De la Turquie et de la Russie, un roman écrit en prison et un polar en forme de saga

La Turquie en cellule
« Madame Hayat », le roman de Ahmet Altan écrit de sa prison, est un hymne à la liberté. Le portrait de femme, superbe, est amoureusement décrit. Les yeux du jeune homme sont emplis de ce portrait. Entre deux âges – curieuse expression – elle éclate du soleil de la sensualité. Beauté étrange, elle possède ce pouvoir d’attirer les regards. Continuer la lecture

Trump ou Zemmour se reconnaîtront

« Que serait le monde sans la haine ? »

Trump aurait-il lu ce roman ? « Un intrus » pourrait passer pour un scénario qu’il a suivi quasiment à la lettre. Charles Beaumont, en 1959 année de parution, fait la preuve de sa connaissance de la société américaine qu’il sait observer. Un chirurgien social qui découpe, au scalpel, une petite ville du sud des États-Unis, qu’il appelle Caxton. Le Trump de l’époque, Adam Cramer, ne croit à rien mais veut devenir l’homme fort des États-Unis. Il fait aussi, par ses outrances, par son verbe, penser à Zemmour, comme si tous les démagogues, au-delà du temps, se donnaient la main pour construire une autre réalité la leur et l’imposer à des populations qui croient en eux. Rien ne les arrête, capables de chantage pour arriver à leur fin. Continuer la lecture

Polar flamand

Néerlandais ou Néerlandais ?

Pieter Aspe, belge néerlandais, auteur à succès est traduit en séries télévisées. Son double enquêteur, Van In, est fait de chair et de sang. Logiquement, Aspe a choisi les plateaux télé pour cadre de son nouvel opus, « Alibi ». Il en fait un théâtre d’ombres sans véritable consistance en s’attachant à la description des villes et des bières comparées entre Bruges, sa ville, et Anvers, cadre de l’affaire, un cadavre retrouvé brûlé dans la voiture d’un acteur connu. Tribulations diverses des investigations, réactions de la police anversoise face aux ploucs venus de Bruges, méfiances réciproques avec en arrière-fond une histoire d’amour entre l’assistant du commissaire, Versavel, et un collaborateur du film en cours. Chacun.e a quelque chose à se reprocher. Un peu cousu de fil blanc de temps en temps comme des raccourcis un peu rapides. Continuer la lecture

Contours flous des souvenirs dans l’exil

Enquête étrange dans une ville bizarre, Caracas.

Juan Carlos Mendez Guedez s’est créé une double, détective privée et sorcière à ses heures, Magdalena, pour mettre à jour le monde qui nous entoure. Comme son enquêtrice, il vit à Madrid. Il a quitté le Venezuela pour fuir le monde vénéneux de Caracas, une ville du pétrole, corrompue, aux mains des différents gangs qui s’affrontent en une lutte sans merci, sans grâce pour le contrôle de quartiers. Caracas est une ville sans trottoirs d’où les piétons sont bannis. La voiture est un outil indispensable.
Pour retrouver la fille d’un ponte franquiste de l’élite espagnole, catholique trop pratiquant pour être honnête et sur le déclin politique, elle est obligée – la somme proposée pour ce faire est conséquente – de revenir dans sa ville d’origine. L’auteur en profite pour nous faire visiter les quartiers en notant les changements, les transformations. Une promenade nostalgique, émouvante faite à la fois de souvenirs, d’angoisse, de crainte pour dessiner une tragi-comédie noire et rouge.
« La vague arrêtée », le titre de ce roman, vient d’une légende qui prétend que le mont Avila est une vague arrêtée, une belle image du monde actuel. Il aurait pu s’intituler « Caracas, nid d’espions » pour signifier que les apparences sont trompeuses. Les vagues nouvelles pourraient bousculer la vague ancienne…
Un mélange des genres – polar, espionnage mais aussi documentaire, rêveries – pour dessiner les contours d’un contexte mouvant marqué par l’individualisme, le repli sur soi où l’amitié n’est qu’une denrée marchande comme une autre, où l’amour n’est qu’une carte postale et l’absurde le compagnon intransigeant de la réalité.
Nicolas Béniès
« La vague arrêtée », Juan Carlos Mendez Guedez, traduit par René Solis, Métailié/Bibliothèque hispano-américaine NOIR.

Polar taïwanais


Vu de Taïwan (Taipei)

Chang Kuo-Li se lance dans le polar après avoir écrit une trentaine de livres. Comme une nouvelle naissance. « Le sniper, son wok et son fusil » indique que la cuisine sera aussi de l’intrigue. Alex, surnom venant de la légion étrangère, Ai Li pour l’état civil, participe d’une confrérie qui, comme les Yakusa, rassemble ses « fidèles », tatoués, par un contrat de confiance et une solidarité qui se veut à toute «épreuve. Ils et elles obéissent à celui qui les a formé.e.s et les a conduits au sens le plus fort, dans leur carrière et dans leur vie. A Rome, Alex doit assassiner un conseiller du président taïwanais. Pourquoi ? Alex sera obligé de se poser cette question, pourchassé qu’il est par des forces anonymes qui le traquent. La réponse est un gage de survie. Il est « aidé par l’inspecteur WU en fin de carrière qui cherche aussi le pourquoi de l’assassinat et n’accepte pas, malgré son départ à la retraite, de renoncer. Continuer la lecture

polar. Afrique du Sud et Australie

Les racines de l’Afrique du Sud

Deon Meyer officiellement auteur de polar est, en fait, le chroniqueur politique, social et culturel de ce pays étrange qui a vu un ancien détenu devenir président, Nelson Mandela. « La proie », avant dernier opus, racontait sans vraiment de filtres, la présidence de Jacob Zuma, un brûlot politique qu’il faut lire pour comprendre la situation actuelle. Bien avant Trump, Zuma savait réécrire la réalité à sa convenance. Continuer la lecture

Polar historique

Londres 1381.

Paul Doherty, avec comme détective frère Athelstan, poursuit sa chronique de Londres qui a vu la révolte prendre possession de ses rues. Les séquelles sont encore présentes, les braises peuvent redonner naissance aux feux de l’émeute face à la pauvreté et à la misère augmentée d’un hiver rigoureux. Dans ce contexte, une double affaire occupe le moine, responsable de la paroisse de St Erconwald, une série de meurtres de prostituées dépouillées de leur peau qui donne son titre à ces enquêtes, « L’Écorcheur de Londres », référence à Jack l’éventreur, et des assassinats de moines à l’Abbaye de Westminster liés à des questions de géopolitiques comme on dirait aujourd’hui. Là ce sont les promesses du roi d’Angleterre vis-à-vis de l’Écosse qui sont en jeu. Continuer la lecture

Videz vos poches

Polars historiques
Aix, 1659-1660
Le jeune Louis XIV ne gouverne pas encore. Le cardinal Mazarin dirige le pays. Dans ce contexte Jean d’Aillon jette son détective privé, le notaire Louis Fronsac, fidèle partisan de son Éminence. Dans les deux enquêtes proposées sous le titre générique « L’enlèvement de Louis XIV », seule la deuxième met en scène le notaire devenu marquis par la grâce de la résolution de ses enquêtes. Toutes les deux se passent à Aix. La description de la Ville est un élément central des intrigues. Continuer la lecture

Vider vos poches. Polar

États de polar
La Louisiane au cinéma
« New Iberia Blues » est une nouvelle plongée de James Lee Burke, par l’intermédiaire de Dave Robicheaux, dans le monde du cinéma. Alafair, la fille de Dave, se fait embaucher par son ami d’enfance Desmond. Un croyant du Tarot les poursuit au milieu d’histoires de famille. A ne pas rater
Rivages/Noir, traduit par Christophe Mercier Continuer la lecture

Une référence ?

Comment battre le virus ?
Ludmila Oulitskaïa a écrit ce scénario, « Ce n’était que la peste », en 1988. Il part d’une histoire réelle à Moscou en 1939. Un biologiste, Mayer, travaille sur la souche de la peste. Et il contamine 800 personnes qui assistaient à sa présentation. Le NKVD – la police politique de Staline – intervient, confine, isole, tue si nécessaire pour éviter la propagation. Et y réussit ! Au prix de la légitimation de la répression et de toutes les remises en cause des libertés. La question posée à toutes les démocraties d’aujourd’hui. Faut-il, pour combattre le virus, bafouer les libertés ?
Nicolas Béniès
Ce n’était que la peste, Ludmila Oulitskaïa, traduit par Sophie Benech, Gallimard.