Polar d’hier revu et d’aujourd’hui

Une lecture renouvelée d’un classique
« Rien dans les manches »  de William R. Burnett avait déjà été réédité en Folio, traduction de Jacques-Laurent Bost pour la Série Noire en 1952. Pourquoi une nouvelle édition dans Folio Policier ? Une redondance ? Que Nenni ! Un nouvel éclairage pour apprécier le talent de Burnett. La révision effectuée par Marie-Caroline Aubert donne une plus grande plasticité au texte et rajoute quelques scènes coupées faute de place. Marcel Duhamel imposait le respect des 128 pages maximum.

La nouvelle version permet de comprendre la psychologie des personnages, de pénétrer dans leur intimité et de comprendre leur ressort. De l’homme de main au cerveau en passant par le juge Stark et le journaliste, Ben Reisman à la recherche d’une nouvelle jeunesse. La scène pourrait se passer dans n’importe quelle ville des États-Unis « gangrenée par le crime » en train de passer de l’artisanat à la grande entreprise. Une sorte de description du capitalisme sans fard où il faut détruire la concurrence si elle ne veut pas devenir une filiale de la grande entreprise.
Vous avez déjà lu Burnett ? Vous serez surpris de la force de ses descriptions, de sa philosophie qui n’apparaissaient pas dans la traduction de la Série Noire qui répondait à l’ambiance des années 1950 ; Vous ne connaissez pas cet auteur ? Alors plongez dans le monde qu’il a créé, vous ne le regretterez pas.
Nicolas Béniès
« Rien dans les manches », William R. Burnett, traduit par Jacques-Laurent Bost revue par Marie-Caroline Aubert, Folio/Policier.

Vengeance et Justice crie-t-elle
« La médium » est, sans doute, un titre qui en rebutera plus d’un fan de roman noir croyant à une intrigue cousue de fil blanc d’une cartomancienne de pacotille. Ils auraient tort. J.P. Smith met en scène une comédienne à la recherche d’un rôle qui, pour payer son loyer fait appel aux morts pour apaiser les vivants en se servant du Net pour y puiser des infos. Plus facile aujourd’hui avec Chat GPT ou ses avatars ? A voir. La fausse médium fait preuve d’empathie pour libérer ses client.e.s.
Elle va tomber sous le charme d’un policier tueur et l’auteur de décrire par petites touches comment elle s’en rendra compte. La fin, volontairement fantastique est une manière de dire que la Justice fait partie d’un monde qui n’est pas d’ici. Bien construit.
Nicolas Béniès
« La médium », J.P. Smith, traduit par Karine Lalechère, Folio/Policier

Un Raymond Roussel du polar
La méthode de Roussel consistait en un point de départ loufoque pour, en conclusion, revenir, après de multiples péripéties, au point de départ. Jonathan Ames utilise ce procédé. Son ami – ils ne sont pas nombreux – lui demande un rein et il donnera un rein mais pas à la même personne. Il faut rendre le bien pour le bien et le mal pour le mal mais pourquoi à la même personne avait dit, à peu prés Nietzsche et cet aphorisme trouve ici sa justification.
« Il s’appelait Doll », joue sur toutes les ambiguïtés. Doll, une poupée, un pantin, un être sans ressort, sans personnalité, le jouet des circonstances. Il se cherche, veut devenir et se demande ce qu’il adviendra de sa vie. Recherche d’identité un peu trop distancée par rapport au contexte qui semble avoir peu d’influence sur le comportement des personnages.
Pour le reste un trafic d’organes – un thème à la mode -, une histoire d’amour et une multitude de références aux auteurs classiques du polar à commencer par Chandler. Pas toujours à la hauteur mais on trouve du plaisir à cette lecture.
NB
« Il s’appelait Doll », Jonathan Ames, traduit par Lazare Bitoun, Joëlle Losfeld Éditions