Polar historique

Au pays des Cathares.

1165 entre Carcassonne et Narbonne, pays de naissance des Bons Chrétiens qui ne s’appellent pas encore Cathares, nom qui leur sera donné par l’Église catholique pour désigner comme hérétiques. Ils sont nés en son propre sein et se reconnaissent par une lecture stricte des Évangiles en refusant l’apparat et la richesse dont se parent les dignitaires de cette Église apostolique et romaine. François-Henri Soulié met en évidence les différences de comportement tout en soulignant la contradiction de ces Bons Chrétiens refusant de créer des enfants dans l’enfer du monde. Une femme, violée à plusieurs reprises qui a perdu le sens du plaisir et de la volupté, belle encore, désirable incarne cette contradiction en la mettant face à l’enfant. Il conte, dans « Angélus », une histoire de meurtres bizarres de compagnons tailleurs de pierre, imagiers engagés pour la construction des cathédrales, transformés en anges de la mort sur fond de complots et de folie. Comme souvent par les temps littéraires qui courent, un roman chorale. L’histoire se raconte via les trois héros : un jeune chevalier, Raimon de Termes dont la parentèle est convertie secrètement aux Bons Chrétiens tout en continuant officiellement à servir l’évêque, un roué – qui trouve son maître -, le Maître imagier, Jordi de Cabestan figure centrale visée par le meurtrier et une envoyée des Bons Chrétiens, femme abusée qui se libère de tous ses liens passés et présents, Alois de Malpas. Difficile de résister à cette imagerie sensible.
Nicolas Béniès
« Angélus », François-Henri Soulié, 10/18 Grands détectives.

Quelle histoire !


L’Occupation au prisme des zazous

Zazous ? Un mot, évocateur, fait surgir des silhouettes, notamment celle de Boris Vian, un grand maître de la confrérie. Un mythe ? Une réalité ? Qui étaient-ils ces révoltés ? Gérard Régnier, spécialiste de l’histoire du jazz pendant l’Occupation – c’est sa thèse – a voulu, sur la base de la presse de l’époque, comprendre le phénomène en l’inscrivant dans son contexte. « L’histoire des Zazous » est une histoire de résistance individuelle, de contestation des ordres établis, de ruptures adolescentes. Le mouvement zazou, lui et les preuves abondent, est une reconstruction, manière d’excuse pour cette jeunesse absente des affrontements politiques structurants du 20e siècle. Ainsi en est-il des manifestations zazoues, une pure et simple invention. La plus connue, la plus diffusée : celle du port collectif de l’étoile jaune lorsque les autorités l’ont imposée aux Juifs de France , avec une inscription « swing ou autre. L’auteur montre qu’elle est restée très minoritaire. Une réaction plus individuelle que collective. Continuer la lecture

Jazz, deux anthologies étranges et nécessaires : le jazz belge et les trompettes de Fletcher

Prendre le temps d’entendre
Une anthologie, qui ne fait pas rire mais réfléchir sur la mémoire, les préjugés et la force du souvenir qui occulte souvent la connaissance. Prendre pour sujet le jazz belge a de quoi dérouter. Parler d’un âge d’or accroît le mystère. Django Reinhardt est né par hasard en Belgique et il n’est pas belge pour autant. A part lui, qui ? D’abord Robert Goffin, le plus méconnu des surréalistes, auteur d’articles et livres sur le jazz dans les années 1920-30 et 40. Exilé aux États-Unis, il organisera des concerts avec Leonard Feather. Lui redonner sa place est une nécessité pour l’histoire du jazz, du surréalisme et de leur rapport. Dans le livret une mention de cet auteur. Ce n’était pas le but. En revanche, Philippe Comoy présente les musiciens de ce petit pays étrange né au milieu du 19e siècle. Au début, comme il l’écrit dans le livret aux renseignements indispensables, était les « Bob Shots » sous l’égide de Pierre Robert, guitariste. Déjà se fait entendre celui qui fera une carrière aux États-Unis, fait rare à cette époque, Bobby Jaspar. Le vibraphoniste, « Fats Sadi – Lallemand pour l’état civil mais il voulait faire oublier son nom de famille et il a réussi – fait montre d’une belle maîtrise de son instrument. Continuer la lecture

Du coté du jazz, Un Big Band, Walter Smith III et Matthew Stevens font en commun et Rudresh Mahanthappa fête un centenaire…

Plaisir du Big Band
Le « Brussels Jazz Orchestra » est un organisme vivant qui sait envelopper de sons le public conquis. Tant de ramages, tant de bruits organisés, tant de bonheur de jouer, d’être ensemble laisse forcément la fenêtre grande ouverte à toutes les escapades. Bien sur on pourrait lui trouver quelques pères putatifs. Sans intérêt. Ne gâchons pas le plaisir d’entendre les compositions et les arrangements de Pierre Drevet, trompettiste soliste en compagnie de la chanteuse Claire Vaillant. « Échange » est un titre qui tient ses promesses. Continuer la lecture

Figures de Jacques Coursil

Que reste-t-il lorsque tout s’éteint ? Des images, des souvenirs brouillés par le temps et l’espace. J’ai une image de Jacques Coursil, lointaine, au piano chez un ami commun et me proposant de jouer à mon tour. Refus poli. Je savais déjà pourtant que ce n’était son instrument. Je savais que ce garçon athlétique était tombé amoureux de la trompette.

Pochette de la Black Suite. Il est en compagnie de Anthony Braxton notamment

Il avait raconté à « Actuel » – la revue qui a collé à la peau de mai 1968 -, repris dans les deux albums qu’il avait réalisés avec son groupe pour BYG (et sur Wikipédia), sa rencontre avec le cornet. Un hasard. Son père, militant au parti communiste, avait voulu lui faire étudier la musique. Le violon s’est imposé. Le prof du quartier Montmartre (Paris) – où il est né en 1938 – ne connaissait que cet instrument. Arrêt brutal. Il écoutait, chez lui, les clarinettistes de la Martinique à commencer par le plus grand d’entre eux génie incontesté et souvent méconnu de l’instrument et de la Biguine, Stellio. Dans ce début des années 1950 – si l’on en croit son témoignage ce serait 1953 -, à Paris, Sidney Bechet s’impose. Les oreilles du jeune Jacques commencent à vibrer pour ce soliste le plus talentueux de l’histoire du jazz. La biguine sans doute le conduit aussi vers Albert Nicholas, sorte de Poulidor de la clarinette de jazz pour ces émigrés de la Nouvelle-Orléans. Il faudrait raconter l’histoire des Oignons…
Il intègre donc un Conservatoire pour étudier la clarinette et se retrouve avec un cornet entre les mains, seul instrument qu’il était possible de lui prêter.
Qui peut parler de vocation ? Continuer la lecture