Retrouver la mémoire
Les fêtes, les anniversaires collectifs – le Débarquement, la Libération – font partie d’une panoplie mémorielle qui tend à forger des souvenirs en ignorant trop souvent le travail, vital, de mémoire. Le Débarquement, exemple emblématique, est souvent réduit à sa version normande en laissant de côté celui d’Italie. Tombés aussi dans l’oubli les engagés sénégalais ainsi que la légion étrangère, ces régiments de sans papiers devenus les défenseurs de la France, surtout de sa devise liberté, égalité, fraternité. Continuer la lecture
Archives de l’auteur : Nicolas Beniès
La drôle de guerre en BD, la force des dessins
>Retrouver la mémoire
la date d’anniversaire de la Libération est fêtée et agite souvent le passé pour le décomposer et le recomposer à la mode du présent. La forme des commémorations indique cette réécriture continuelle de l’Histoire qui permet l’oubli d’une partie de la réalité d’alors.
Notre mémoire collective est à trous. Il est souvent nécessaire de combler les failles. Les historien.ne.s sont essentiel.le.s mais pas seulement. La BD particulièrement est un outil qui permet de diffuser les émotions du moment et faire partager le quotidien de ceux et celles impliquées dans l’Histoire. Les dessins font œuvre de mémoire et nous avons souvent besoin de la retrouver. Elle facilite ce travail. Continuer la lecture
Histoire des expressions françaises
Trésors et méandres de la langue française
« C’est du pipeau ! » titre Stéphane Gendron pour nous inviter à un voyage dans les expressions françaises à partir du « jargon de la musique et des musiciens » comme l’indique le sous titre de ce faux-vrai dictionnaire. Le pipeau est « une flûte champêtre à 6 trous en bois ou en roseau qui, au Moyen-Âge, se nommaient pipes ou pipets » nous dit-il pour ensuite nous balader dans l’histoire des différentes expressions. Ainsi « c’est du pipeau », apparue dans les dernières décennies du 20e siècle provient de « ne pas se laisser prendre aux pipeaux de quelqu’un » issue d’un piège à oiseaux nommé pipeau, une sorte de faux nid. Continuer la lecture
Désagrégation de l’URSS
Un pays éclaté, corrompu.
La réédition en poche de cette saga de soldats perdus appelés « Afghans » pour leur participation à la guerre menée par l’URSS en Afghanistan, soldats perdus d’une défaite dont personne ne veut se souvenir comme à chaque fois et quelque soit le pays, est totalement dans notre actualité la plus brutale. « Le dernier afghan », d’Alexeï Ivanov, est un roman un peu onirique, vécue dans les brumes des drogues illicites et de la vodka d’une cohorte de jeunes gens rejetés de la société qui essaient de trouver les voies et les moyens de survivre et d’exister sous la conduite d’un chef charismatique et leurs déchirements. C’est aussi l’histoire d’une société en train de perdre tous ses repères, toutes ses références pour entrer dans un nouveau monde en même temps qu’une corruption qui gangrène tous les rapports sociaux et amicaux. Continuer la lecture
Un polar humaniste
Un polar étrange venu d’ici
Benoît Séverac prend Versailles comme terrain d’expérimentation par l’opposition entre le château, luxueux représentant une bourgeoisie aristocratique sure d’elle-même et de son bon droit face aux quartiers dits sensibles. Son personnage, le commandant Cérisol, est loin de James Bond – mais proche de Carella pour les lecteurs d’Ed McBain – marié à une jeune femme aveugle, adepte du handisport, en proie à une multitude de questions sur son travail de flic, sur ses relations avec sa jeune collègue au nom polonais imprononçable, sur son couple pour nous le rendre proche et vivant. Les enquêtes elles-mêmes sont liées à des questions d’actualité en particulier sur la signification du développement personnel comme un facteur d’égoïsme total.
Tous les personnages existent, leurs motivations acceptables et leurs intrigues à la fois passionnantes et ridicules. Continuer la lecture
Construisons nos souvenirs
L’automne est aussi la saison du jazz
Les festivals de jazz, comme tous les autres, connaissent des problèmes existentiels. Les subventions publiques baissent- les pouvoirs publics à tous les niveaux considèrent que la culture ne sert à rien – même si le public est souvent au rendez-vous. Leur survie est menacée. Le choc de la pandémie – plusieurs siècles se sont déroulées depuis – avait suscité des interrogations de fondamentales sur l’avenir de toutes les manifestations culturelles. « Réinventer » pouvait-on lire dans les gazettes, « Imaginons » d’autres formes, d’autres modalités pour favoriser la création. Tourner le dos à la culture de la réussite pour éviter la répétition et la routine. L’échec est une composante inhérente à toute innovation. La marchandisation, et la pandémie fut une vraie leçon de choses, est un facteur d’encrassement de la culture. Le fameux « retour sur investissement », financier comme de notoriété, enlise les responsables culturels dans les sables du « moindre coût ». L’imagination n’a pas pris le pouvoir. Le « comme avant » sécurisant, a remporté la palme. Les changements se sont fait à la marge. Continuer la lecture
En poésie, musique et graphie, une expo hors norme
Les souvenirs futurs se ramassent à la pelle
L’automne est aussi le temps des expositions étranges mélangeant les genres artistiques, brassant musique, poésie, chansons tout autant que revendications pour poser les bases d’un autre monde.
C’est le cas de Mademoiselle Martine qui veut faire vivre son album « Le temps du féminin » en proposant des expériences mêlant tous les sens sous la forme d’une exposition en lien avec Viviane Roch, graphiste pour ouvrir les yeux sur la musique et entendre les paroles autrement. Un brassage nécessaire, original pour éviter de tomber dans la routine. Chaque moment doit être une aventure.
En tournée dans toute la France, particulièrement aux « Nuits de Champagne » , festival sis à Troyes du n15 au 26 octobre pour découvrir des chœurs gigantesques et… Mademoiselle Martien à la médiathèque.
Tous les autres rendez vous sont sur Site Mademoiselle Martine
Nicolas Beniès
Chroniques du passé, 1996
Ahmad Jamal : « Big Byrd , the Essence part 2» (Birdology, distribué par Polygram)
Ahmad Jamal est l’une des dernières légendes du jazz encore en activité. Il a influencé tous les pianistes, et au-delà. Miles Davis avait demandé à ses pianistes d’étudier son style, et son aura s’étend sur tous les mondes du jazz. Il recommence à enregistrer depuis quelques années pour le label « Birdology ». Interviewé à Coutances, au mois de mai de cette année, il dit ne pas refuser le passé mais regarde obstinément vers le futur. C’est vrai que son style d’aujourd’hui est différent de son style des années 58-60, et différent des années 65-75. Il joue moins des silences et est devenu plus « pianiste ». Il est toujours, par contre, le chef d’orchestre intransigeant exigeant que SA musique soit interprétée et vivifiée par les musiciens qu’il dirige à la baguette – au sens littéral du terme. Dans le premier volume de « The Essence » – dont je vous avais parlé dans ces colonnes – l’auditeur retrouvait un Ahmad Jamal, l’Ahmad Jamal nouveau fier de son art et de ce qu’il est, dans un album réussi, contrairement au premier « Live in Paris ». Cette partie 2 ne retrouve pas totalement la magie du 1, ni celle du concert, mais sait, dans les rencontres – avec le violoniste Joe Kennedy qui montre qu’il n’a rien perdu de sa capacité à phraser et à swinguer, ou le trompettiste Donald Byrd dans le titre éponyme, toujours dans le courant du temps – susciter et l’intérêt et le sang de l’auditeur qui participe alors pleinement à la création.
Un album de pleins et de déliés, comme seul le jazz peut les écrire. Continuer la lecture
Une littérature oubliée
Renouveau de la littérature yiddish ?
Benjamin Schlevin (1913-1981), né Szejnman à Brest-Litovsk (en Biélorussie), arrive à Paris en 1934, un Paris marqué par les manifestations de l’extrême droite le 6 février 1934 – qu’il racontera dans son roman – et les réactions de la gauche en train de s’unir dans un contexte de montée du fascisme et du nazisme.
Fasciné par le petit peuple de Belleville qui ressemble dans ces années là, celles de l’entre deux guerres, d’un shtetl multicolore de yiddish aux accents différents, il décide de raconter ce Paris étrange, de ces Juifs venus d’une Europe de l’est en ébullition. Le refus de la guerre d’abord comme la recherche d’un avenir moins sombre obligent à l’exil. Ils arrivent tous « gar di nor » – gare du nord -, pris en charge par les Anciens, petits patrons, en quête de main d’œuvre à exploiter dans leurs ateliers pour nourrir une faible accumulation du Capital. Le quartier du Marais est d’abord leur lieu de chute pour ensuite arriver dans les hauteurs de Paris, à Belleville. Ils partiront ensuite installer leurs ateliers de confection prés des grands boulevard, au « Sentier ». Un Paris disparu englouti dans les transformations de la ville et de l’industrie. Il en reste quelques traces mais trop éparses pour rester des lieux de mémoire. La littérature donne à voir ce monde devenu fantomatique. Continuer la lecture
(Re)découverte d’un écrivain majeur
Faut-il encore et toujours parler de la Shoah ? in
La littérature, la poésie peuvent elles mieux faire ressentir la perte d’humanité imposée par les
nazis à toutes les populations juives d’Europe ? Jiří Weil (1900-1959) a vécu à Prague cette période de déportation, de peurs, d’angoisses, de profonde solitude, d’un temps aussi de solidarité. « Vivre avec une étoile est une description
quasi clinique d’un homme pourchassé , nié en tant qu’homme qui ne peut que faire preuve d’obéissance servile pour éviter le départ dans un convoi qui ne mène qu’à la mort. Son sort dépend en partie des instances de la Communauté (juive mais l’adjectif n’est pas employé) qui lui trouve un travail, dans un cimetière, tout en dressant des listes de ceux celles qui doivent partir, avec leurs trésors, sans épargner les femmes et les enfants.. Enfermé dans sa terreur, il se blottit dans sa mansarde, quasi à ciel ouvert, souffrant de la faim, attendant l’inéluctable. D’être humain, il en est devenu un fantôme. Il devra à une erreur de cette administration tatillonne de ne pas partir avec les autres porteurs du même nom que lui, liste dressée par les responsables de la Communauté. Continuer la lecture
