Polar coréen
Mettre en scène dans un costume de Sherlock Holmes – le fameux trench-coat – quatre femmes d’âge divers, mères de famille, dont une fille mère, dans un quartier de Séoul, avec, comme quartier général la supérette Gwangseon tenue par l’une d’elles est une gageure. Ce n’est pas la seule. Faire rire, sourire des références des romans policiers britanniques – Conan Doyle, Agatha Christie en particulier – tout en menant une enquête policière sur un tueur de femmes est l’autre pari tenu par Jeon Gunwoo. « La section des enquêtrices mères au foyer » comme elles se nomment fait preuve d’un sens de l’observation et de déduction tout en accumulant les gaffes et les erreurs.
Succession d’incidents mais aussi aperçus de la vie des familles coréennes, femmes battues, rejetées de la société patriarcale, hommes incapables de dialoguer avec leur épouse, dépressions, petits boulots… Le mouvement de la recherche du coupable rend fluide tous ces éléments pour construire un polar qui respecte sa dimension fondamentale, s’inscrire dans une critique sociale.
Une découverte nécessaire.
Nicolas Béniès
« Les 4 enquêtrices de la supérette Gwangseon », Jeon Gunwoo, traduit par Kyungran Choi et Bessora, Folio/Policier, Gallimard
L’Afrique du Sud qu’il faut voir.
Curieux roman que celui de l’Écossais Damian Barr. Roman ? Oui concernant les personnages, non pour les descriptions documentaires. La première partie fait entrer de plain-pied dans le premier camp de concentration mis en place par les Britanniques lors de la deuxième guerre, en 1901-1902, avec les Boers. Les femmes, les enfants couchent dans des tentes, souffrent de la faim, ne peuvent se laver et, en voie de conséquence, meurt en grand nombre. Le colonialisme tel qu’en lui-même.
La deuxième grande partie décrit un camp de jeunes aux méthodes fascistes pour diffuser l’héritage Boers. A travers l’expérience de Willem, 16 ans, se dévoile toutes les manières, liées quelque fois au lavage de cerveaux pour embrigader ces adolescents. Le racisme, à chaque moment, est omniprésent. Une Afrique du Sud comme on ne l’avait jamais vue et qui permet de comprendre la situation actuelle. Un premier roman très politique et à hauteur d’êtres humaines.
Nicolas Béniès
« Tout va bien », Damian Barr, traduit par Caroline Nicolas, 10/18