Histoire et culture des États-Unis.

Une nouvelle biographie de Miles Davis et ce n’est jamais trop. Miles a vécu dans sa chair le racisme et ses conséquences. Adulé à Paris, il ne perce pas à New York et se drogue. Le drame des musicien.ne.s de jazz – un terme contesté aux États-Unis mais valorisant en Europe, comme il le notait lui-même. Il s’agir de Great Black Music bien entendu.
Jerome Charyn pense qu’il était temps, pour terminer ses aventures, d’installer Isaac Sidel à la Maison Blanche. Que peut faire un ancien flic et ancien maire de New York – Charyn ne s’éloigne pas trop de la réalité – à la Maison Blanche ? Pas grand chose. Depuis, Trump a conduit une sorte de putsch, de coup d’État comme, pour l’instant, une tentative avortée mais une tentative. Charyn n’a pas osé écrire qu’un Président pouvait sauter dans sa voiture pour prendre la tête des manifestants à l’assaut du Capitole et empoigner par un agent de la sécurité pour l’empêcher de commettre ce crime. Trump a testé, un autre ou lui-même pourrait le réaliser. Il a beaucoup fait pour discréditer tout le système de la démocratie américaine sans parler de ses nominations à la Cour Suprême. Lire Charyn, c’est pénétrer dans certaines arcanes de ce monde étrange.


Miles Davis

Ce seul nom suffit à susciter l’intérêt. Miles – ce n’est pas vraiment une familiarité plutôt une marque de respect – est le seul musicien de jazz qui jouit d’une aura digne des plus grandes stars de la pop music. Il faut reconnaître qu’il a tout fait pour. Son batteur du milieu des années 1960, Tony Williams, un révolutionnaire de cet instrument, voulait lui aussi accéder à ce même statut mais il lui manquait quelque chose, ce quelque chose, presque rien qui fait toute la différence et qui tient à la personnalité propre de chaque créateur.
Refaire une nouvelle fois le parcours de cette vie peut sembler superfétatoire, mais, chaque biographe sait apporter sa patte à ce mystère qui entoure, ceint ce prince des ténèbres, ce trompettiste créateur de mythes, poète du silence qu’il transforme en musique pourtant volontiers raciste malgré ou à cause de la prise de conscience que s’il avait été blanc tout aurait été plus simple mais pas forcément plus proche du génie.
Franck Médioni suit Miles Davis pas à pas pour le faire revivre, pour le retrouver. Biographie d’une icône, Miles continue d’inspirer les musicien-ne-s de jazz comme d’autres. Son cercueil sans nul doute est vide. Ses chefs d’œuvre, « Kind Of Blue » (1959) en particulier reste une influence majeure. Médioni insiste justement sur le quintet des années 1962-65, rencontre entre le père et ses disciples qui prennent, contre lui, son envol. Herbie Hancock, piano, Ron Carter, contrebasse et Tony Williams constitue un trio soudé qui tend des pièges au leader. L’adjonction de Wayne Shorter, au saxophone ténor construira un nouveau son comme le laisse entendre les albums Blue Note enregistrés par ce quartet.
L’écriture de Médioni se fait la plus en retrait possible pour laisser toute la place, comme il se doit à Miles Davis. Il est nécessaire d’écouter les albums pour appréhender la place de ce génie qui reste notre contemporain.
« Miles Davis », Franck Médioni, Folio/Biographies

Un président de gauche est-il possible ?

Jerome Charyn (né en 1937) a créé un double sans que ce soit un clone mais un autre lui-même, Isaac Sidel, flic de New York né à Brooklyn. Isaac a été commissaire de police, maire de New York et, par un concours où les circonstances ont gagné président des États-Unis au même moment, en 2017, que Donald Trump. Il est possible de comparer les deux présidents et le plus loufoque n’est pas forcément celui de la fiction. La différence – elle est de taille – Isaac n’est pas un factieux, contrairement au vrai qui a tout du faux. . Il voit toutes les tares, les failles d’une Maison Blanche qui a forcément perdu le contact avec les populations mais comment changer les us et coutumes, les lois écrites et non écrites ? Sidel a conservé son Glock de policier qu’il garde dans sa poche faisant tomber son pantalon de temps en temps. Il voudrait renouer avec le rêve américain de fraternité, de redistribution vers les plus pauvres – horreur de tous les nantis – et se heurte à toutes les pesanteurs politiques, économiques, sociales et même culturelles. Les soutiens financiers de la campagne se détourne de ce pouilleux, juif aux amitiés pour le moins étranges. Pour apprécier plus encore la verve et la saveur de ces caricatures qui frappent justes, il ne faut pas craindre de feuilleter un livre sur la Maison Blanche comme « la vie quotidienne à la Maison Blanche » ou de voir films et documentaires.
« Avis de grand froid » est un pamphlet qui tombait à son heure. Je ne sais, je ne crois pas que Charyn ait prévu la victoire de Trump mais la caricature de sa caricature se trouvait devant lui. Drôle de rencontre !
Aujourd’hui, le roman a conservé sa force de dérision, faisanr rire et réfléchir tout à la fois sur les puissants de ce monde isolé, souvent, du monde qu’ils sont censés diriger. La Maison Blanche n’avait jamais connu une telle secousse comme Camp David qu’il visite et revisite en compagnie d’amis rencontrés dans les ouvrages précédents et qui terminent leur vie. Isaac a atteint le rôle suprême. Il ne lui reste plus que Dieu… Pour sa prochaine incarnation ?
En prime, Charyn retrace dans sa préface les tribulations de Isaac Sidel en montrant comment naît un personnage qui, au départ, n’avait pas un rôle central. Il indique aussi ses influences dont la plus importante – comme pour Philip Roth -, celle de Saul Below. Il dit aussi son amour de la France et de Paris. Une sorte de testament.
« Avis de grand froid », Jerome Charyn traduit par Marc Chénetier, Rivages/Noir