Un essai… sans suite

La référence sur les soviets

La révolution russe fait couler beaucoup d’encre. En oubliant les « soviets », bizarrement. Pourtant, ils représentent une forme nouvelle de démocratie. Ils dérangent et obligent à s’interroger sur les manières dont les populations peuvent agir sur leur propre destin. Ils dérangent les théoriciens pressés de démontrer le « totalitarisme » des bolchéviks et de Lénine en particulier. Dans les études sur la révolution russe de 1905, cette nouvelle structure de pouvoir faisait son apparition. Elle allait se développer en 1917. Trotski, dans son « Histoire de la Révolution Russe », insiste sur le « double pouvoir » pendant le processus révolutionnaire mais on peut douter de la réalité d’un autre pouvoir que celui des soviets.
La première étude de ce lieu de pouvoir inédit, « Les soviets en Russie », est due à Oskar Anweiler. Il insiste sur le fait que cette construction est « une manifestation caractéristique de cette révolution ». Il décrit le mouvement des conseils – ses mécanismes sociaux et institutionnels – qui reste présent jusqu’en 1921. Une effervescence démocratique qui explique, peut-être, le ton étrange du livre de Lénine « L’État et la révolution ». La classe ouvrière prenait, au sens strict, le pouvoir. Anweiler, en creux, fait apparaître la démocratie parlementaire comme imparfaite, non finie.
Les éditions Agone, en rééditant cette étude, traduite en français en 1971 seulement, permet de fêter la révolution russe dans ce qu’elle a de plus spécifique, de plus intéressant pour les débats futurs. L’essai de Anweiler rend caduque la profusion d’écrits au moment du 100e anniversaire de la révolution russe. Là encore, la preuve est faite qu’il faut éviter toute commémoration pour réaliser un travail de mémoire qui serve à l’analyse du présent et du futur.
Une édition qu’il faut aussi saluer pour permettre à la génération de prendre connaissance de ce texte, de la préface de Pierre Broué (de l’édition Gallimard de 1971) et d’une nouvelle de Eric Aunoble qui s’évertue à faire le point des recherches sur ce processus révolutionnaire qui a fait souffler un vent d’espoir d’avènement d’un autre monde, a transformé l’architecture du monde et les références du mouvement ouvrier. S’ouvrait un 20e siècle fait de guerres et de révolutions pour citer un des textes constitutifs de la Troisième Internationale.
Broué, comme Anweiler dans l’avant-propos à l’édition française, appelaient de leurs vœux la poursuite de ce travail pour à la fois appréhender la spécificité de ce mouvement de prise de pouvoir et de son universalité. Espoirs battus en brèche par le néo libéralisme.
Cette analyse reste le point aveugle de tous les débats autour des créations démocratiques du processus révolutionnaire. Intéressant, stimulant et resté sans suite pour laisser la place à un déversement anticommuniste qui ne sert pas la recherche.
N.B.
« Les soviets en Russie, 1905-1921 », Oskar Anweiler, Préface de Eric Aunoble et reprise de celle de Pierre Broué (1971), traduit par Serge Bricianer, Agone/Éléments.

Le temps de lire, la sélection livres de Nicolas BENIES

Un polar israélien.

une proie trop facileLa littérature israélienne forcément contestataire des pouvoirs, surtout ceux de « Bibi », le premier ministre de droite qui est obnubilé par la guerre pour faire passer sa politique antisociale. Lui aussi a déclaré la guerre et d’abord aux Palestiniens pour leur refuser leurs droits… Le « terrorisme » – un terme à la mode qui permet de couvrir toutes les atteintes aux droits démocratiques – sert de paravent.
Yishaï Sarid s’est fait connaître en France grâce à ce merveilleux roman « Le poète de Gaza » (Actes Noirs) paru en français en 2011. Actes Sud récidive, toujours dans sa collection Actes Noirs, en publiant son premier roman, « Une proie trop facile » qui joue sur les apparences pour décrire un Israël de l’an 2000. Les références datent un peu mais l’écriture recouvre le tout. Une écriture simple, descriptive qui cache l’essentiel, les non-dits sur les quels repose cette société israélienne enfermée dans la guerre qui arrive mal à cacher ses divisions.
« Moi, je milite pour une cuisine simple » fait-il dire à un des personnages. Une cuisine simple est difficile. Il faut choisir avec soin les ingrédients sinon elle est banale et c’est raté. Une bonne définition de cette écriture. Simple et peu banale.
« Une proie trop facile », Yishaï Sarid, Actes Noirs/Actes Sud, 341 p., 22,50 euros Continuer la lecture