UNE VIE DANS LE SIÈCLE

Pionnière de la littérature féministe, noire-américaine, Zora Neale Hurston

Zora Neale Hurston

Le nom de Zora Neale Hurston ne dit sans doute rien au lecteur. Pourtant Toni Morrison fait clairement référence à son autobiographie, « Des pas dans la poussière », dans son dernier roman, Paradis,(1) qui se déroule dans une petite bourgade du Sud des Etats-Unis gérée et habitée par des Africains-Américains ressemblant à celle où est née Zora. Alice Walker, l’auteure de La Couleur Pourpre, a fait placer une pierre tombale à l’endroit approximatif où elle repose.(2) Toutes les romancières américaines paient leur dette à cette pionnière qui a payé le prix élevé de cette liberté, de cette volonté de construire sa propre vie, son œuvre. Continuer la lecture

Polar, Pour commencer l’année 2017

Le retour de Lacenaire.

« Les enfants du Paradis » doit vous servir de boussole. Le film de Prévert et Carné mettait en scène ce Paris des années Louis-Philippe, ce roi-bourgeois de nos livres d’Histoire caricaturé par Daumier sous forme de poire, un roi qui maniait aussi la répression contre les Républicains et les anarchistes. Le film racontait les saltimbanques mais présentait aussi ce criminel étrange aux mœurs révoltantes pour les biens pensants, Lacenaire, poète et écrivain. Continuer la lecture

JAZZ, un curieux album

Le jazz peut-il se raconter ? Se dire ?

Alexandre Pierrepont suit les pas de Michel Leiris, comme un passage de témoin. Anthropologue et ethnologue, il se projette dans le « champ jazzistique » – pour reprendre le titre de son premier ouvrage, aux éditions Parenthèse – pour construire son imaginaire à force de mots. On dira poète pour aller vite. Les mots sont souvent traîtres, ils disent et se reprennent en confinant la chose ou l’être à sa dénomination. Il arrive que, comme chez Alice, la résistance s’organise en sortant des mots avec d’autres mots ou la musique.
La musique est ici construite, improvisée par le batteur Denis Colin. L’autre protagoniste de cette aventure. Il fait aussi sortir la batterie – instrument emblématique du jazz rappelons-le – de son strict rôle qui lui est assigné pour aller voir ailleurs si elle ne peut pas bâtir d’autres mondes, d’autres ambiances. Continuer la lecture

Exercice de style. A propos des comédies musicales. Réflexions sur la culture

Les comédies musicales ne sont plus ce qu’elles étaient.

Elles ne disent plus Noël ou Bonne année. Elles ont arrêté le temps pour nous faire entrer dans une époque révolue, disparue, engloutie. Elles ne nous parlent plus, elles s’agitent encore mais vainement. La recrudescence actuelle de ces « musicals » n’est que bouffonnerie. Ce « retour » exprime la tare de notre époque, le « c’était mieux avant ». Avant quoi, on ne le saura jamais. Avant aujourd’hui qui est déjà hier.
Le passé décomposé et recomposé touche tous les domaines. Sur le terrain culturel, la répétition ne se fait ni en farce ni en tragédie mais sous le règne intransigeant de la marchandise. Elle exige la répétition. La culture, la création semble avoir déserté pour laisser le champ libre au raisonnement capitaliste, celui du retour sur investissement. Pour parler vulgairement, il faut que « ça » rapporte. La culture sait résister via le raisonnement de service public. Il ne suffit pas. Il faut ouvrir les portes, les fenêtres pour laisser entrer l’air frais du large. Paris, comme capitale culturelle mondiale avait su capter tous les talents, réunir génies de la peinture, de la littérature et de la musique – en particulier le jazz. Paris le devait à sa capacité d’accueillir tous ces exilés, tous ces migrants. Continuer la lecture

JAZZ, Rattrapages : qu’il est difficile de commencer 2017 sans avoir, un peu, soldé 2016

Oiseau pour qui chantes-tu ?

Hermeto Pascoal, brûleur de chandelles par tous les bouts s’il en fut, musicien hors norme né au Brésil concepteur de collages culturels les plus divers, free-jazzman à ses heures, patriarche d’une famille de musiciens venants d’horizons différents laisse un patrimoine en forme de montagne, un héritage qui attendait Didier Labbé et cet album « o grito de passarinho » pour revivre vivifié par les compositions du quartet. Continuer la lecture

JAZZ, Rattrapage (encore…)

La bande à (et de) Bonnot

Laurent Bonnot, bassiste électrique de cette Fender Bass (du nom de son inventeur, dans les années 1950 utilisée pour une des premières fois par Monk Montgomery), a réuni, autour d’un rêve d’ermite, quelques figures du jazz français pour les faire se dialoguer. Il s’est réservé un double rôle, compositions (sauf une de Pierre Perchaud) et assise rythmique pour indiquer les métriques qu’il juge nécessaires. Il prend, ce faisant, la place du batteur qui disparaît. Continuer la lecture

JAZZ, Rattrapages (toujours..)

Échos du 20e siècle.

Le 4 décembre 1999 – un quasi anniversaire – se retrouvaient sur la scène du jazz club de Neuburg – en Allemagne – le « Birdland », Lee Konitz, saxophone alto comme toujours et Kenny Wheeler, trompette et bugle (flugelhorn sonne mieux) pour un échange en forme de mémoires. L’un arpente le monde de Lennie Tristano (Lennie’s, une des compositions de Lee Konitz), l’autre celui de la scène britannique des années 60 et d’Anthony Braxton pour se libérer de tout le poids du passé et pénétrer de plein pied dans le 21e siècle. Saxophoniste et trompettiste savent que le dialogue produit des étincelles. Surtout à ce niveau. « Olden Times » est le titre choisi par les producteurs, une composition de Kenny Wheeler, qui résument à la fois le projet – un solo du trompettiste faire écho à des compositions multiples, presque un quiz – et le temps qu’il a fallu pour faire paraître cet album. Continuer la lecture

JAZZ , Ménage à trois.

Chansons réelles ?

Lorsqu’un pianiste compositeur rencontre une chanteuse, italienne de surcroît, de formation classique et de jazz – plus tard comme il se doit – sur des paroles de la compagne du pianiste ça donne un album au titre étrange sans doute pour interpeller un monde plus étrange encore « Is It Real », est-ce réel ? Une interrogation de chaque instant devant les bouleversements dont nous sommes souvent les spectateurs.
Les textes s’appuient sur des musiques qui se veulent simples – quelque fois un peu trop sans aspérités et sans souffle – pour permettre les improvisations des participants, de ceux qui racontent des histoires courtes et là quelques réussites émergent donnant à la chanteuse la possibilité de se mettre en valeur. Il arrive que, à force de vouloir coller trop de musiques diverses, l’auditeur perde le fil qu’Ariane ne leur tend plus.
Le pianiste/compositeur, Olivier Hutman, la chanteuse Alice Ricciardi, le saxophoniste Olivier Témine, le guitariste Gilad Hekselman, le bassiste Darryl Hall et le batteur Gregory Hutcherson forment cette entité pour donner vie à ces chansons trop réelles pour être vraies.
Nicolas Béniès.
« Is It Real ? », Olivier Hutman meets Alice Ricciardi, Cristal Records, distribué par Harmonia Mundi.
Concert de sortie le 18 janvier 2017 au New Morning

JAZZ, Batteur et compositeur, Thomas Grimmonprez

Voyages sans visa.

Thomas Grimmonprez est batteur d’abord et longtemps il l’est resté. Depuis quelques temps, il s’est fait compositeur vagabond traversant les genres, les mesures, les cadences pour, sans doute, se trouver ou retrouver des sensations, des plaisirs, des douleurs qui l’ont transformé.
« Kaléidoscope » porte bien son titre, les climats changent d’une composition à l’autre. A l’auditeur de reconstruire le puzzle pour trouver une trajectoire qui sera différente de l’une à l’autre. Chacun-e apportant sa propre expérience, ses propres sensations et émotions à celles qui sont ici proposées. Continuer la lecture