JAZZ, Henri Texier

L’ancien dans le nouveau.Et vice versa

Henri Texier a eu envie, après les concerts pour le 30e anniversaire du Label bleu, de reprendre quelques-unes de ses anciennes compositions, celles du temps de Salhani. Pour ce faire, redonner vie à ces musiques, il a structuré un nouveau groupe. Sébastien Texier est toujours au saxophone alto et clarinette et Manu Codjia à la guitare – qui semble chez lui – mais Vincent Lê Quang ajoute son saxophone ténor et son soprano aux fureurs des deux précédents pour les forcer dans des retranchements qui se sont construits jour après jour, concert après concert, comme Gauthier Garrigue sa batterie. Ce nouveau quintet pour sortir de toutes les ornières ou essayer. « Amir » semble dévoiler de nouvelles facettes, pourtant l’ensemble reste baigné dans les deux précédents albums. Les compositions anciennes y gagnent une nouvelle vigueur tout en laissant l’auditeur dans une atmosphère inchangée. Pour qui n’a pas fréquenté Henri Texier depuis ses débuts, n’est pas sensible aux changements de « feeling » de ces compositions. La cause se trouve, étrangement, dans les nouvelles compositions – « Sand Woman » qui donne aussi son titre à l’album, « Hungry Man », « Indians » – qui ne tranchent pas avec l’atmosphère des albums précédents.
On attend de Texier tellement que, lorsque la rupture n’est pas évidente, la déception affleure. Il reste le plaisir. Celui d’entendre un groupe homogène capable de dépasser souvent ses propres limites pour crier au monde qu’il temps que cesse la barbarie.
Nicolas Béniès
« Sand Woman », Henri Texier, Label Bleu distribué par l’Autre Distribution.

Cadeaux à faire ou à se faire.

Le temps d’écouter…

Un anniversaire.

2016 fêtait les 30 ans du « Label Bleu » créé en son temps – 1986 donc – par la Maison de la Culture d’Amiens. Un label qui a connu bien des vicissitudes dont une faillite pour renaître récemment. Pour que la fête soit complète, le Label Bleu a choisi de proposer une carte blanche à Henri Texier, contrebassiste, qui a enregistré une vingtaine d’albums « Label Bleu ».
Henri, 70 ans aux prunes, s’est entouré de musiciens de générations différentes, de Michel Portal à Edward Perraud en passant par Thomas de Pourquery, Manu Codjia et Bojan Z. Il manque la génération d’aujourd’hui pour parfaire le tour d’horizon des compositions d’Henri qui marque son parcours et celui du Label Bleu.
Il est possible de dater chacune des compositions proposées à la mémoire de l’auditeur qui connaît sans reconnaître ces thèmes habités qu’ils sont par de nouveaux musiciens.
Une expérience nécessaire, un album du présent que ce « Concert anniversaire 30 ans à la Maison de la culture d’Amiens ».
Nicolas Béniès
« Concert anniversaire, 30 ans à la Maison de la Culture d’Amiens », Label Bleu/L’autre distribution.

Une rencontre entre un pianiste et une écrivaine.
Agnès Desarthe, on s’en souvient, était tombé sous le charme d’un pianiste de jazz et en avait fait un livre « Le roi René (Odile Jacob), où elle racontait ses rencontres avec René Urtreger. En forme de revanche, le pianiste a fait de l’écrivaine, une chanteuse. Agnès a pris comme référence – non avouée – Julie London, actrice qui savait murmurer des mots d’amour sans prétendre à être une vocaliste de jazz. Julie avait fait un succès de « Cry me a river ».
« Premier rendez-vous » est le résultat de ces entretiens autour du livre. Ce n’est pas un tête-à-tête. Géraldine Laurent, saxophoniste alto, déchirante dés le début sur « The Man I Love » qu’elle transfigure et donne à cette reprise de standards pour l’essentiel, la touche qui, sinon, leur aurait manquée. Une mention spéciale aussi au violoniste Alexis Lograda sur « Le premier rendez-vous » et « La géante » deux originaux et le dialogue violon/saxophone alto. La voix de l’écrivaine déraille un peu de temps en temps mais pas suffisamment pour nuire à ces entretiens musicaux.
Pierre Boussaguet, contrebasse, qu’il faut entendre sur la composition la plus connue de René, « Thème pour un ami » montre qu’il a tout entendu et sait rendre l’âme de cet « ami » ; Simon Goubert, batterie, sait se taire à certains moments, se faire discret à d’autres tout en montrant sa capacité à exprimer le rythme fondamental nécessaire à toutes les aventures de tous ces musicien-ne-s. Et René bien sur, ses mémoires, son jeu de piano qui ne reste jamais ancré dans le passé et un accompagnement curieux qui ressort plutôt de la conversation, un art de plus en plus rare.
« Premier rendez-vous » est un de ces disques qui vous restent dans l’oreille comme un murmure du temps.
N.B.
« Premier rendez-vous », René Urtreger, Agnès Desarthe, Naïve/Musicast

Jazz. Le palmarès de la revue Jazzthing

Henri Texier, une légende européenne du jazz !

Henri Texier Dakota MapHenri Texier, contrebassiste, a été choisi par la revue « Jazz thing » pour illustrer son centième numéro, paru en septembre 2013. Il devait y avoir 5 concerts – et 5 CD – dans cette série. Concerts au « Gütersloh », situé au centre de l’Allemagne, endroit connu pour son innovation architecturale, un écrin pour le jazz.
Henri, avec son quartet – Sébastien Texier, saxophone alto, clarinette, basse clarinet, François Corneloup, saxophone baryton et Louis Moutin à la batterie – signe le n° 5 de cette série. Qui, finalement, s’est poursuivi. Récemment, nous avons chroniqué le n°6 du bassiste Arild Andersen. Si les objectifs sont atteints, 10 CD devraient voir le jour…
Henri, pour son concert, continue de creuser sillon de ces « Natives Lands » comme on dit désormais aux États-Unis. Après les nations perchées sur les gratte-ciel, c’est le tour des « Dakota ». « Dakota Mab » – titre de l’album et du concert – débute, pourtant, par un hommage à Elvin Jones, batteur toujours de référence, « ô Elvin » un peu gâché par un solo légèrement décousu de Louis qui a voulu trop bien faire. Il faut dire qu’évoquer Elvin est une tache difficile pour n’importe quel batteur. Henri ne lui a pas fait de cadeau. Le solo de Sébastien sur ce même thème est un modèle du genre.
Le reste nous fait passer des « Hopi » au « Comanche » en passant par le rêve des Najavos, « Najavo Dream » pour terminer sur un chant, « Sueno Canto » et l’interview indispensable en anglais comme il se doit, un anglais humoristique à la manière de Henri.
Le tout ne dresse pas vraiment un portrait du compositeur/bassiste mais s’arrête sur un moment actuel de sa création. Superbe. Aussi indispensable que le précédent. Différent : les musiciens ont plus d’espace pour s’exprimer qu’en studio et le public participe de cette création. Henri, dans l’interview parle de sa musique – du jazz en général ? – comme une musique de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. C’est l’impression que nous laisse cet album.
Nicolas Béniès.
« Dakota Mab. Live at Theater Gütersloh », Henri Texier, Intuition Records distribué par Socadisc.

Un festival de jazz, des …

Le jazz et son printemps.

Les « feuilles mortes » disparaissent de notre paysage. Les « Sons d’hiver » et autres festivals de cette saison se sont terminés. Une saison étrange, sans neige, avec une chaleur étrange qui ne fait plus douter de l’existence du réchauffement climatique.
Le calendrier nous oblige à passer au printemps sans que le temps – celui qu’il fait – le fasse réellement sentir. L’impression est quelque fois inverse. Comme un retour en arrière. Comme si après le faux hiver, le vrai voulait se faire sentir. Le jazz s’en fout.
Il fête le printemps via les festivals. Il accueille, entre autres, « europa djaz » pour sa 37e édition et « Jazz sous les Pommiers », pour sa 35e. Un peu avant les débuts de ces deux réunions, « Banlieues Bleues » continue à organiser les rencontres entre les jazz et les publics.

2016, année qui nous aura fait travailler un jour de plus, fête l’Ascension beaucoup plus tôt que l’an dernier. Comme si, l’appel vers les cieux était, d’un coup, plus urgent. Mettre ce jeudi encore férié début mai – le 5 – a obligé Denis Le Bas et l’ensemble des organisateur(e)s de Jazz sous les Pommiers » à commencer le 30 avril. Continuer la lecture

Jazz. Pour tous les opprimés qui dansent au ciel et ailleurs

Danser sur les nuages.

Henri Texier Sky DancersHenri Texier a toujours voulu se renouveler et trouver des sources d’inspiration dans des cultures rencontrées au hasard de son existence. Cultures souvent de populations annexées, colonisées ou tout simplement ignorées. Les « Native Lands » – soit les Indiens d’une Inde confondue par Colomb avec l’Amérique – sont les grands laissés pour compte de ces États-Unis incapables dans le même temps de rompre avec le racisme.
Il fallait soulever la lourde pierre qui ferme l’accès à leur musique, à leur héritage. Ces Nations indiennes ont été très utilisées à la construction des gratte-ciel. Ils n’ont pas le vertige et dansent sur les constructions en fer donnant ainsi l’impression d’être les maîtres des nuages que les gratte-ciel voulaient atteindre. Un truc de mâles : féconder le ciel. Eux se nommaient « Sky Dancers ». Voilà nous dit Henri l’origine du titre de cet album. Qui répond à une autre préoccupation, nous faire danser pour nous faire comprendre que notre sol est un volcan miné par la crise écologique et les mutations climatiques. Continuer la lecture

Jazz. Gérard Marais quartet tout simplement.

Un nouveau classicisme

Gérard MaraisGérard Marais, guitariste, s’est fait connaître aux débuts des années 1970. Depuis, il a construit un parcours qui lui permet d’être à la fois original et classique. Il sait tout de la guitare surtout électrique. Il sait la faire parler, gémir, rire pour faire éclater un son bizarre, tous les sons dont elle dispose sans jamais heurter l’oreille. Sa route est similaire à celle d’Henri Texier plus marqué par la puissance du free jazz dans le milieu des années 60. Il fallait bien les faire se rencontrer pour qu’ils bousculent une fois encore les structures pour faire naître de nouvelles mélodies chantantes et dansantes. Ils n’ont rien oublié et se servent de ces mémoires comme d’un puits sans fond. C’est un plaisir que de les retrouver. Henri est au service du compositeur et soliste principal, Gérard Marais, sans jamais se faire oublier.
Le quartet est complété par Christophe Marguet qui connaît bien les mondes de Texier et de Marais. Il sait comme personne souligné d’un trait de baguette telle ou telle expression pour la rendre plus vivante. Il est d’une génération différente. Né en 1965 au moment où Texier commençait à exercer ses talents avec Daniel Humair.
Le piano est tenu par un jeune homme, Jérémie Ternoy dont le premier CD avait produit une très forte impression. Il sait mêler toutes les influences. Celles d’Horace Silver comme celle de Bobby Timmons en passant par Bill Evans et Milton Buckner. Ici, il répond sur le même ton à Gérard Marais tout en laissant la place au bassiste.
« Inner village », village intérieur, celui de nos rêves orphelins qui cherchent leur chemin dans ce monde barbare, construction fragile qu’il faut savoir conserver. Gérard Marais visite tous les rythmes, toutes les influences, toutes les références.
Un grand album pour toutes les oreilles.
Nicolas Béniès.
« Inner Village », Gérard Marais Quartet, Cristal Records distribué par Harmonia Mundi.