La batterie comme le miroir d’une vie
Alain Gerber, romancier et, surtout, passionné de jazz, une musique qui l’a fait écrire encore et encore pour rêver les biographies, pour faire naître de chaque rencontre de disques la poésie nécessaire. Critique de jazz il fut et demeure pour alimenter les découvertes de musiciennes, musiciens jamais dépassé.e.s qui, toujours, nous rattrapent.
Il est aussi batteur toujours amateur, toujours en apprentissage. « Deux petits bouts de bois », sous titrée pour approfondir le mystère « Une autobiographie de la batterie de jazz » tient le pari de dessiner le parcours de l’auteur tout en parlant apparemment – l’apparence fait partie de la définition de soi et dans le regard des autres – de la rencontre difficile avec cet instrument créé par le jazz et pour le jazz qui ne se laisse pas dompter facilement et qui demande l’éternité pour réaliser le tour de force de l’autonomie des quatre membres.
Il en profite aussi pour nous balader dans ce Paris étrange aux yeux des contemporains du 21e siècle, ouvert à toutes les cultures , traversé de clubs de jazz, de concerts à la Maison de la radio ou dans des lieux bizarres où le jazz avait acquis le droit de cité. le champ des possibles apparaissait sans limite. Créer, se créer étaient l’essentiel dans l’immédiat avant et bien sur après mai 68. Son histoire rejoint celle de toutes une génération éprise de liberté, de découvertes pour alimenter la connaissance. Paris, capitale du jazz et même du free-jazz était une fête permanente.La raconter est de l’ordre de l’impossible.
Alain Gerber prend des biais. Comme tout batteur, il dénombre les baguettes différentes qu’il a achetées quelque fois sans les utiliser, reprenant des baguettes dépassées par on ne sait quelle évolution technologie, le choix de la caisse claire, des toms tout en évoquant les batteurs de notre temps, ces maîtres des horloges capable de triturer les durées pour transformer notre environnement.
Un art subtil de la digression pour réalise une autobiographie qui n’en est pas une tout en l’étant tellement pour en dire beaucoup sur l’homme et sa manière d’écrire.
Il fallait bien pour parler de soi, parler d’une chose que l’on croit inanimée mais, comme disait le poète, qui a une âme pour se situer, pour en tirer quelques éléments clés d’une vie en l’illustrant par le parcours de quelques grands batteurs. Il ne faut pas s’y tromper, Alain Gerbert ne fait pas ici l’histoire ni de la batterie ni des batteurs mais de la lutte à mener pour arriver à créer son propre monde.
Je ne sais s’il y arrive vraiment. La tentative, elle, emporte l’adhésion. Et le jazz en sort grandi, vainqueur toute catégorie confondue.
Nicolas Béniès
« Deux petits bouts de bois », Alain Gerber, Frémeaux et associés.