Lorsque les espoirs disparaissent, il reste l’espérance

Pour alimenter notre réflexion sur notre passé, notre présent et, peut-être notre futur. De la fête d’indépendance en Algérie – 1962 – aux printemps arabes aux déceptions politiques et philosophiques. Continuer la lecture

Des Essais pour les fêtes mais pas seulement…

Quelques parutions pour remettre en perspective notre quotidien difficile. Pour ne pas rester uniquement centré sur sa personne, sa famille, pour écouter, comprendre les bruits du monde. Si Dieu, suivant l’Ancien testament, s’est reposé le septième jour c’est pour entendre le murmure du monde. S’arrêter, prendre le temps est une nécessité vitale pour éviter de s’enliser dans la routine. La lecture est un moyen d’évasion et de réflexion, une manière de prendre de la distance. Continuer la lecture

Des clés pour lir le cinéma de Clint Eastwood

Cinéma en livre,
Une autre manière de voir les films.

Consacrer un Repères à « Clint Eastwood » peut sembler une étrange tentative d’aborder l’art du cinéma. Jean-Louis Fabiani réussit la gageure en interrogeant la critique des œuvres du cinéaste pour cerner la « persona », le personnage qu’il interprète, et ce qu’il dit du contexte social et politique. Curieusement, ce ne sont pas les idées politiques de Eastwood – il est libertarien donc contre l’État et pour l’initiative individuelle – qui jouent un rôle mais la « persona ». L’inspecteur Harry, vu de cette manière, est un personnage ambigu qui reflète le contexte des États-Unis, le rapport aux armes, à la violence, à la place de l’individu. Fabiani, en épluchant cette critique surtout américaine, permet de saisir les représentations, les figures qui structurent la société américaine. Jerome Charyn l’avait déjà mis en lumière dans « Movieland » (1990) cette importance du cinéma dans la culture des États-Unis, qui possède une tradition plus orale que la française.
Que vous aimiez ou non Clint Eastwood, l’auteur invite à penser le cinéma qui synthétise, dit-il, toutes les contradictions de la culture contemporaine. Il ne craint pas, sur cette lancée, une comparaison des films tournés par l’acteur/metteur en scène/producteur et la nouvelle vague.
NB
« Clint Eastwood », Jean-Louis Fabiani, Repères/La Découverte.

Le capitalisme a un avenir mais est-il éternel pour autant ?

Comment lire le capitalisme et son avenir ?

Branco Milanovic a conçu la « courbe de l’éléphant » – titre son livre précédent, aux éditions de La Découverte – pour faire voir à la fois la montée des inégalités entre les pays et à l’intérieur des pays tout en laissant percevoir les résultats de la croissance des pays asiatiques qui a permis, un temps, la sortie de la pauvreté d’une partie de la population. Une nouvelle classe moyenne était en train de naître dans les pays de la périphérie, à commencer par la Chine.
« Le capitalisme sans rival » est, d’abord la prise en compte de l’entrée dans le 21e siècle qui se signifie par la chute du Mur de Berlin en novembre 1989. A partir de cette date fondatrice, le monde ne connaît plus qu’un mode de production – pour parler comme Marx -, le capitalisme.
L’auteur se réfère à la fois à Marx et à Max Weber pour appréhender la dynamique du capital, en se servant des concepts qu’ils ont forgés sans craindre quelques incohérences dues à des champs théoriques différents. Il se sauve par l’objet même de son travail les raisons des inégalités. Continuer la lecture

La France telle qu’elle ne va pas

une analyse du macronisme
Dans « La guerre sociale en France », Romaric Godin propose une analyse à la fois de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et de l’offensive néolibérale pour imposer la déstructuration du « modèle social » français qui a résisté, grâce aux mobilisations sociales, jusqu’en 2008. L’entrée dans la crise systémique a changé la donne. Les deux lois travail, la contre réforme de la sécurité sociale, particulièrement du régime de retraite, montre la stratégie qui se met en place. Le sous titre en forme d’oxymore dit toute la problématique : « Aux sources économiques de la démocratie autoritaire »…
Un premier livre pour ce journaliste à Médiapart qui fait preuve de beaucoup d’optimisme quant aux capacités de résilience des populations. Il n’est que de constater l’absence de réactions face aux remises en cause systématique du gouvernement des plus élémentaires libertés démocratiques dont celle de manifester. La mobilisation des « Gilets jaunes » à la fois vient au secours de la thèse de l’auteur et font la preuve de la confusion idéologique liée à la progression du néolibéralisme dans les esprits et de l’absence d’alternative, de projet de société.
« La guerre sociale en France », Romaric Godin, La Découverte

« Les prophètes du mensonge », une étude publiée en 1949, en écho avec notre actualité

Une analyse du discours fasciste

Léo Löwenthal et Norbert Guterman ont joué un rôle essentiel dans l’élaboration théorique attribuée à la pensée critique de l’Ecole de Francfort transférée aux Etats-Unis au milieu des années 1930. En compagnie de Theodor Adorno et de Max Horkheimer principalement, ils s’essaient à construire à la fois des concepts pour appréhender la réalité du capitalisme et de ses formes culturelles comme les représentations psychosociologiques. Marx et Freud – particulièrement celui de « Malaise dans la civilisation » – sont sollicités pour construire un système éducatif qui permette d’éclairer les citoyennes et citoyens sur la réalité du discours démagogique qui s’appuie sur les préjugés surnageant à la surface du cerveau (Freud dixit). Paradoxalement, les préjugés survivent aux changements des modes de production, des systèmes. Les religions en sont un des vecteurs.
Le titre résonne. « Les prophètes du mensonge » évoque irrésistiblement Donald Trump, un des grands spécialistes des « fake news » et son utilisation des émotions pour faire passer son discours mensonger. Il n’est pas le seul. L’extrême droite sait aussi utiliser le langage codé, celui de l’antisémitisme comme celui du racisme. Sous titré : « Étude sur l’agitation fasciste aux Etats-Unis », les auteurs parlent du langage en Morse de l’agitateur fasciste. Il repose d’abord sur la constatation du malaise social et un monde hostile dans lequel agit un impitoyable ennemi… dont les faiblesses le rendent impuissant et qui est représenté par un archétype, le Juif ou l’Arabe.
Cet agitateur est un révélateur. Des crises du capitalisme – sans la référence au capitalisme écrit Horkheimer, il est impossible de comprendre le fascisme – comme de la menace latente qui pèse sur la démocratie.
Une étude qui pourrait servir de socle pour un renouveau des analyses d’un capitalisme vieillissant, d’une forme de capitalisme dépassée qui ne possède plus d’idéologie. l’absence de vision du monde des cercles dirigeants – gouvernement comme institutions internationales – conduit à une crise de civilisation qui passe par l’absence de légitimité des constructions passées, États comme construction supranationale. La crise de la démocratie fait le lit de tous les fascismes qui semblent répondre via des boucs émissaires, aux crises notamment politiques en proposant des formes dictatoriales. Les destructurations de la société, les reculs des droits, sociaux, collectifs minent la crédibilité des gouvernants qui se tournent vers le répressif pour conserver leur pouvoir préparant ainsi des lendemains qui déchantent.
Nicolas Béniès
« Les prophètes du mensonge. Étude sur l’agitation fasciste aux Etats-Unis », Leo Löwenthal et Norbert Guterman, traduit par Vincent Platini et Emile Martini, présentation d’Olivier Voirol, préfaces de Max Horkheimer (1949) et de Herbert Marcuse (1969), La Découverte.

Les faces cachées du discours sécuritaire.
La démagogie prend, dans notre monde moderne, un tour technologique. Élodie Lemaire dans « L’œil sécuritaire, mythes et réalités de la vidéo surveillance » a mené l’enquête sur le discours sécuritaire qui fait de la caméra le moyen de sécuriser l’ensemble des populations en prévenant le crime ou le délit. Elle a interrogé les utilisateurs de cet outil, soit comme partie prenante de cet œil soit comme consommateurs – pour le plus grand profit des sociétés privées – pour conclure sur les limites technologiques en mettant en lumière une « vision du monde » qui privilégie la protection sécuritaire au lieu des protections sociales pour construire une forme répressive de l’Etat qui vient prendre la place de la forme sociale. Sans compter qu’elle dessine une typologie des classes dangereuses, en l’occurrence les classes populaires des banlieues avec son lot de racisme. Le danger est là plus que dans « Big Brother ».
N.B.
« L’œil sécuritaire », Élodie Lemaire, La Découverte.

Le processus de l’émancipation

Comment « faire » de l’Histoire ?

Riot SarceyMichèle Riot-Sarcey s’est lancée dans une vaste entreprise. Redonner vie à des concepts oubliés, la fraternité, la liberté via une méthode historique qui vient de Walter Benjamin et des concepts élaborés par Michel Foucault pour redonner vie aux « vaincus », aux oubliés. La fabrique de l’Histoire offre un récit « en continu », sans ruptures. Surtout sans révolution. la révolution française de 1789 marque l’entrée dans un nouvel ordre du monde. Désormais la légitimité vient du peuple et non pas de Dieu. La Nation apparaît avec son cortège de réécriture de l’Histoire pour la faire remonter à l’époque féodale. La monarchie n’a pas besoin du concept de Nation. Le Roi est l’oint de Dieu. La force de l’Église vient de ce rapport direct avec Dieu et par-là même avec le pape. Comme 1848, une révolution à l’échelle de l’Europe qui pouvait emporter la bourgeoisie notamment en Allemagne. « Le manifeste du Parti Communiste » de Marx et Engels est écrit dan ce contexte de rupture. « Un spectre hante le monde, la communisme » avaient-ils prévenu dans un bel élan. 1848 n’a pas vraiment été analysé et Riot-Sarcey en fait un des moments du processus de libération et d’émancipation. Celle de 1871 ira plus loin encore.
« Le procès de la liberté » se veut « une histoire souterraine du 19e siècle en France », une histoire forcément tourmentée dont le « héros est l’ouvrier », pour citer Benjamin et qui n’est pas déterminée. Elle veut mettre au jour le processus qui conduit à cette aspiration de la liberté et de la démocratie. Les vainqueurs, la bourgeoisie, ne sont pas les seuls à avoir construit l’environnement économique, social, politique. Les masses en mouvement ont fortement contribué à cet édifice. Elles ont empêché le capitalisme de suivre sa pente en la descendant. Le passé est trop souvent décomposé et recomposé pour les besoins idéologiques du présent, pour donner un sens à cette histoire « pleine de bruits et de fureurs menée par un imbécile » pour citer Shakespeare.
Le champ des possibles est très étendu. Le déterminisme est une invention de l’empirisme. Les « vaincus » de la guerre de classe orientent les sorties, la forme du capitalisme. La liberté est grande. C’est la grande leçon de ce livre.
Nicolas Béniès.
« Le procès de la liberté, une histoire souterraine du 19e siècle en France », Michèle Riot-Sarcey, La Découverte. Paris, 2016, 355 p.