Une biographie de Frank Sinatra

C’est l’histoire d’un p’tit gars…

Être né en 1915 – comme Billie Holiday -, quasiment avec le 20e siècle, aux Etats-Unis, à Hoboken (dans le New Jersey, en face de New York), issu de l’émigration sicilienne a forcément des conséquences sur la formation de l’individu. Frank Sinatra n’a jamais renié ses origines. Ni l’importance de sa mère, Dolly, dans sa carrière. Ses liens avec la mafia, notamment avec « Lucky » Luciano, ont beaucoup joué dans sa chute en 1951 et dans sa renaissance en 1953.
Faire la biographie du chanteur/comédien, c’est aussi, au-delà du talent, faire l’histoire des Etats-Unis, de son modèle d’exclusion – des Noirs mais aussi des Italiens, des Juifs – et de la place de la mafia particulièrement dans l’industrie de l’amusement, l’entertainment. Jerry Lewis l’avait aussi souligné dans son autobiographie, un « Parrain » – voir le film – était nécessaire pour avoir des engagements face à d’autres parrains. Comme l’avais souligné Ronald L. Morris, sociologue, dans « Le jazz et les gangsters », musiciens et gangsters viennent du même milieu et n’ont pas d’autre moyen de s’intégrer dans cette société WASP – Blanc, anglo-saxon, protestant. Steven Jezo-Vannier retrace dans « Frank Sinatra, une mythologie américaine », la carrière du p’tit gars de Hoboken, premier américain de la famille, qui s’est construit en même temps que le pays lui-même. Il en est la personnification et le résultat. Y compris sur le terrain de la répression : comme la plupart des soutiens de Roosevelt, il est soupçonné par le FBI d’être « communiste » au moment du déclenchement, en 1947, de la guerre froide.
C’est une première. Il n’existait pas, en français, d’ouvrage de cette envergure sur cette figure américaine. Une synthèse de toutes les recherches, témoignages, interviews réalisés aux Etats-Unis. L’auteur met en évidence les influences : « Bing » Crosby, premier chanteur populaire, Tommy Dorsey, tromboniste et son deuxième employeur qui le fera connaître et Billie Holiday à qui il a pris la tragédie personnelle infusée dans les airs de Broadway et le découpage du temps.
La dernière partie, sur les années de gloire, hollywoodiennes, sont les plus connues mais elles recèlent quelques secrets. La fin, comme souvent, n’est pas « glorieuses ». La question reste dans l’air des raisons de la longévité du mythe…
Pour les francophones, la traduction des paroles des chansons fait partie de l’intérêt de l’ouvrage.
Nicolas Béniès
« Frank Sinatra. Une mythologie américaine », Steven Jezo-Vannier, Le Mot et le Reste.