De la Corée à l’Afrique du Sud morceaux d’histoire

Polar coréen

Mettre en scène dans un costume de Sherlock Holmes – le fameux trench-coat – quatre femmes d’âge divers, mères de famille, dont une fille mère, dans un quartier de Séoul, avec, comme quartier général la supérette Gwangseon tenue par l’une d’elles est une gageure. Ce n’est pas la seule. Faire rire, sourire des références des romans policiers britanniques – Conan Doyle, Agatha Christie en particulier – tout en menant une enquête policière sur un tueur de femmes est l’autre pari tenu par Jeon Gunwoo. « La section des enquêtrices mères au foyer » comme elles se nomment fait preuve d’un sens de l’observation et de déduction tout en accumulant les gaffes et les erreurs. Continuer la lecture

Des nouvelles de Nesbo et la suite des aventures d’espion vues par Semenov

Des histoires au coin du feu
Le temps de cet automne ne dit rien sur l’hiver qui vient. Une saison propice aux contes, aux histoires qu’on se raconte pour se rapprocher d’un feu qui s’éteint. « De la jalousie », de Jo Nesbo, fait partie de cette panoplie. Des nouvelles qui se veulent révélatrices de notre monde, de nos comportements assez semblables finalement malgré les frontières. Continuer la lecture

Polar De Naples à nulle part et partout en passant par Chicago lieu d’exil des Japonais-Américains


Visions de morts et d’amour

Retrouver le commissaire Ricciardi et Naples qui s’apprête à fêter les 10 ans de la marche sur Rome et l’arrivée au pouvoir du Duce, de Mussolini – le 29 octobre 1922 – est un plaisir presque coupable. Le polar se fait poésie pour conter l’amour qui traverse les océans sous la forme d’un boxeur célèbre et célébré, d’un crime crapuleux au nom d’un amour égaré dans les plis de la folie et du commissaire lui-même incapable de répondre à l’être aimée, secoué par les souvenirs de sa mère et de sa propre maladie, héréditaire comme il se doit. Continuer la lecture

Polar : Un nouvel Arlidge

Une adolescence à Southampton

M.J. Arlidge en une série qui met en scène Helen Grace, cheffe d’une escouade de la police de Southampton. La solidarité de son équipe a été mise à mal. Helen a été accusée à tort et sort juste de 9 mois de prison. Les traces sont sensibles. Faisant office de commissaire, elle est confrontée à une série de meurtres apparemment sans lien entre eux.
L’enquête se transforme vite en un portrait d’adolescentes en butte, à cause de son père alcoolique, au harcèlement de ses camarades. C’est aussi une immersion dans cette classe moyenne déclassée qui ne sait plus quelle est sa place dans cette société fortement marquée par les effets des politiques néo libérales, de baisse des dépenses sociale.
« A la folie, pas du tout » – le titre original « Love me not » est plus explicite – fait exploser les secrets de famille qui semble toucher toutes les familles, celle d’Helen ne fait pas exception. Une découpe au scalpel de cette société totalement bouleversée par les coups de massue de Thatcher d’abord et des gouvernements qui ont suivi. Continuer la lecture

Polar very british

Une adolescence à Southampton

M.J. Arlidge en une série qui met en scène Helen Grace, cheffe d’une escouade de la police de Southampton. La solidarité de son équipe a été mise à mal. Helen a été accusée à tort et sort juste de 9 mois de prison. Les traces sont sensibles. Faisant office de commissaire, elle est confrontée à une série de meurtres apparemment sans lien entre eux.
L’enquête se transforme vite en un portrait d’adolescentes en butte, à cause de son père alcoolique, au harcèlement de ses camarades. C’est aussi une immersion dans cette classe moyenne déclassée qui ne sait plus quelle est sa place dans cette société fortement marquée par les effets des politiques néo libérales, de baisse des dépenses sociale.
« A la folie, pas du tout » – le titre original « Love me not » est plus explicite – fait exploser les secrets de famille qui semble toucher toutes les familles, celle d’Helen ne fait pas exception. Une découpe au scalpel de cette société totalement bouleversée par les coups de massue de Thatcher d’abord et des gouvernements qui ont suivi.
La paranoïa tient sa place comme la vengeance – même si les cibles ne sont pas les bonnes – qui provoquent le besoin de reconnaissance. « Aimez-moi » sinon « suppliez-moi » pourrait raisonner le fonctionnement de la société.
Des personnages attachants qui évitent tout manichéisme.
Nicolas Béniès
« A la folie, pas du tout », M.J. Arlidge, traduit par Séverine Quelet, 10/18

Un curieux polar en forme de documentaire

Le tour de France vu par un auteur mexicain
« Mort contre la montre » permet de s’insinuer dans les coulisses d’une compétition vedette du cyslisme mondial, le tour de France, un calvaire, un chemin de croix pour tous les coureurs des leaders jusqu’au dernier du peloton. Jorge Zepeda Patterson met en scène un franco-colombien né à Medellin, d’un père militaire français et d’une mère colombienne – Marc Moreau – qui trouve son salut dans le cyclisme en devenant « gregario », celui qui se sacrifie pour faire gagner le leader. L’éternel oublié, celui qui ne portera jamais le maillot jaune.
Pour ce tour des incidents se multiplient : chute massive du peloton mais surtout des assassinats. Qui veut détruire les équipes adverses pour gagner ? L’ex caporal Moreau est sollicité, par la police, pour mener l’enquête. A chaque étape, à partir de la septième, il fait le compte des suspects et du classement général, manière de maintenir l’intérêt et suivre la routine des coureurs, massage, repose, entraînement, fatigue et volonté de poursuivre.
L’astuce de l’auteur, est de transformer le cycliste en une marchandise manipulée dans tous les sens et par tout le personnel du tour. La fin est une manière de faire résonner la seule chose qui compte : gagner et gagner à tout prix. Personne ne peut en sortir indemne. La camaraderie existe, la solidarité aussi qui volent en éclat devant le trophée, le Graal, le maillot jaune. L’apparence d’une ode au sport se transforme en critique du sport de compétition par une simple phrase dans l’épilogue. En même temps, il rend hommage aux soutiers, à ceux qui représentent l’âme de ce tour de France, à leur rage, à leur colère, à leur envie de poser le pied sur le podium.
Nicolas Béniès
« Mort contre la montre », Jorge Zepeda Patterson, traduit par Claude Bleton, Babel Noir/Actes Sud

Histoire et culture des États-Unis.

Une nouvelle biographie de Miles Davis et ce n’est jamais trop. Miles a vécu dans sa chair le racisme et ses conséquences. Adulé à Paris, il ne perce pas à New York et se drogue. Le drame des musicien.ne.s de jazz – un terme contesté aux États-Unis mais valorisant en Europe, comme il le notait lui-même. Il s’agir de Great Black Music bien entendu.
Jerome Charyn pense qu’il était temps, pour terminer ses aventures, d’installer Isaac Sidel à la Maison Blanche. Que peut faire un ancien flic et ancien maire de New York – Charyn ne s’éloigne pas trop de la réalité – à la Maison Blanche ? Pas grand chose. Depuis, Trump a conduit une sorte de putsch, de coup d’État comme, pour l’instant, une tentative avortée mais une tentative. Charyn n’a pas osé écrire qu’un Président pouvait sauter dans sa voiture pour prendre la tête des manifestants à l’assaut du Capitole et empoigner par un agent de la sécurité pour l’empêcher de commettre ce crime. Trump a testé, un autre ou lui-même pourrait le réaliser. Il a beaucoup fait pour discréditer tout le système de la démocratie américaine sans parler de ses nominations à la Cour Suprême. Lire Charyn, c’est pénétrer dans certaines arcanes de ce monde étrange. Continuer la lecture

Les polars plongent dans l’histoire : la France de 1974, Cracovie à la fin du 19e, Ratisbonne en 1662


1974, une année noire

La mémoire de ce temps se trouve ravivée par Xavier Boissel qui place ses personnages dans ce moment qui, politiquement, de transition. Pompidou avait déjà largement rompu les amarres avec les « services spéciaux » du gaullisme, le SAC – Service Action Civique, pas mal comme intitulé pour des basses œuvres – notamment. Il leur avait coupé les subventions. Il fallait bien qu’il trouve d’autres sources de financement en s’acoquinant avec les anciens de l’OAS – ils s’étaient pourtant combattus – et la pègre. L’hypothèse, crédible, formulée par l’auteur pour trouver de l’argent, le trafic de drogue. Continuer la lecture

Polar : de la Croatie au Queens (New York City) pour finir dans l’espionnage

Le polar croate de Jurica Pavičić
« L’eau rouge », publié l’an dernier, réussissait un tour de force, évoquer la guerre qui & déchiré l’ex-Yougoslavie sans jamais la mettre en scène, obscurcie qu’elle était par un drame familial : la disparition de Sylva, 17 ans, qui déchirera la famille et donnera au frère la possibilité de poursuivre le Graal, retrouver sa sœur. Il parcourra une partie du monde alors que son pays se déchire. Une quête sans fin qui se terminera par la découverte policière attendue et étrange tout à la fois. La découverte en France d’un auteur déjà reconnu dans son pays. (publication cet automne en poche)

« La femme du deuxième étage », pour cette année, creuse un autre filon de la littérature policière, le thriller, l’étude de caractère, le portrait d’une femme empoisonneuse, en prison au moment où le fil de cette vie commence, pour l’auteur qui la saisit dans l’univers carcéral dénué de violence pour parfaire la démonstration. L’enfermement des femmes est le fil conducteur de la trajectoire de Bruna, le nom de cette femme. Du coup, les personnages évoluent un peu trop en huis-clos, sans trop de lien avec la réalité d’un monde bouleversé par la guerre. En dehors des deux appartements et la prison, l’auteur, là, donne l’impression que le reste du monde n’existe que dans le rejet de la condamnée et de sa famille, sa mère en l’occurrence qui fuit la ville de Split, décrite à deux moments dans ses changements et ses constantes. L’auteur veut donner cette sensation d’enfermement et c’est un peu trop réussi. Il arrive que l’ennui gagne à force de lassitude qui semble habiter Bruna empêchée de prendre son destin en mains. La pression de l’entourage est pesante et empêche tout développement personnel. La prison est ressentie comme une libération par son rythme régulier, prévisible. Elle arrivera à se défaire de ses liens qui entravent sa capacité de penser par elle-même loin des contraintes sociales.
Portrait d’une petite ville et d’une femme empêtrée dans la toile d’araignée des us et coutumes qui l’empêchent de vivre. Elle partira pour changer d’air.
« L’eau rouge », « La femme du deuxième étage », Jurica Pavičić – traduit par Olivier Lannuzel, Éditions Agullo

Portrait d’une firme néo-libérale sous Reagan
« Queens Gansta » est une histoire de détournement. Un détournement ironique de l’idéologie néo-libérale à la Reagan pour le trafic de drogue. Autrement dit, comment faire fortune quand on est Noir aux États-Unis, à New York plus précisément, qu’on vit dans un quartier « défavorisé » – le Queens et plus précisément « South Jamaica » – en butte aux effets de la politique anti sociale de Reagan qui accroît la pauvreté ? « Preme » – pour Supreme – et Prince, son neveu, prennent l’exemple de la firme assoiffée de profit qui vend de la merde aux pauvres, pour construire leur trafic. C’est le temps, dans ce milieu des années 1980, du crack, le drogue du pauvre. Ils deviennent riches, créant des emplois pour tout le quartier, population attachée au trafic qui leur permet de survivre. Grande idée !
Karim Madani raconte l’aventure des deux initiateurs, capitalistes dans l’âme qui aurait pu devenir capitaines d’industrie s’ils avaient été Blancs. Dans un premier temps la Police se désintéresse de ces trafiquants, de ces règlements de comptes entre Noirs mais la puissance de l’entreprise devient telle qu’il faut sévir contre ces Noirs un peu trop arrogants qui se permettent même de tuer un flic blanc.
L’aventure se termine à la fin des années 1980. En prison. Il reste un goût amer pour toute cette jeunesse perdue dans une ville qui ne reconnaît pas au même titre toutes ses populations, d’un pays où règne encore la ségrégation raciale. L’auteur s’agite autour de ces contradictions : la valorisation d’un projet qui provoque la mort de jeunes gens, la perte de toutes ces vies vouées à la destruction et la mise en cause de politiques incapable de développer les compétences à cause de la couleur de la peau. Un réquisitoire contre toutes ces politiques publiques de remise en cause à la fois des acquis sociaux et des libertés démocratiques.
Un bémol toutefois : il faudrait alléger le style, le travailler davantage.
Nicolas Béniès
« Queen Gansta », Karim Madani, Rivages/Noir

« Espionnage », une nouvelle collection « Noire ».
Inaugurer cette collection avec « Des hommes sans nom » mettant en scène une femme espion, Victoire Le Lidec, de sa formation à sa première infiltration dans les réseaux de Daesh en 2017, est une bonne façon d’entrer dans cet univers. Analyste à la Direction générale de la sécurité extérieure, elle conçoit des plans pour infiltrer cette organisation notamment une formation de femmes capables de participer à des attentats.
Hubert Maury et Marc Victor, l’un ex-casque bleu, l’autre journaliste, ont uni leurs compétences pour construire ce roman qui s’appuie sur des données géopolitique et des situations vraisemblables. Bien écrit, ils projettent leur héroïne et son instructeur, Nicolaï Kozel dans ce monde étrange de faux-semblants, de guerre des services secrets, des politiques des différents Etats où le secret règne en maître pour dessiner l’envers du décor.
Une réussite.
Nicolas Béniès
« Des hommes sans nom », Maury-Victor, Gallimard, « Espionnage ».

Polar. La ville cauchemardée et l’amitié plus ou moins trompée

Chandler en slammeur.

Desmund Sasse est un curieux enquêteur, en marge et refusant toute compromission. Il tient beaucoup du détective privé créé par Raymond Chandler, Philip Marlowe. Une naïveté désabusée, plus rien et tout l’étonne. La confiance n’est jamais aveugle mais elle fait son œuvre pour s’engager dans des aventures qui sont celles d’autres mais dans lesquelles, à son corps défendant et de son plein gré, il s’engage. Continuer la lecture