A la recherche de Viktor Paskov

Comment peut-on être écrivain et musicien bulgare ?

Viktor Paskov est un des représentants de la littérature bulgare, qui a fait beaucoup d’émules, littérature qui reste à découvrir. « Allemagne conte obscène » baigne dans la désillusion combattue par une ironie grinçante et un humour triste et combatif, celui des exilés déçus par un pays d’accueil vu comme un Eden au départ. Continuer la lecture

Mémoire de 1999, du côté du blues

Le blues dans tous ses états…

Quelle place occupe le blues – il faudrait utiliser le pluriel – dans l’histoire de la communauté africaine-américaine ? Quelles fonctions a-t-il joué ? Robert Springer, poursuivant ses analyses sociologiques commencées avec Le blues authentique (1985, Filipacchi) se penche sur Les fonctions sociales du blues, aux éditions Parenthèses dans la collection Eupalinos. Il part des fonctions les plus évidentes, les plus visibles pour arriver aux fonctions essentielles et cachées. Pour conclure sur la fonction unificatrice de la communauté que le bluesman suscite simplement en racontant ses histoires qui donne l’impression d’être individuelles. Par l’intermédiaire des relations hommes/femmes, il diffuse l’image des relations Blancs/Noirs. Sans sous estimer le «machisme » des mondes du blues, une réalité par trop présente. Comme le disait Zora Neale Hurston dont l’autobiographie, Des pas dans la poussière (Éditions de l’Aube) vient de paraître en français, la femme noire est la «mule » de l’homme noir… Continuer la lecture

Centenaire en 2000

Pour Jacques Prévert

Ce 4 février 2000, il aurait eu 100 ans. Le bel âge aurait-il dit. Car tous les âges de la vie sont beaux. Il n’y a guère que les flics et les militaires pour ne pas s’en apercevoir. Parce qu’ils ne voient pas la lumière. Empêtrées dans ce qu’ils croient être la réalité, ils s’engluent dans la répression. Comme si toute révolte était soluble dans la répression. Il avait hérité cette phobie de son grand-père, vieil homme irascible sur de son bon droit et de sa connerie qui avait martyrisé son père. Des années plus tard, le père continuera à en faire des cauchemars. Comme quoi Freud n’est pas loin… Continuer la lecture

Un Debord éternellement vivant

Une ode à la jeunesse capable de vivre d’autres vies.

« Debord, printemps » n’a pas vraiment de statut. Pas un essai, pas un poème, pas une biographie, pas non plus vraiment portrait d’une jeunesse et d’une époque, pas vraiment saga, pas vraiment politique mais un peu de tout, pour un mélange explosif, virulent, sauvage. Le thème apparent, La figure de Guy Debord, jeune homme réfugié dans son îlot de Saint-Germain-des-Prés, entre différentes cavernes où se retrouvent un groupe de dissidents qui refusent la société de ces années cinquante appelées plus tard « les 30 glorieuses » (dixit Fourastié). « Ne travaillez pas » est le slogan affiché de ces lettristes d’abord puis situationnistes ». L’internationale que constitue Debord est striée d’exclusions, souvent à motif aviné ? Cette jeunesse rêve, construit un monde étrange autour d’elle-même animé par la volonté farouche de ne pas être digéré par ce monde inconnu pour elle. Continuer la lecture

Histoire et culture des États-Unis.

Une nouvelle biographie de Miles Davis et ce n’est jamais trop. Miles a vécu dans sa chair le racisme et ses conséquences. Adulé à Paris, il ne perce pas à New York et se drogue. Le drame des musicien.ne.s de jazz – un terme contesté aux États-Unis mais valorisant en Europe, comme il le notait lui-même. Il s’agir de Great Black Music bien entendu.
Jerome Charyn pense qu’il était temps, pour terminer ses aventures, d’installer Isaac Sidel à la Maison Blanche. Que peut faire un ancien flic et ancien maire de New York – Charyn ne s’éloigne pas trop de la réalité – à la Maison Blanche ? Pas grand chose. Depuis, Trump a conduit une sorte de putsch, de coup d’État comme, pour l’instant, une tentative avortée mais une tentative. Charyn n’a pas osé écrire qu’un Président pouvait sauter dans sa voiture pour prendre la tête des manifestants à l’assaut du Capitole et empoigner par un agent de la sécurité pour l’empêcher de commettre ce crime. Trump a testé, un autre ou lui-même pourrait le réaliser. Il a beaucoup fait pour discréditer tout le système de la démocratie américaine sans parler de ses nominations à la Cour Suprême. Lire Charyn, c’est pénétrer dans certaines arcanes de ce monde étrange. Continuer la lecture

Videz vos poches

Littérature
Japonaise : Yukio Mishima
« Confessions d’un masque », écrit en 1949, est un roman d’initiation, de lien entre le désir et l’art, sur l’impossibilité d’être homosexuel dans le carcan des us et coutumes du Japon. La nécessité de porter des masques s’impose pour vivre dans cette société. Le drame quelquefois comique se noue. Il emportera l’auteur qui se donnera la mort, en novembre 1970, en un spectacle sublime.
« Confessions d’un masque », Folio, Nouvelle traduction par Dominique Palmé

Russe : Victor Remizov
« Devouchki », le roman de deux jeunes filles habitant la Sibérie partant à l’aventure pour découvrir Moscou. Un récit quasi documentaire du faste de la Capitale qui dissimule une pauvreté souterraine et de l’écart avec les autres villes ou villages qui vivent dans un autre monde. Une ode à la jeunesse, aux filles, pour qu’elles trouvent un chemin qui permette leur émancipation. A découvrir
« Devouchki », 10/18, traduit par Jean-Baptiste Godon

Bulgare : Victor Paskov
Une amitié filiale entre un vieux luthier Tchèque et Victor, le fils d’un trompettiste habitant dans le quartier juif de Sofia. « Ballade pour Georg Henig » – un titre qui fait le lien entre la musique et la littérature – exerce une influence durable sur le lecteur qui voudrait rester encore et encore avec Victor. Paskov est l’un des grands écrivains bulgares qu’il faut découvrir de toute urgence.
« La ballade de Georg Henig, Mikros/Editions de l’Aube, traduit par Marie Vrinat qui présente aussi l’auteur.

Américaine : Andrew Ridker
« Les altruistes », une nouvelle version d’affaires de famille dans l’Amérique d’aujourd’hui marquée par l’individualisme et le souci de réussir, dans le sens de devenir riche, sans esprit de solidarité. Un repas de famille qui laissera des traces. Un gros succès de librairie aux États-Unis.
« Les altruistes », 10/18, traduit par Olivier Deparis

Espagnole et Basque : Dolorès Redondo
« La trilogie du Baztàn », se situe dans la vallée de la Navarre et mêle allégrement mythes du pays basque et enquête policière de l’enquêtrice Amaia Salazar, partagée entre époux et enfant. Ces trois recherches sont entourées d’une brume puissante qui ne laisse pas distinguer la fausse de la vraie sorcellerie. Un peu touffus parfois, « Le gardien invisible », « De chair et d’os » et « Une offrande à la tempête » permettent de faire connaissance avec les légendes du pays basque et la réalité de notre monde moderne, violent et âpre qui fait des individus des foyers de bombes, incapables qu’ils sont de dominer à la fois leurs pulsions et les contradictions d’une société qui se refuse au collectif et à la mémoire. Elle décrit aussi les double sinon triple journée de travail de l’enquêtrice.
« Le gardien invisible », traduit par Marianne Million, « De chair et d’os », traduit par Anne Plantagenet, « Une offrande à la tempête », traduit par Judith Vernant, Folio/Policier

Des nouvelles du monde

Nouvelles en revue

« Graminées », un nom de famille en botanique pour signifier l’étendue des sujets, géographiques notamment, brassés, se veut le réceptacle d’auteurs et d’autrices du monde à l’exception de la France. Pour ce numéro 3, « Promesse(s) », la Malaisie ouvre le feu d’artifices – « Le Mur » de Ho Sok Fong – et le Canada lui fait vivre ses derniers soubresauts – « La dernière femme sur terre » de Carleigh Baker – en passant par le Kenya, l’Ouganda et la Nouvelle-Calédonie entre autres.
Non seulement une manière de voyager mais aussi de découvrir des paysages extérieurs comme intérieurs poésies fantastiques ou quotidiennes ou les deux mêlées pour offrir de la littérature. L’art de la nouvelle est contraint. Peu de mots pour évoquer contexte, personnages et situations. Problème que le traducteur ou traductrice se doit aussi de résoudre pour le public français. Il fallait donc bien leur faire la part belle. Iels sont interrogé.e.s pour expliquer leur choix et leur manière de faire. Les illustrateurs et illustratrices sont aussi présenté.e.s pour permettre de les retrouver dans d’autres compagnonnages.
Un objet artistique original pour s’apercevoir des richesses de notre humanité.
Nicolas Béniès
« Graminées. Nouvelles étrangères », N°3, « Promesse(s) », décembre 2021

Quand les frontières se brouillent entre fiction et réalité… Afrique du Sud et États-Unis


La littérature permet d’appréhender les mécanismes sociaux et la manière dont les individus les vivent.

L’Afrique du Sud est une société où la corruption s’affiche à tous les étages. Deon Meyer s’en est fait une spécialité transformant ses polars en autant d’analyses politiques. Mike Nicol a choisi de prendre pour personnage principal, sa ville Le Cap, capitale administrative. Le meurtre du ministre de l’Énergie est la pointe visible de l’iceberg d’un trafic d’uranium enrichi. Vraisemblablement, l’assassinat a été commandité par une partie du gouvernement, sinon le président lui-même qui ne partageait pas les vues de son ministre s’orientant vers d’autres énergies, renouvelables, que le nucléaire. Derrière s’agitent toutes les officines plus ou moins secrètes, la CIA et même Daesh. « Infiltrée » pour décrire une espionne multi carte qui synthétise tous les brouillards enveloppant la réalité. Le polar et ses techniques est un guide efficace.
Jason Mott a choisi une autre voie pour faire entrer dans le monde étrange des États-Unis, particulièrement ce Sud – South Side – qui, actuellement, est en train de faire voter des lois pour empêcher les populations africaines-américaines d’exercer leur droit de vote. « L’enfant qui voulait disparaître » est une introspection, un dialogue entre un écrivain adulte et l’enfant qu’il a été. Ils veulent oublier la couleur de leur peau pour vivre « comme tout le monde ». Leur environnement politique leur refuse. La peur est leur compagne de tous les jours, de leurs nuits. Elle les empêche de vivre. Le titre original, « Hell of a book », l’enfer dans un livre, est peut-être plus clair même si c’est intraduisible. Un cri de révolte poétique pour sortir du piège. Les États-Unis dans toute leur horreur. L’avenir se trouverait-il dans les mobilisations autour de « Black Lives Matter » ?
Nicolas Béniès
« Infiltrée », Mike Nicol, traduit par Jean Esch, Série noire/Gallimard
« L’enfant qui voulait disparaître », Jason Mott, traduit par Jérôme Schmidt, Éditions autrement.

Un essai littéraire

Une vraie-fausse autobiographie.

Une lettre, une simple lettre d’un fils à sa mère sans atours, sans mensonges ou pas trop, c’est la présentation qu’a choisi Kiese Laymon pour se raconter, raconter les États-Unis et la trajectoire d’un Africain-Américain dans le Sud profond où le racisme est permanent. Sa mère, universitaire, veut croire à la force de la culture, de l’instruction, de la connaissance qu’elle enseigne à son fils trop grand, trop gros, trop vite. Le titre originel, « Heavy » contient à lui seul tous les trop qui investissent la vie du pré ado et de l’ado, « Balèze », la traduction française bien trouvée, n’en retrace qu’une partie. Continuer la lecture

Littérature : Polar et Science fiction

La littérature se diversifie, lorgne vers le polar ou la science fiction lesquels affichent leur ambition d’être une des branche d’icelle. Le présent de l’édition donne quelques exemples. Continuer la lecture