Ray Charles vivant.

Antibes Les 18, 19, 21 et 22 juillet 1961

Le « Genius » – ainsi dénommé aux Etats-Unis – était déjà connu, en cette année 1961, des passionné-es de jazz via l’émission de Franck Ténot et Daniel Filipacchi « Pour ceux qui aiment le jazz » et même de « Salut les Copains » – les deux émissions phares de Europe N°1. Les albums Atlantic de Ray Charles envahissaient les « surprises-parties », des albums enregistrés en 1958-1959. En 1961, comme le rappelle Joël Dufour dans les notes introductives, Ray Charles était parti à la conquête du public blanc via le label ABC et une tonne de violons. Avec un sens du contexte, il livrera au public français de Juan-les-Pins des prestations, des performances marquées du sceau du hard bop – on oublie souvent que l’orchestre de Ray est un orchestre de jazz – et du soul avec des Raelets, dont la soliste Margie Hendrix, au mieux de leur forme.
Même si les enregistrements, réunis de manière complète pour la première fois, ne sont pas tous d’une qualité technique haut de gamme, retrouver le chanteur, pianiste, chef d’orchestre entouré des solistes comme Phil Guilbeau ou Joe Hunt à la trompette (aussi au flugelhorn), Hank Crawford au saxophone alto (arrangeur et directeur musical tout autant) comme, bien sur, la vedette incontestée de l’orchestre, le saxophoniste ténor/flûtiste David « Fathead » Newman. Chaque set, ici chaque CD de ce coffret de 4, commence par des thèmes de jazz comme Ray Charles le fait aux Etats-Unis à Atlanta – pour citer ce 25 cm à l’époque publié par Atlantic – ou à Newport permettant à chacun de prendre la lumière.
L’intérêt du coffret est donc de livrer l’intégralité des performances réalisées ces quatre jours de juillet, même si la répétition des thèmes, de leur enchaînement lassent un peu si vous vous décidez à les écouter à la suite mais l’étincelle est toujours là tapie dans la voix, dans le piano de Ray. L’intégrale est nécessaire pour rendre compte de la sensation produite par chacun des concerts. Pour avoir vu Ray Charles à Nîmes par exemple – ainsi qu’à Marciac pour une de ses dernières prestations – le miracle se produisait à chaque fois. Il suffisait qu’il paraisse et tout était transformé.
Le deuxième cadeau tient dans les « Bonus », des sessions d’autres musiciens auxquels Ray a participé permettant aussi d’entendre des artistes un peu oubliés comme Tommy Ridgley ou Guitar Slim, de remettre les pendules des discographies à l’heure par l’intermédiaire de cette session conduite par Joe Williams – la présence de Ray au piano a été contestée – et, plus encore les performances de la chanteuse Lulu Reed (avec l’orchestre de Ray Charles) dans la lignée de Dinah Washington.
Ray Charles apparaît ici dans toute sa plénitude, la réponse du public est à la hauteur de la musique proposée, mélange de jazz, de blues et de soul. Un grand moment que ce coffret permet de faire revivre encore et toujours.
Nicolas Béniès.
« Antibes 1961, Ray Charles », présenté par Joël Dufour, coffret de 4 CD, Frémeaux et associés