Polars. Robin des bois et préservation des œuvres d’art sur fond de meurtres et de confinement

Arsène Lupin pas mort et Américain

Jeff Lindsay, le créateur de ce personnage singulier, « Dexter », tueur et policier, a décidé de changer de registre. Riley Wolfe est un voleur, tueur occasionnel et spécialiste du déguisement. Une personnalité bizarre, réellement sans définition sinon celle du moment et du personnage qu’il incarne, sans mémoire et sans émotions. Un être venu d’ailleurs. Pour cette première aventure, « Riley tente l’impossible » – un commencement qui ressemble à une fin – il se donne le défi de voler le diamant le plus cher du monde et le mieux gardé par les gardiens de la Révolution et par le FBI. Il réussit au prix d’un stratagème inédit et fondamentalement répréhensible moralement. Le personnage n’en est pas conscient uniquement préoccupé du but tandis que l’auteur y est sensible. Continuer la lecture

D’un western à un simili coup d’État : deux visages du polar à travers les âges

Un auteur à découvrir
W.R. Burnett est toujours à redécouvrir comme auteur de polars, de ces romans noirs qui racontent la pègre de Chicago mais surtout de ces figures d’hommes perdus entre des mondes qu’ils ne comprennent pas poursuivis par un sens de l’honneur désuet. Une partie de son œuvre a été oubliée. Il fut aussi, outre scénariste, auteur de « Western », forme de romans spécifiquement américaine, connue surtout par le cinéma.
La réédition de « Saint Johnson », écrit en 1930, vient à point pour mettre en valeur le talent de Burnett dans cette catégorie. La base de son récit, comme il l’indique dans une note, est la légende du « Règlement de comptes à OK Corral » opposant, à Tombstone (Arizona), deux clans celui des Earp – Wyatt, une figure de l’Ouest, Marshall, dans le livre Wayt Johnson – et celui des Clanton. Le premier chapitre est remarquable. Pas de description du contexte. Une entrée directe dans le monde de ces années d’après guerre de Sécession. Les fortunes et les morts fleurissent, les soûleries brossent le paysage des rues de la ville, prospecteurs et cow boys se partagent les rôles de figurants et Johnson se retrouve seul sur son cheval dialoguant avec les étoiles, personnage traditionnel asocial cher à Burnett même s’il semble du côté de la loi. Propriétaire d’un tripot, il n’est pas dépendant de son salaire contrairement au shérif élu par les habitants et corrompu. La route continue, encore et encore, encore et encore une autre ville, une autre histoire. Figure de la loi et de l’ordre, Johnson est condamné à l’errance, d’aller voir ailleurs s’il peut trouver une place… Le prisme de Burnett est celui de l’individu dans un monde qu’il ne comprend pas sans référence à la lutte des classes. Continuer la lecture

Polar historique et sanglot d’amour

1951, la guerre n’est pas finie

François Médéline est un amoureux des paysages de la Drôme. Il a raison. Il les décrit avec une plume habile qui leur rend tous leurs mystères et leurs profondeurs. « Les larmes du Reich », titre de roman, sonnent comme un, avertissement. Les apparences, des premières pages, sont trompeuses. L’inspecteur Michel est-il vraiment celui qu’il dit être ? Pourquoi recherche-t-il activement une petite fille et sa mère ? D’où lui vient l’argent qu’il dépense à flot continu ? Pourquoi supprime-t-il les témoins potentiels ?
Des questions multiples qui trouvent leur origine dans la déportation des Juifs, de ces Juifs, Juives français.e.s qui se sont découverts juifs au moment des rafles, notamment celle dite du Vel’ d’Hiv. Ielles n’avaient pas cru aux avertissements. Comme en Allemagne. Ce polar est aussi une grande histoire d’amour, contre tout ce monde nazifié de la guerre et des camps de concentration, une histoire qui ne peut que mal se terminer.
Un roman qui plonge dans le contexte du début des années 1950 dans lequel les traces de la guerre restent encore présentes. L’auteur se sert aussi des chansons de l’époque pour les titres de ses chapitres. Une réussite.
Nicolas Béniès
« Les larmes du Reich », François Médéline, 10/18

Polar biomédical

Trésor des Appalaches.

Une contrée étrange, un monde replié sur lui-même, un environnement abrupte dans lequel la solidarité est vitale. Au sein du parc national des Great Smoky Mountains – des montagnes brumeuses – un laboratoire de recherches réside chargé d’étudier insectes et plantes. Une jeune chercheuse aime grimper aux arbres qui défient le ciel et se trouve un bon jour, au sein des White Oak (Tennessee), « suspendue » – titre du roman -, blessée et dans l’incapacité de redescendre. Quel est son agresseur et pour quelle raison lui a-t-il tiré dessus ? Les détectives, une infirmière et un ranger chargé de surveiller les animaux, les ours, les sangliers et la propriétaire du restaurant aidé d’un marginal. En arrière fond les truands du coin contents d’aider le vieux docteur à la retraite. Un microcosme étrange et vivant.
L’intrigue autour des myxomycètes qui se trouvent en relativement grand nombre dans cette région à condition de les découvrir, et de leurs propriétés curatives. A la clé des sommes fabuleuses et une grande notoriété.
Carolyn Jourdan, l’autrice, diplômée en génie biomédical et en droit explique à la fois les vertus de ces myxomycètes et les questions juridiques autour de cette découverte mais aussi les structures privées – qui veulent faire du profit – et associatives qui veulent diffuser ces remèdes pour le plus grand nombre.
Une expédition dans ces contrées ignorées et touristiques, une description de la vie d’un laboratoire en pleine nature, la vie d’un ranger en butte aux restrictions budgétaires de son administration et d’une infirmière fuyant les grandes villes pour retrouver ses racines, thèmes qui se bousculent quelque fois mais l’intérêt est toujours sollicité.
Nicolas Béniès
« Suspendue », Carolyn Jourdan, traduit par Valérie Révolu, Éditions Diagonale, Belgique

Polar historique, le temps de l’affaire Dreyfus

1898, la République contestée

Lyon, sa police, ses bizarres héros, ses assassins, ses espions et les désirs d’une démocratie vivante forment la trame de ce roman. Gwenaël Bulteau raconte plusieurs histoires qui trouvent leur origine dans la guerre de 1870, La Commune – celle de Lyon a eu une existence encore plus éphémère que celle de Paris – et dans l’affaire Dreyfus qui secoue la France. Cette année là, Zola publie dans l’Aurore « J’accuse » qui provoque des émeutes. La police, comme l’armée est anti dreyfusarde dans sa grande majorité. « La République des faibles » est un titre volontairement ambigu. Il peut faire référence à la faiblesse de cette République aux mains de la hiérarchie militaire antisémite, des faibles laissés à l’abandon qui ne participent pas à la vie publique et aux faiblesses générales de cette société incapable de se comprendre.
C’est dans cette ambiance que le commissaire Soubielle est chargé de plusieurs enquêtes. Le meurtre d’un policier, la disparition d’enfants et d’autres encore qui viennent se raccrocher dont une femme qui n’a pas conscience de sa maternité. Cerise sur le gâteau déjà bien consistant, il va être père et hésite entre la joie et le rejet.
Bulteau peint des portraits de flics qui permettent de s’immiscer dans ces temps lointains. Il les présente dans toutes leurs facettes pour non seulement dresser le portrait d’une époque mais aussi de contribuer à l’histoire de la police.
Une réussite, historique et policière.
Nicolas Béniès
« La République des faibles », Gwenaël Bulteau, 10/18

Quand les frontières se brouillent entre fiction et réalité… Afrique du Sud et États-Unis


La littérature permet d’appréhender les mécanismes sociaux et la manière dont les individus les vivent.

L’Afrique du Sud est une société où la corruption s’affiche à tous les étages. Deon Meyer s’en est fait une spécialité transformant ses polars en autant d’analyses politiques. Mike Nicol a choisi de prendre pour personnage principal, sa ville Le Cap, capitale administrative. Le meurtre du ministre de l’Énergie est la pointe visible de l’iceberg d’un trafic d’uranium enrichi. Vraisemblablement, l’assassinat a été commandité par une partie du gouvernement, sinon le président lui-même qui ne partageait pas les vues de son ministre s’orientant vers d’autres énergies, renouvelables, que le nucléaire. Derrière s’agitent toutes les officines plus ou moins secrètes, la CIA et même Daesh. « Infiltrée » pour décrire une espionne multi carte qui synthétise tous les brouillards enveloppant la réalité. Le polar et ses techniques est un guide efficace.
Jason Mott a choisi une autre voie pour faire entrer dans le monde étrange des États-Unis, particulièrement ce Sud – South Side – qui, actuellement, est en train de faire voter des lois pour empêcher les populations africaines-américaines d’exercer leur droit de vote. « L’enfant qui voulait disparaître » est une introspection, un dialogue entre un écrivain adulte et l’enfant qu’il a été. Ils veulent oublier la couleur de leur peau pour vivre « comme tout le monde ». Leur environnement politique leur refuse. La peur est leur compagne de tous les jours, de leurs nuits. Elle les empêche de vivre. Le titre original, « Hell of a book », l’enfer dans un livre, est peut-être plus clair même si c’est intraduisible. Un cri de révolte poétique pour sortir du piège. Les États-Unis dans toute leur horreur. L’avenir se trouverait-il dans les mobilisations autour de « Black Lives Matter » ?
Nicolas Béniès
« Infiltrée », Mike Nicol, traduit par Jean Esch, Série noire/Gallimard
« L’enfant qui voulait disparaître », Jason Mott, traduit par Jérôme Schmidt, Éditions autrement.

Un grand auteur russe : Julian Semenov

Roman d’espionnage historique

Julian Semenov (1931-1993) est un écrivain célèbre en URSS. Sans doute moins dans la Fédération de Russie en raison des réécritures de l’histoire poutiniennes. Il fait œuvre à la fois de romancier et d’historien. « La taupe rouge » a été le premier édité. « Des diamants pour le prolétariat », qui se déroule en 1921 – l’URSS est toute neuve -, semble être le premier opus d’une série qui couvrira toute l’histoire de cette formation politique et sociale via l’espionnage. En avril 1921, la Tchéka charge un jeune agent, Maxime Issaïev – héros récurrent – de récupérer des diamants des possédants pour financer la jeune République des Soviets. Il infiltre le milieu des trafiquants, croise des tueurs, des voleurs tout autant que les révolutionnaires. Continuer la lecture

D’une épidémie, l’autre

La peste noire, une épidémie de 13 ans
1348, le Royaume de France est sous la menace de mort de la peste noire. Les morts envahissent les vivants, les cimetières débordent, les fosses communes se multiplient et les populations s’enferment en suspectant les autres de transporter les souches. La ville du Puy subit la déferlante. Les tavernes sont fermées, les difficultés d’approvisionnement affament les habitant.e.s.
13 ans plus tard, l’épidémie a perdu de sa force mais personne n’en est encore assuré. L’Hôpital, tenu par l’Église, ne possède plus ni lits ni personnels nécessaires pour soigner ou même enterrer les morts. Les malades ne mangent pas à leur faim ni le « personnel soignant ». Les sœurs – certaines n’ont pas fait leurs vœux – sont au bord du « burn out » si elles ne sont pas mortes. Certaines sont passées à côté du virus pour des raisons souvent inconnues. Continuer la lecture

Polar historique, la révolution française revisitée

La révolution française au prisme du polar.

Anne Villemin-Sicherman continue la saga des enquêtes du vétérinaire Duroch sis dans l’Est de la France, du côté de Metz. « 1792, la femme rouge » nous projette dans la ville de Metz assiégée par les armées austro-prussiennes. Plus importantes en nombre que les armées de la révolution, mieux entraînées, mieux armées la victoire semble de leur côté. Par un coup de génie militaire, Kellerman à Valmy inversera la donne bien aidé par une dysenterie qui ravage les troupes ennemies. Continuer la lecture

Littérature : Polar et Science fiction

La littérature se diversifie, lorgne vers le polar ou la science fiction lesquels affichent leur ambition d’être une des branche d’icelle. Le présent de l’édition donne quelques exemples. Continuer la lecture