Polar, Un nouveau venu.

Fragments littéraires.

Nicolas Zeimet Seuls les vautoursNicolas Zeimet, né en 1977, vit à Paris et s’est nourri de littérature américaine. « Seuls les vautours » en fait la démonstration. Ce roman est rempli jusqu’à la garde de références de polars américains. Et au-delà. De tous les romanciers de la Série Noire des premiers temps, de ces Britanniques, comme James Hardley Chase, qui ont su servir cette littérature dite de gare. Marcel Duhamel en avait bien compris l’intérêt. Zeimet souhaite à sa manière les 70 ans de la collection. Les noms des policiers signent ces références. Pour en donner un exemple, Robicheaux pour aller du côté de James Lee Burke et beaucoup d’autres à retrouver.
L’intrigue est simple et plutôt classique. Elle fait penser aux auteurs contemporains, Dennis Lehane en particulier même si le lieu où les vautours se complaisent est une petite ville, Duncan’s Creek. Une bourgade sise dans l’Utah dans laquelle les habitant(e)s ont l’air de tous se connaître. Comment se fait-il qu’une petite fille de 5 ans se soit fait enlever et par qui ? En cette année 1985, 4e année de l’ère Reagan, le passé fait totalement parti du présent. Il le structure. Continuer la lecture

Jazz, Charlie Parker en direct

Volume 9 des aventures de l’Oiseau (Bird)

Charlie Parker vol 9Le volume 8 de cette fausse-vraie « Intégrale Charlie Parker » – fausse parce qu’il est impossible, comme le note l’auteur du livret et de la compilation Alain Tercinet, de reprendre tous les enregistrements de l’Oiseau, vraie parce qu’elle donne à entendre le son d’un génie dans sa chronologie – s’arrêtait en septembre 1950 pour les enregistrements de Parker avec les « Strings » et ce volume 9 s’arrête en mars 1951 pour des « en direct » – « live » – avec ces mêmes « Strings » pour la radio. Entre temps, Parker a voyagé. Pour le suivre, Alain Tercinet a sélectionné quelques traces réalisées en public. Chicago d’abord, en octobre 1950, avec des musiciens qui deviendront des légendes comme les frères Freeman puis en Suède et Paris. Il dira beaucoup de bien de la Suède, composant ce « My Little Blue Suede Shoes » – qu’il ne faut pas confondre avec la composition du chanteur de rock Carl Perkins – en souvenir. Souvenir aussi raconte Tercinet d’un disque de Jean sablon entendu chez Annie Ross et Kenny Clarke… Continuer la lecture

A propos de Michel Warlop, concerts de Jean Toupance à Granville.

Christian Ducasse, à la fois photographe et organisateur de concert, nous a fait parvenir le texte suivant de présentation d’un violoniste, Jean Toupance qu’à, notre grande honte, nous avouons ne pas connaître. Nous lui faisons donc confiance pour ses affirmations. Jean Toupance sera donc à Granville pou une résidence de trois jours au Bâton Rouge les 12, 13 & 14 juin 2015.

Pour Michel Warlop
Ce sera un hommage à un autre violoniste, oublié trop souvent, génie de cet instrument, Michel Warlop. Compositeur étrange, ce violoniste brillant, premier prix de Conservatoire (Douai et Paris) considéré par ses enseignants comme un des 5 concertistes importants dans les années 20, était tombé dans le jazz en arrivant à Paris. Une de se grandes œuvres, restée forcément à l’état d’ébauche, « Swing Concerto », fut enregistrée pendant la période l’Occupation, raison pour laquelle, sans doute, elle ne fait pas partie des références. Mort en 1947, le nom même de Michel Warlop a déserté les discographies. Récemment, il a commencé à être redécouvert. Une biographie, « Michel Warlop, génie du violon swing », Pierre Guingamp, L’Harmattan, 2011, un double CD de la collection Quintessence (Frémeaux et associés) présenté par Daniel Nevers et, last but not least, « Le souffle de la liberté », Nicolas Béniès, C&F éditions, 2014. Sans que, pour autant, son nom soit encore diffusé dans le public. Continuer la lecture

In Memorian BB King

Une annonce prévue pourtant brutale, à 90 ans – un bel âge – B.B. King nous a quittés. Lucille est veuve et une veuve qui doit falloir son pesant de dollars. Cette guitare qu’il avait été recherchée dans l’incendie d’un club du « Chittlin’ circuit » où il (et elle) se produisait, comme « sauvée des eaux », avait été sa fidèle compagne.
Il avait révolutionné le blues après le seconde guerre mondiale dans la foulée de ce blues électrique de Chicago de ces années là. Il s’était inspiré d’abord de T. Bone Walker – référence très perceptible dans ses premiers enregistrements – mais aussi de Charlie Christian, l’inventeur de la guitare électrique qu’il faisait jouer comme un instrument à vent, un météore du jazz et de… Django Reinhardt. une belle trilogie à n’en pas douter.
Reconnaissons que, vers la fin, les « gimmicks » – les trucs – et les tics l’emportaient largement sur sa capacité à renouveler sa musique.
Il me souvient d’un concert à Nîmes dans les années 1970 où il s’était produit avec son orchestre et son « crieur » – mais aussi trompettiste et chef d’orchestre -, un 14 juillet, concert qui avait bien commencé malgré les nuages qui s’amoncelaient. La première partie était dépouillée et répondait aux clichés d’une population peu au fait des évolutions du blues tandis que BB King était venu, comme il se doit avec son orchestre, comme Ray Charles – qui sera applaudi dans ce même lieu un peu plus tard dans le temps. Outrage : il faut hué et parti, ulcéré. Je l’ai revu ensuite bien sur. Mais ce concert m’est resté planté au cœur devant tant d’incompréhensions…
Nicolas BENIES

Ci après l’article que lui consacre Down Beat et l’annonce du festival de Detroit en même temps.

Extraits de Down Beat de juin 2015, annonce du festival de jazz de Detroit et la mort de BB King.

PS Les filles de B.B. prétendent qu’il a été assassiné… Affaire à suivre… (le 29 mai 2015)

Université populaire séminaire économie les 2 et 9 juin 2015

Bonjour,

Le mois de juin, comme chaque année, marque la fin du séminaire économie. Comme d’habitude aussi, je tenterai un bilan de cette année scolaire écoulée. Une année riche en changement. Le monde bascule, je l’ai souvent répété, et les destructions sont multiples. Ce mouvement inclus aussi des résistances. La mort des idéologies, celles du libéralisme en particulier, provoque une remontée des thèses keynésiennes. Sous l’apparente immobilité des politiques économiques se cachent d’énormes transformations.
D’abord sur le terrain des théories économiques. « L’imposture économique » de Steve Keen (éditions de l’Atelier pour la traduction française) est une mise à mort remarquable des théories néo-classiques – c’est leur nom officiel, le libéralisme est un terme de communication – sur lesquelles reposent les politiques économiques actuelles. Les États, les institutions internationales, les banques centrales semblent incapables de rompre avec ce carcan idéologique alors que tout démontre que cette représentation du monde est celle du passé, d’un passé qui ne reviendra plus. Il faudrait conseiller à tous ces dirigeants de lire ce livre toute affaire cessante pour se rendre compte de l’inanité de ces constructions reposant sur la croyance que les sociétés ne sont composées que d’individus et non pas de classes sociales et de groupes sociaux aux intérêts antagoniques. Les courbes de l’offre et de la demande ne correspondent à rien et n’expliquent pas l’accumulation du capital ni les règles du jeu capitalistes. Ces hypothèses sont dénuées de fondement. Elles ne trouvent leur origine dans la réalité. Elles se réduisent au champ de la micro économie et, même à ce niveau, n’expliquent aucun des comportements du capitaliste individuel.
Ces théories posent une question de méthode. Il est nécessaire pour comprendre le mode, de construire des abstractions mais ces abstractions ne doivent pas provenir du monde du ciel, des croyances, mais de la réalité de notre monde, de l’organisation de nos sociétés. Comme l’écrivait Marx, ces abstractions se doivent d’être des « abstractions réelles », correspondre aux mouvements de la société, à ses processus qu’ils soient économiques, sociaux, culturels. la validation de ces concepts s’effectue à la fois sur le terrain de la logique et sur celui historique, de la concordance avec la réalité.
Sur le terrain pratique maintenant, Le gouvernement grec comme « Podemos » en Espagne font la preuve qu’il est possible de proposer une politique alternative qui renoue – c’est le comble de l’ironie – avec une politique sociale démocrate telle qu’elle a pu être définie y compris par François Hollande lui-même lorsqu’il n’était que candidat. Il est paradoxal que le gouvernement français ne soutiennent pas les revendications de l’actuel gouvernement grec !
Au moment où la BCE veut s’affranchir du carcan des traités pour mener une politique monétaire qui s’affranchit des critères du traité de Maastricht, il est, là encore, paradoxal, que Mario Draghi réclame au gouvernement grec le respect de ces mêmes critères soit la poursuite de la politique d’austérité.
Le FMI, dont les économistes ont condamné la politique d’austérité drastique menée par les gouvernements du PASOK et de la droite et conseillée par le… FMI, Christine Lagarde, l’actuelle directrice du Fonds, demande des « efforts supplémentaires » pour accorder de nouveaux crédits à la Grèce. Entretemps, le gouvernement grec paie les intérêts de sa dette au… FMI.
L’Union Européenne est désormais menacée de tout côté. Schaüble, le ministre des finances allemand, exige presque le départ de la Grèce de la zone euro sans peser les risques que représenterait ce départ. La Grande-Bretagne de Cameron veut organiser un référendum sur le départ du Royaume-Uni de l’UE suivi peut-être par d’autres… Les « exit » se multiplient indiquant une crise profonde de la construction européenne.
La crise de l’euro est une des dimensions de la crise financière comme politique que nous vivons.
Pendant ce temps-là, le gouvernement français se gargarise d’un 0,6% de croissance alors que l’INSEE ne fait état que de chiffres provisoires avec une marge d’erreur de 0,3%. Le chiffre pourrait donc être soit 0,9% soit… 0,3%… Les cocoricos s’étrangleront dans certains gorges…
Allez le mieux c’est d’aller commémorer pour se servir d’un passé considéré comme glorieux pour orner le présent de guirlandes dépassées, vieillies à force d’avoir trop servies.
Au 2 juin.
Le 9, nous organiseront, comme d’habitude, une auberge espagnole…

Live in Paris, 1960

Un Roi à Paris, Olympia 1960

Entre deux « cassages » de l’Olympia – le premier en 1955 avec Sydney Bechet, les autres dans ces curieuses années 1960 où le « yé-yé » dominait – des concerts de jazz eurent lieu dans cette salle qui en garde encore des souvenirs aériens même si elle a été refaite. Bruno Coquatrix, directeur, la prêtait aux présentateurs de l’émission sur Europe 1, « Pour ceux qui aiment le jazz » à 18 heures et à minuit. Daniel Filipacchi et Franck Ténot se faisaient, pour l’occasion, organisateurs de concerts.
D’autres grands concerts de jazz eurent lieu dans cette salle. King Cole à Paris, avec le Quincy Jones B.B.Celui là se fit sous l’égide de Norman Granz qui, pour 3000 dollars – si les souvenirs de Michel Brillé, concepteur de cette collection « Live in Paris » avec Gilles Pétard, sont justes -, avait engagé Nat « King » Cole pour cette tournée européenne dans ces premiers mois de 1960. Souvenez-vous. Quincy Jones, après l’échec de « Free and Easy », une comédie musicale, était en rade, avec son orchestre à Paris – voir, dans cette même collection « Live in Paris », le double album consacré à Quincy et son orchestre – et en demandait qu’à trouver des engagements. Filipacchi en fournissait et… Norman Granz pour accompagner le « crooner » King Cole. Bien sur, l’orchestre eut droit à une première partie mais la vedette, le roi de cette fête c’était Cole. Continuer la lecture

Saul Bellow (suite)

L’américanité existe, Bellow l’a construite.

Saul Bellow quarto (2)Saul – diminutif de Salomon – Bellow (1915-2005), fils d’immigrés juifs russes de Saint-Pétersbourg parlant Yiddish installés d’abord au Québec puis à Chicago, deviendra, par la force de sa volonté, un écrivain américain cultivant son « américanité », sa spécificité. Comme James Joyce, il forgera un vocabulaire spécifique et une manière d’écrire.
Il lui faudra attendre son troisième roman, « Les aventures d’Augie March » pour faire cette entrée fracassante en littérature. Une accumulation de détails, de mots, une luxuriance d’images dont le socle repose sur une critique sociale, celle du capitalisme triomphant qui rogne les ailes de la créativité et oblige à franchir toutes les limites surtout celles que la société considère comme le « bon goût ». Continuer la lecture

Retour de Jazz Sous les Pommiers (Coutances, mai 2015)

Un pharaon (avec un petit p et au petit pied) sénile et décadent ?

Ce devait être la fête. Coutances, petite ville de la Manche mais dotée d’une immense Cathédrale – où il fait froid, les spectateur(e)s en témoignent – et d’un festival non moins immense, médaille de bronze des festivals de jazz en France, accueillaient l’une des dernières grandes légendes du jazz, avec Sonny Rollins, Ornette Coleman, Pharoah Sanders. Compagnon de John Coltrane, ce natif de Little Rock, âgé aujourd’hui de 75 ans, avait commencé sa carrière dans les orchestres de Rhythm & Blues pour s’engager dans l’Arkhestra de Sun Ra. C’est là, à Chicago, qu’il avait reçu du chef de cette secte son surnom, « Pharoah ». Il terminera dans les bras de Coltrane, groupe dans lequel il jouera le rôle de trublion, d’empêcheur de swinguer en rond pour forcer le leader à aller, encore et toujours, plus loin. Continuer la lecture

JAZZ Trombone (allemand)

Trombone, il t’aime.

Einem.ArtMax Von Einem, 28 ans, tromboniste résidant actuellement à Cologne (Allemagne) a participé à tos les big bands que compte son pays. Pour y faire ses classes et déclarer son amour pour cet instrument étrange qui, en Allemagne, a connu des développements inédits via notamment Albert Mangelsdorff. Einem ne renie pas cette filiation.
Pour cet album, « Lamara », il a constitué un quartet pour mettre en valeur le trombone. Un pari difficile. Il faut faire preuve d’idées, de virtuosité pour éviter de lasser l’attention. Il multiplie pour ce faire les ambiances, les références aux musiques. Il affirme que le « jazz n’est pas old fashioned », dépassé et il faut le répéter. Le jazz reste une des musiques fondamentales de notre temps même si, actuellement, il a du mal à s’outrepasser. Il l’avait toujours fait dans le passé. Depuis les années 1980, il subit une sorte de coup d’arrêt à son expansion. Une sorte de stagnation bien en phase avec la croissance zéro… Continuer la lecture

JAZZ, Diego Imbert

Couleurs du temps.

Diego Imbert fait partie de ces compositeurs tentés par d’autres cieux, d’autres métriques. Contrebassiste, il multiplie les pièges pour le batteur, en l’occurrence Franck Agulhon qui sait les entourer pour qu’ils ne se referment pas sur lui. Les références au blues des premiers titres sont à relier avec l’héritage de Ornette Coleman et sa manière de dire au revoir au blues pour mieux y faire référence et lui donner une nouvelle vie. Il ne craint pas, sur « Purple drive » une métrique à 7 temps. Pour en saisir la difficulté, il faut aller voir le film « Whiplash ». Par un filmage superbe, Damien Chazelle montre ce jeune batteur aux prises avec la mise en place des métriques singulières. Rien d’évident.
Pour son quartet, sans piano décidément à la mode ces temps-ci, il a associé les sonorités du saxophone ténor de David El-Malek et du bugle de Alex Tassel pour construire des couleurs musicales qui passent pour l’arc-en-ciel des métriques. Du 7 au 2 en passant par le 4 qui tient en trois tout en sauvegardant le rythme de la valse sous forme d’ombre chinoise.
Un album réussi qui tient son titre « Colors », des musiques qui savent construire des univers. J’ai juste un regret. L’absence de mordant, de colère, de révolte pour obliger notre monde à avouer son impuissance à susciter de la fraternité. Malgré tout, il faut reconnaître qu’on s’y trouve bien dans ces compositions mais l’appel aux maîtres du free jazz devrait aussi se traduire par un peu de « sale », de dirty.
Nicolas Béniès.
« Colors », Diego Imbert quartet, Such distribué par Harmonia Mundi.
Le quartet sera en concert au New Morning pour le lacement de l’album le 21 mai à 20h30