Comment va le monde ?

Un monde incertain et sans avenir.

Les marchés financiers jouent – sans jeux de mots – aux montagnes russes. Elles augmentent fortement et chutent tout aussi profondément. Montées et descentes trouvent leur cause dans un indicateur pour le moins étrange, les cours du pétrole. Il est passé de moins de 30 dollars au début de l’année 2016 à plus de 38 dollars début mars. Dans la lignée, les cours des Bourses haussent. Il n’empêche que la tendance à la baisse subsiste en fonction d’une prévision faible de la croissance mondiale. Continuer la lecture

Une loi travail pour quoi et pour qui ?

Loi El Khomri, un projet réactionnaire.

La loi dite sur le travail s’intitule en fait « loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », un intitulé étrange au regard de l’enjeu : remettre en cause le droit du travail, les acquis sociaux des luttes des salarié-es compilés dans le code du travail. Ces avancées sociales représentent, du point de vue des économistes libéraux – comme Philippe Alghion qui se dit de gauche et a été conseiller de Hollande ou Jean Tirole, ci-devant Prix Nobel -, des rigidités qu’il faut combattre pour permettre la fluidité des marchés même si ces marchés ne sont qu’une invention sans lien avec la réalité, comme le marché du travail. Continuer la lecture

Polar. Un Condor passa…

Plagiat ou ironie.

les derniers jours du condor« Les 6 jours du Condor » – devenu 3 pour le film de Sidney Pollack sorti en 1975 avec Robert Redford – est un des grands romans d’angoisse et faussement d’espionnage jamais écrit. James Grady avait réussi un tour de force. Sa fin qui n’est pas une fin laissait planer une menace diffuse sur la vie du « Condor » qui essayait de combattre cette force opaque qui a nom CIA.
Grady a voulu récidiver. « Les derniers jours du Condor » se situe très loin dans le temps. Aujourd’hui, demain on ne sait trop. Vieil homme, sortant d’un asile psychiatrique, il se trouve de nouveau poursuivi. On en sait par quoi. On se doute que ce n’est pas la CIA, du moins pas celle d’hier mais une technologie. La série « Person of Interest » lui a visiblement servi de modèle. Une espionne lui sert de garde du corps, une femme qu’il aime se trouve mêlé à ce micmac. On devrait se sentir angoissé et ça ne marche pas. On n’y croit pas. L’histoire est trop décalquée de la première. Ce pourrait être ironique de la part de l’auteur. Rebattre les cartes de l’intrigue pour se trouver une nouvelle jeunesse en combattant les poids de la vieillesse. Je veux le croire. Mais la distanciation n’est pas assez grande. Peut-être manque-t-il l’humour qui permet de se moquer de soi-même.
Je ne sais pas comment un lecteur qui ne connaîtrait pas le précédent réagirait mais ce « remake » remis au goût d’un monde qui n’est plus celui du Condor ne peut pas convaincre. La construction, subtile, tourne à vide. Une idée d’éditeur ?
Nicolas Béniès.
« Les derniers jours du Condor », James Grady traduit par Hubert Tézenas, Rivages/Thriller

Jazz. Un absent des dictionnaires très présent

Un batteur américain à Londres.

outlier jeff williamsJeff Williams, batteur découvert, quant à moi aux côtés de Dave Liebman, de Stan Getz et de Joe Lovano, est né dans l’Ohio. Il tombe dans l’amour, comme disent les Québécois, épouse la romancière britannique Lionel Shriver qui a remporté une multitude de prix littéraires. Jeff, de ce fait, enseigne la batterie à la Royal Academy Of Music de Londres tout en continuant de vivre, en partie, à New York. « De ce fait, écrit-il dans les notes de pochette d’où sont tirées toutes ces informations, je suis devenu Transatlantique », une sorte de pont au-dessus de l’Atlantique à lui seul. Une situation idéale pour enregistrer pour le label britannique Whirl Wind avec ses musiciens américains. Peu d’informations disponibles sur ce musicien à la discographie pourtant importante. Raison de plus pour le découvrir…
Qu’il faut découvrir : Josh Arcoleo au saxophone ténor qui a visiblement beaucoup écouté Joe Lovano, Phil Robson à la guitare plutôt dans la lignée de Pat Martino, Kit Downes, pianiste qui a entendu Keith Jarrett mais essaie de s’en sortir et Sam Lasserson contrebasse et basse électrique. Le tout forme un groupe sur les compositeurs du batteur. Elles n’échappent pas toujours à la déformation professionnelle d’un enseignant d’être un peu trop démonstratives. Elles baignent dans le modal post bop et n’arrivent pas toujours à décoller. Lorsque c’est le cas, sur « Hermeto » par exemple hommage à Hermeto Pascoal, on sent que ces musiciens ont de la ressource et gardent la mémoire de tous les jazz. Il faudrait qu’ils acceptent de déraper un peu plus…
Le titre de cet album, « Outlier », est la concrétisation de sa situation étrange entre deux mondes, deux pays dont la langue est le plus grand diviseur – comme disait George-Bernard Shaw. Un terme qui signifie dans le langage des statisticiens, une observation aberrante mais aussi un cas unique. Deux sens qui collent parfaitement à Jeff Williams.
A découvrir.
Nicolas Béniès
« Outlier », Jeff Williams, Whirl Wind Records. www.whirlwindrecordings.com

Jazz. Chercher sa voi(e)x

Comme un nouveau départ ?

robin_mckelle_the_looking_glassRobin McKelle, Irlandaise d’origine, chanteuse de jazz, de soul aussi avait intitulé l’un de ses premiers albums « Modern Antique », une sorte de définition qui lui allait bien. Rien de révolutionnaire mais une joie communicative de chanter, d’être sur scène.
Avec cet album, « The looking glass », elle s’éloigne de ses origines et s’oriente résolument vers la pop la plus répandue où la concurrence est rude. Elle a dû se dire – ou son agent – qu’elle pouvait se faire reconnaître plus facilement que dans les mondes confinés du jazz. Elle en a toutes les possibilités. Et ses compositions en compagnie de son pianiste, Ray Angry, essaient de se sortir de toutes les ornières.
Mis à part quelques réussites dont « Stand Up », un appel qu’il faut entendre et « Get Back Yesterday », le reste provoque un ennui léger tellement le rythme, le son d’ensemble est semblable. Dommage. On attendra le prochain.
Nicolas Béniès.
« Looking Glass », Robin McKelle, Doxie Records, Membran.

Essai

Pour une définition du terrorisme.

Jenny Raflik, Maître de conférence en histoire contemporaine, s’est lancée dans une traque qui apparaît, au vu de notre actualité barbare, nécessaire sinon vitale. « Terrorisme et mondialisation », le titre de son essai, est une recherche historique pour comprendre et définir le « terrorisme ».
Sait-on, et c’est un début en forme de point aveugle, que l’ONU – comme la Société des nations, SDN, avant elle – n’a pas de définition du terrorisme et, par-là même, ne peut pas construire les moyens de lutter contre lui ? Ce terme, utilisé à chaque attentat, à chaque suicide par les médias ne souffre d’aucune analyse. Il faudrait éviter ce vocable tellement facile par qu’il suscite la peur, l’angoisse. Le repérer, en repérer ses manifestations, en dresser une typologie serait, pour le moins, un préalable.
Cette interrogation fait tout l’intérêt de cet essai – terme qu’il faut prendre dans toutes ses significations et dimensions. Une question qui n’est guère à l’ordre du jour même si ses manifestations font partie, et de plus en plus, de notre monde. Il est un symptôme de la désagrégation de nos sociétés. Les gouvernements ne se rendent pas compte de l’aspect pathogène de leurs décisions. Le libéralisme en actes conduit à l’éclatement des solidarités collectives, à la désespérance individuelle faute de pouvoir peser sur les évolutions sociales. La lutte des classes semble avoir disparu qui donnait un sens, un espoir aux revendications individuelles et collectives pour construire une autre société.
L’approche de Raflik est signifiée par son sous titre : « Approches historiques ». Autrement dit, elle refuse le courtermisme. Elle veut inscrire sa réflexion dans le « temps long », dans l’histoire comparée tout en déterminant les contextes différents. Elle reprend les expériences du passé à commencer par celles des anarchistes du 19e dont le but était de détruire l’État en assassinant les dirigeants. C’est l’expression, dit-elle, d’une révolte sociale. Une révolte qui est transnationale, internationale via les créations d’Internationales Ouvrières. Continuer la lecture

Jazz. Quand les Cors sonnent…

Un Big Band étrange et venu d’ici.

Mallet-Horn Jazz band« The Mallet-Horn Jazz Band » est le titre pour le moins énigmatique de cet album. Sous titré « Guest Arkady Shilklopper », il n’éclaire en rien le contenu sauf pour les mordus d’un instrument peu usité dans le jazz, le Cor, French Horn de l’autre côté de l’Atlantique. Le texte du livret – en trois langues s’il vous plaît, français, anglais et espagnol – nous apprend que Arkady, né à Moscou en 1956, est un virtuose de cet instrument et qu’il joue à la fois dans des groupes « classiques » – plutôt de musique contemporaine – et de jazz. Nous voilà bien avancés. Continuer la lecture

Jazz. En direct du Brésil

Tromboniste et Carioca, Raul de Souza, entre samba et jazz.

RaulRaul de Souza est né en 1934 à Rio de Janeiro. Il a donc 81 ans. Il part, une fois encore, sur les routes pour une tournée internationale sur la base des compositions de cet album, « Samba jazz » toutes de sa plume. Ce trombone à coulisses est un curieux instrument. Il sonne fortement les temps dans ses premières années à la Nouvelle-Orléans – il faut entendre Kid Ory figure importante du style « tailgate » – pour s’émanciper via Jack Teagarden ou Dickie Wells et devenir un soliste sans attache par la grâce de Jay Jay Johnson.
Raul de Souza connaît visiblement cette histoire. Son trombone sait se faire mémoire du jazz en y mêlant celle de la samba, de la bossa nova, de l’air respiré à Rio. La poésie, la grâce de Jobim, les mots de Vinicius de Moraes se retrouvent en train de jongler avec la dureté, la hargne, la colère de Sonny Rollins et du jazz en général.
Dans cet album, « Brazilian Samba Jazz », il permet aussi de découvrir des musiciens de la génération d’aujourd’hui qui lui donnent la réplique dans ce dialogue intergénérationnel nécessaire pour permettre au patrimoine de vivre avec de nouvelles couleurs.
Pourtant, à vouloir un peu trop jouer sur la nostalgie et les ballades les compositions n’arrivent pas à de détacher les unes des autres. Un peu plus de violence, de révolte ouverte – le trombone est l’instrument pour ce faire – n’aurait pas desservi le propos. Cocktail qui aurait permis de se rendre compte que coller jazz et samba n’est pas une sinécure surtout lorsqu’il s’agit de tempo.
Ces réserves ne doivent pas empêcher d’entendre ce musicien et ses compagnons qui expriment un aspect de la réalité culturelle. Il faut ajouter qu’un label qui a décidé de s’appeler « Encore Merci » ne peut pas être fondamentalement mauvais…
Nicolas Béniès.
« Brazilian Samba Jazz », Raul de Souza, Encore Merci distribué par Rue Stendhal

Le Jazz comme eau de jouvence.

Bon anniversaire Joe Haider.

Joe HaiderJoe Haider est un des personnages clés de la scène du jazz en Allemagne. Il a longtemps le pianiste « maison » du « Domicile », le club de jazz de Munich. Sont passés là tous les musiciens de jazz qui comptent, Nathan Davis, Johnny Griffin, Booker Ervin pour ne parler que des saxophonistes et ténor de surcroît. Il a aussi fondé, Toujours à Munich, une école de jazz et a dirigé la « Swiss Jazz School » sise à Berne. Il s’est installé en Suisse.
Pour fêter comme il se doit ses 80 ans – le 3 janvier 2016 est sa date anniversaire -, il propose cet album, « Keep in Dark » sur le modèle pour être heureux vivons cachés, lui veut rester dans l’ombre… du jazz. Il a réuni à la fois un groupe de jazz plutôt issu des formules de Gil Evans avec trompette, trombone, flûte, tuba, basse et batterie et un quatuor classique, le Kaléidoscope String Quartet pour faire vivre ses compositions. Le résultat n’est pas toujours convainquant mais le plus souvent original. Sans doute par manque de répétitions entre le quartet de cordes et le groupe de jazzmen. Les compostions devraient faire partie du répertoire. Ne nions pas qu’un léger ennui nous gagne de temps en temps. Il manque un engagement plus total pour dépasser la raison et faire surgir la folie, celle du jazz.
Nicolas Béniès.
« Keep it Dark », Joe Haider Jazz orchestra, Double Moon Records distribué par Socadisc.

Jazz. Pour tous les opprimés qui dansent au ciel et ailleurs

Danser sur les nuages.

Henri Texier Sky DancersHenri Texier a toujours voulu se renouveler et trouver des sources d’inspiration dans des cultures rencontrées au hasard de son existence. Cultures souvent de populations annexées, colonisées ou tout simplement ignorées. Les « Native Lands » – soit les Indiens d’une Inde confondue par Colomb avec l’Amérique – sont les grands laissés pour compte de ces États-Unis incapables dans le même temps de rompre avec le racisme.
Il fallait soulever la lourde pierre qui ferme l’accès à leur musique, à leur héritage. Ces Nations indiennes ont été très utilisées à la construction des gratte-ciel. Ils n’ont pas le vertige et dansent sur les constructions en fer donnant ainsi l’impression d’être les maîtres des nuages que les gratte-ciel voulaient atteindre. Un truc de mâles : féconder le ciel. Eux se nommaient « Sky Dancers ». Voilà nous dit Henri l’origine du titre de cet album. Qui répond à une autre préoccupation, nous faire danser pour nous faire comprendre que notre sol est un volcan miné par la crise écologique et les mutations climatiques. Continuer la lecture