Luttes féministes

BD
« Ne nous libérez pas, on s’en charge »

« La belle de mai » ne fait pas référence à mai 68, mais à la grève des cigarettières de la manufacture des tabacs, dépendante de l’État, à Marseille en 1887. Une lutte ouvrière et féministe, les revendications sont explicites. Le dessin, signé Élodie Durand, suit, dans le mouvement des corps, la prise de conscience collective dans le combat ainsi que la fierté d’être debout, de sortir de invisibilité pour être autre chose qu’une marchandise ou une épouse. L’histoire d’amour, enveloppée dans la fumée continuelle des cigarettes, sorte d’halo nécessaire pour dire que le travail suit pas à pas chacune de ces ouvrières au-delà de l’usine.
Une grève victorieuse, pour cette raison peut-être, oubliée. Mathilde Ramadier, pour le texte, met en scène cette « Fabrique de révolutions », sous titre de la saga. Émerge le parfum de fête qui va de pair avec la découverte du collectif, le moment où le « nous » remplace le « je » pour créer un autre monde. Le slogan « Ne nous libérez pas, on s’en charge » de ces combattantes résume bien la nécessité du féminisme.
Nicolas Béniès
« La belle de mai. Fabrique de révolutions », Mathilde Ramadier et Elodie Durand, Futuropolis

Féminismes, Madeleine Pelletier, Dulcie September

Redécouvrir Madeleine Pelletier

Christine Bard, spécialiste de l’histoire des féminismes, présente les « Mémoires d’une féministe intégrale », comme aimait se présenter Madeleine Pelletier (1874-1939), première femme médecin aux asiles d’aliénés. Socialiste puis communiste, elle rejoint l’extrême-gauche et la franc maçonnerie pour, partout, mener le combat féministe qui passe, pour elle, par la « virilisation des femmes ». Ses mémoires, éparses, dépendantes du temps qu’elle peut soustraire, permettent de retracer un parcours. Pour ne pas oublier Madeleine Pelletier.
« Mémoires d’une féministe intégrale », Madeleine Pelletier, Edition critique de C. Bard, Folio.
Continuer la lecture

Des cadeaux, encore pour soi, pour d’autres, pour le don et son plaisir

Noël, une histoire de dingues », Mark Forsyth (traduit par Thierry Beauchamp, aux éditions du Sonneur), donne le la des fêtes et des commémorations diverses. La naissance de l’enfant Jésus le 25 décembre est un long processus qui s’appuie plus sur les évangiles officieuses que les officielles. Il faut participer de cette élaboration des « fêtes » pour rire des présentations de ce qui est aujourd’hui considérées comme des dogmes qu’il est impossible de contester. L’auteur, érudit, fait partager sa contestation des réalités, résultat souvent d’un enchevêtrement de strates civilisationnelles occultées pour figer le temps. Une leçon d’histoire des mythes, de leur maturation mais aussi des erreurs d’interprétation qui fait de Coca Cola, par exemple, dans sa campagne de pub de 1929, le créateur du costume du Père Noël.
Des histoires à partager en famille et pour briller dans les diner de fêtes ou non. Pour rire et apprendre.
Une bonne introduction à cette époque de cadeaux à ne pas hésiter à (se) faire. Continuer la lecture

Jazz et BD : Django avant Django

Pour Django

Connaître la biographie de Django Reinhardt est difficile. Patrick Williams, spécialiste de Django, en a souvent fait l’aveu. Parler des morts est considéré comme tabou par les Tsiganes. Surtout son enfance et son adolescence dans cette zone à la limite de Paris dans les années 1910 – année de sa naissance – 1920. La fulgurance de son jeu de guitare, à partir des années 1930 après l’incendie de sa roulotte et sa rééducation, lui a fait une place à part dans les mondes du jazz où il figure comme un des grands génies de cette musique. Le quintet du Hot Club de France, à partir du début des années 1930, formation qui tient de sa rencontre avec Stéphane Grappelli, crée le « jazz manouche » de toutes pièces.
Renseigner, documenter les premiers temps de sa vie ne peut se faire qu’en recréant le contexte de Paris et des Manouches, de leurs errances comme de leur installation dans la « zone », des terrains vagues près de la Porte de Choisy. Pénétrés de la musique de Django – « J’éveille » chez les Roms et Baptiste tenait beaucoup à son surnom -, Salva Rubio, historien et scénariste, et Ricard Efa, pour le dessin, ont associé leur talent pour livrer « Django Main de feu », un essai sur le jeune Django, soit Django avant Django. Continuer la lecture

Les mémoires et leur dépassement

Comment vivre ensemble ?

La couverture est déjà tout un programme. Se trouve représentée une photo de groupe, trois personnages de « Ceux qui construisent des ponts », de ceux qui ne s’enferment pas dans les préjugés, dans la rancœur, dans le passé des affrontements. Alphonso Zapico, l’auteur – reconnu comme l’un des chefs de file de la BD – ne craint pas de se transformer en personnage caricaturé aux côtés des deux protagonistes principaux de ce récit Firmin Muguruza et Edu Madina, deux amis de l’auteur qu’il a fait se rencontrer. A travers leurs parcours, celui de trois générations, c’est toute l’histoire des luttes au Pays Basque qui se met en scène. Un travail de mémoire qui sert de fil conducteur à toutes ces rencontres. Sans oublier le boire et le manger. Continuer la lecture