Des Essais pour les fêtes mais pas seulement…

Quelques parutions pour remettre en perspective notre quotidien difficile. Pour ne pas rester uniquement centré sur sa personne, sa famille, pour écouter, comprendre les bruits du monde. Si Dieu, suivant l’Ancien testament, s’est reposé le septième jour c’est pour entendre le murmure du monde. S’arrêter, prendre le temps est une nécessité vitale pour éviter de s’enliser dans la routine. La lecture est un moyen d’évasion et de réflexion, une manière de prendre de la distance.

« D’ici et d’ailleurs, Histoires globales de la France contemporaine », sous la direction de Quentin Deluermoz, La Découverte.
La pandémie a révélé une des grandes tendances du fonctionnement de nos sociétés : l’interdépendance des pays et pas seulement du fait de l’hypermondialisation qui sévit depuis au moins 20 ans mais par les liens qui enserrent les différents pays dans une histoire commune sans être unique. Le « roman national » est une vérité construite par le 19e siècle qu’il faut combattre pour laisser place à un récit, un passé qui permet d’appréhender l’avenir. Les « Histoires globales » du collectif d’historiens et d’historiennes inscrivent l’histoire de France dans le contexte des époques et des autres pays. Surgissent d’autres éclairages, d’autres interactions pour susciter l’imagination. Iels appliquent ce principe à la formation de l’État-nation en France. Provocateur, stimulant et politique pour construire un récit d’avenir capable de cimenter les générations pour construire un autre monde.

« La main à plume… Anthologie du surréalisme sous l’Occupation », Établie par Anne Vernay et Richard Walter, Éditions Syllepse
« La main à plume » est le nom d’une plaquette réalisée par des tenants du surréalisme de 1941 à 1944, des textes ignorés qui se veulent à côté tout en proposant des réflexions dans le domaine artistique. La poésie tient une grande place pour échapper à ce temps barbare.Des jeunes gens qui veulent faire vivre le patrimoine forgé notamment par André Breton alors exilé aux États-Unis. Il est temps de redécouvrir ce patrimpoine laissé en jachère. Publications, émissions de radio – Radio Paris diffusait des émissions de jazz et pas seulement de la propagande, comme Radio Vichy – ont été longtemps ignorées. Elles ont pourtant influencées les créateurs de l’après seconde guerre mondiale. Ainsi Noël Arnaud dernier rédacteur en chef de la revue qu’il sabordera en 1944 au vu des divergences dans le groupe, sera le biographe de Boris Vian, ce dernier appartenant à la tribu des « zazous ». Une filiation souterraine entre l’écriture vianesque et les contributeurs de « La main à plume ». L’Occupation a tardivement intéressé les historiens. Une partie du patrimoine s’est trouvé fructifié dans le secret. Pour retrouver des filiations de l’histoire culturelle.

« L’asile et l’exil. Une histoire de la distinction réfugiés/migrants », Karen Akoka, La Découverte.
L’autrice a longtemps travaillé au HCR, Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, poste d’observation privilégié pour observer les conséquences de la distinction, uniquement métaphysique entre réfugié, une notion valorisante, et migrants, le reste qu’il faut souvent rejeter sauf en cas de besoin de main d’œuvre. Elle relate l’histoire de cette distinction en faisant le constat du pouvoir quasi absolu de l’État de chaque nation à l’égard des personnes étrangères. Elle propose une sociohistoire parle bas, à hauteur d’être humain. L’intérêt de cette analyse tient dans les explications des comportements gouvernementaux s’abritant derrière cette distinction onusienne pour rejeter une grande partie des étrangers considérés comme des coupables en puissance. Elle se penche sur l’histoire de la distinction pour ouvrir de nouveaux champs à la réflexion. Et comprendre l’utilisation politicienne du droit d’asile…

« Le choix de l’Afrique, les combats d’une pionnière de l’histoire africaine », Catherine Coquery-Vidrovitch, La Découverte
Le titre dit tout sauf l’essentiel. L’essai autobiographique est aussi une manière d’aborder un continent soumis au colonialisme et d’une histoire principalement orale qui a longtemps rebuté les historien.ne.s européens habitué.e.s aux documents écrits. D’une écriture agréable, elle dénonce des scandales. Les prolégomènes d’une histoire du continent, de ses cultures souvent ignorées pourtant à l’origine de toutes les dites musiques du monde. Un continent qui a connu les effets non seulement du colonialisme qui a cherché à écraser toutes les mémoires autochtones mais aussi de la survivance barbare de esclavage sur le sol américain. un grand récit contemporain.
Nicolas Béniès