité. C’est le cas de Paul Valéry.
Dans un livre récent, « Désastres urbains », Thierry Paquot, philosophe de l’urbain, ouvre son avant-propos, « Du bon usage de la digression », par une référence à Paul Valéry : « Tout ouvrage possède, avoué ou non, un mode d’emploi, qui peut-être, selon Paul Valéry, modifié ou détourné par le lecteur… » Dans cet ouvrage, sous titré « Les villes meurent aussi », il effectue un passage entre descriptions – les grands ensembles, centres commerciaux, gratte-ciel, « gated communities » et « grands projets » – et théorisations sous la forme de digressions, d’un mode d’emploi étrange qui permet toutes les interrogations, toutes les ouvertures. Paul Valéry fut aussi un observateur attentif de son temps, pertinent même s’il a voulu rechercher les honneurs et entra à l’Académie française. L’homme à la moustache et à la rosette de la légion d’honneur était aussi resté un provincial malgré son apparence et les apparences.
Il était né à Cette (aujourd’hui Sète) le 30 octobre 1871. L’effondrement de l’Empire, la défaite militaire, l’Occupation allemande et, surtout, la Commune de Paris marquent le contexte. Paul Valéry se fera poète dés sa vingtième année. Il sera reconnu comme tel très vite. Ses amitiés avec Pierre Louÿs d’abord, André Gide ensuite, sa fréquentation de Mallarmé et d’autres célébrités lui ouvriront beaucoup de portes. Mais il se trouve empêché de vivre sa passion – comme Stendhal – par l’angoisse de « gagner sa vie » pour nourrir sa famille. Pendant 20 ans, il ne publiera pas donnant à ses cahiers l’essentiel de ses réflexions. Et des lettres qu’il écrit à ses amis, à ses amours, à sa femme. Lettres fondamentales qui donne la mesure à la fois de son talent, de sa capacité à trouver le ton qu’il faut, de ses doutes, de ses incapacités – notamment à conclure, il lui faut l’urgence pour « boucler » -, de ses questionnements mais aussi, indéniablement, de son empathie avec son destinataire. Continuer la lecture
Le temps de lire, la sélection livres de Nicolas BENIES
Un polar israélien.
La littérature israélienne forcément contestataire des pouvoirs, surtout ceux de « Bibi », le premier ministre de droite qui est obnubilé par la guerre pour faire passer sa politique antisociale. Lui aussi a déclaré la guerre et d’abord aux Palestiniens pour leur refuser leurs droits… Le « terrorisme » – un terme à la mode qui permet de couvrir toutes les atteintes aux droits démocratiques – sert de paravent.
Yishaï Sarid s’est fait connaître en France grâce à ce merveilleux roman « Le poète de Gaza » (Actes Noirs) paru en français en 2011. Actes Sud récidive, toujours dans sa collection Actes Noirs, en publiant son premier roman, « Une proie trop facile » qui joue sur les apparences pour décrire un Israël de l’an 2000. Les références datent un peu mais l’écriture recouvre le tout. Une écriture simple, descriptive qui cache l’essentiel, les non-dits sur les quels repose cette société israélienne enfermée dans la guerre qui arrive mal à cacher ses divisions.
« Moi, je milite pour une cuisine simple » fait-il dire à un des personnages. Une cuisine simple est difficile. Il faut choisir avec soin les ingrédients sinon elle est banale et c’est raté. Une bonne définition de cette écriture. Simple et peu banale.
« Une proie trop facile », Yishaï Sarid, Actes Noirs/Actes Sud, 341 p., 22,50 euros Continuer la lecture
Femme de poilus… et de boutons
Guerre des Boutons ? Une fausse vraie biographie.
« Histoire d’un amour » est sous titré « Le roman de Pergaud » pour bien préciser le double objet de ce livre. Un hommage à l’auteur de la « Guerre des Boutons » mort le 8 avril 1915 à Verdun, à 33 ans et à sa compagne, Delphine qui prend la parole pour dire ses angoisses comme son amour pour Louis. Elle parle aussi des manuscrits qui restent à publier pour rendre vivant celui qui fut « Prix Goncourt » 1910. « Goupil et Margot » est le roman qui reçut cette récompense et non pas « La guerre des boutons ». Pergaud a cet art particulier de parler des enfants, de leurs jeux cruels, de leur univers. Delphine fait part aussi de ses discussions avec les amis de Louis, de ses admirateurs. Dominique Gros a su, avec intelligence, donner vie à cette relation. La voix d’une femme est plus distancée que celle d’un homme. Parce qu’elle n’accepte pas. Sa révolte est sensible. Elle ouvre une autre compréhension de l’œuvre de Pergaud. Une incitation à (re)lire cet auteur un peu oublié aujourd’hui.
N.B.
« Histoire d’un amour », D. Gros, Le Vent Qui Passe éditions.
Jazz en livre, fille recherche père disparu
Un guitariste oublié.
Elek Bacsik, guitariste et violoniste, né en Hongrie, fit les beaux soirs parisiens dans les débuts des années 1960. Son teint bronzé, son élégance surannée mais surtout un jeu de guitare qui tenait beaucoup des grands guitaristes américains plus que de Django – une même origine Rom les liait aux yeux des journalistes de l’époque. Ils n’avaient pas intégré la différence de contexte. Django crée une école, appelée ensuite « Jazz Manouche » tout en influençant tous les guitaristes du monde à commencer par les Américains. Même BB King – qui vient de nous quitter – reconnaîtra sa dette envers ce génie du jazz.
Pour Elek, comme pour Babik et tous les Reinhardt, l’influence de Django n’est pas directe. Elle est médiée par celle des guitaristes américains, par le bebop et la fusion.
Elek, en plus, vient des orchestres tsiganes où il jouait du violon. Prix du Conservatoire en Hongrie sur cet instrument.
Balval Ekel, l’auteure de ce « musicien dans la nuit », a découvert sur le tard que ce musicien, dont elle n’avait jamais entendu parler, était son père. Sa famille lui avait caché ses origines. Considéré comme le « vilain petit canard », elle tenait là une forme de reconnaissance. Elle a recherché des traces de ce père. Elle nous les livre en même temps que ses angoisses. Un livre étrange qui essaie de mêler deux mondes.
N.B.
« Elek Bacsik, un homme dans la nuit », Balval Ekel, Jacques Flament Éditions, www.jacquesflamenteditions.com
Une anthologie nécessaire. Pour Barney.
A Barney Wilen, souvenirs et mémoire.
Un coffret de trois CD pour raviver une flamme à mon sens par trop éteinte, ce n’est pas trop. C’est même, si j’en crois l’intitulé « Premier chapitre 1954 – 1961 », le début d’une série. Un travail de mémoire mené par Alain Tercinet, nécessaire, vital. Pour plusieurs raisons.
D’abord pour le personnage central de cette saga, Barney Wilen. Né à Nice d’un père américain et d’une mère française, il naviguera dans ce premier temps, entre les deux continents. Il deviendra ainsi un ambassadeur bon teint entre le « Jazz sur Seine » – titre du troisième album sous son nom, en 1958 avec Milt Jackson au piano, pour Phillips – et le jazz sur Hudson pour construire un son original qui tient beaucoup, comme tout le monde à cette époque, au phrasé de Lester Young dont il est, peut-être, le continuateur le plus évident. Le mimétisme que l’on sent poindre de ses débuts se transforme en une digestion qui permet à Barney de devenir lui-même. Il sera ensuite influencé par le découpage du temps et le phrasé rugueux de Sonny Rollins pour se pâmer ensuite dans ceux de Coltrane. Comme tout le monde mais lui ne se perdra jamais de vue. Ce n’était pourtant pas facile. Art Pepper qui avouait s’être perdu dans Coltrane, incapable jouer comme il devait jouer, avec sa sonorité. Il avait même demandé à un critique s’il le reconnaissait, s’il avait conservé quelque chose de sa sonorité d’hier. L’arrivé d’un nouveau génie est toujours difficile à surmonter.D’autres, comme le saxophoniste ténor « Tina » – ainsi surnommé à cause de sa petite taille – Brooks disparaîtront du train des souvenirs. Continuer la lecture