Polars historiques, 1871, 1905 et Lyon 1786

Melting pot littéraire
« Geronimo et moi » est un bon titre d’appel mais ne résume en rien l’ambition de l’auteur, Lilian Bathelot qui, dans un même mouvement et à travers l’écriture du journal de Francine Vay dessine une fresque de la fin du 19e siècle. Une petite paysanne, éduquée par les Sœurs, se fait violer par son patron, apprend à accepter son sort jusqu’à rencontrer une libraire qui milite pour la reconnaissance des droits des femmes. Lectures, conférences et elle devient journaliste pour le « Cri du peuple » dirigé par Vallès avant et pendant la Commune. Elle voudrait publier son enquête sur le trafic de femmes dans la Capitale mettant en cause des notables, protégés par Thiers à la tête des Versaillais et des Prussiens pour réprimer dans le sang les révolutionnaires trop près du ciel. Francine croise Louise Michel dont elle fait un portrait laudatif.
Que pouvait-il advenir à la suite de la semaine sanglante qui porte bien son nom ? La fuite est une fuite vers les États-Unis comme beaucoup de membres de l’AIT, l’Association Internationale des Travailleurs, la Première Internationale, avant et après cette période à l’origine du syndicalisme américain d’abord clandestin. Dans la formation de ce mouvement ouvrier, les frontières n’existent pas entre la lutte syndicale et politique. Ce sera à la Deuxième Internationale de le faire…
A partir de cet exil, les deux récits s’entremêlent. Un exercice de mémoire de Francine et sa réalité de « pionnière » dans un chariot comme on le voit dans tous les westerns jusqu’à sa rencontre avec Geronimo qui lui fait prendre une nouvelle nationalité, celle des Apaches puis des Navajos pour vivre en accord avec ses principes. Continuer la lecture

Polar historique, le temps de l’affaire Dreyfus

1898, la République contestée

Lyon, sa police, ses bizarres héros, ses assassins, ses espions et les désirs d’une démocratie vivante forment la trame de ce roman. Gwenaël Bulteau raconte plusieurs histoires qui trouvent leur origine dans la guerre de 1870, La Commune – celle de Lyon a eu une existence encore plus éphémère que celle de Paris – et dans l’affaire Dreyfus qui secoue la France. Cette année là, Zola publie dans l’Aurore « J’accuse » qui provoque des émeutes. La police, comme l’armée est anti dreyfusarde dans sa grande majorité. « La République des faibles » est un titre volontairement ambigu. Il peut faire référence à la faiblesse de cette République aux mains de la hiérarchie militaire antisémite, des faibles laissés à l’abandon qui ne participent pas à la vie publique et aux faiblesses générales de cette société incapable de se comprendre.
C’est dans cette ambiance que le commissaire Soubielle est chargé de plusieurs enquêtes. Le meurtre d’un policier, la disparition d’enfants et d’autres encore qui viennent se raccrocher dont une femme qui n’a pas conscience de sa maternité. Cerise sur le gâteau déjà bien consistant, il va être père et hésite entre la joie et le rejet.
Bulteau peint des portraits de flics qui permettent de s’immiscer dans ces temps lointains. Il les présente dans toutes leurs facettes pour non seulement dresser le portrait d’une époque mais aussi de contribuer à l’histoire de la police.
Une réussite, historique et policière.
Nicolas Béniès
« La République des faibles », Gwenaël Bulteau, 10/18