Crise financière ?
La forte récession s’installe dans l’ensemble des pays du monde. Elle était déjà présente avant même la pandémie. Le virus, comme les mesures prises par les gouvernements ont à la fois révélé, accéléré, approfondi les failles préexistantes. Les crises sont devant nous. Tant que les gouvernements ne prendront pas conscience de la profondeur des réponses qui visent à transformer le type de capitalisme qui s’est mis en place dans les années 1980 et accélérer dans les années 2000.
L’économie allemande connaissait déjà la récession à la fin de 2019 et l’économie français une très faible croissance de l’ordre de 1,3 %. La crise systémique ouverte en 2007-2008, n’a pas trouvé de réponse à la hauteur de ses nécessités. Les gouvernements ont poursuivi comme avant. Seule les banques centrales – la BCE en particulier – ont conçu une politique monétaire pour retarder la crise économique et une nouvelle crise financière. La baisse jamais vu des taux d’intérêt – aujourd’hui encore négatifs – et le « quantitative Easing », la création monétaire pour racheter de la dette publique et un peu de dettes privées des grandes entreprises a marqué toute cette période. Politique monétaire qui a permis de stabiliser le marché des obligations et favoriser comme jamais le marché des actions. Les indices boursiers se sont envolés favorisant toutes les spéculations. Les entreprises se sont fortement endettées pour bénéficier de profits spéculatifs nourrissant à leur tout la fièvre spéculative. Au détriment de l’investissement productif, de la lutte contre les mutations climatiques et la crise écologique. Lutter contre ces crises est pourtant des facteurs de la réindustrialisation, au sens strict la création d’une forme différente du capitalisme pour le moins.
Toutes les tentatives de conserver la forme financière du capitalisme telle quelle existe non seulement sont vouées à l’échec mais elles nourrissent toutes les tentations rétrogrades existantes dans les sociétés occidentales notamment le racisme et le rejet des migrants considérés comme les responsables de la crise. Les théories du complot trouvent une justification dans le refus de considérer la nécessité du basculement. L’antisémitisme, le retour du faux de la police tsariste de la fin du 19e, « Le protocole des sages de Sion » font sentir aussi leurs effets délétères. L’ancrage dans le court terme vient, plus encore, épuiser la crédibilité de la parole politique. C’est visible dans les mesures de reconfinement prises par le gouvernement français notamment qui visent à permettre aux capitalistes actuels de continuer d’exister. Il faut souligner que les réductions sinon la suppressions des cotisations sociales est gros de réduction de solidarités collectives dans l’avenir.
La crise sanitaire a fait surgir la crise économique. En mars les Bourses du monde entier ont chuté. Tellement fortement que des portes nouvelles se sont ouvertes pour la spéculation face à cette baisse brutale des cours. Pas seulement les actions mais aussi les matières premières.
La dépression mine les entreprises qui, faute de profit, ne pourront pas rembourser leur dette. Face à ce danger, les banques ont décidé d’un moratoire. Il s’achève fin septembre. La balle est dans le camp des gouvernements.
Le plan dit de « relance » du gouvernement français ne sera pas suffisant pour éviter des faillites massives. 100 milliards – du jamais vu depuis les années 1990 – d’euros financés par l’emprunt aura comme conséquence de geler les crédits aux entreprises, la dette publique est plus sure que la dette privée d’autant qu’elle est quasiment garantie par la BCE. Or, si les entreprises font faillite, elles entraînent les banques, les opérateurs sur les marchés financiers avec elles. Les banques essaient, en se concentrant à l’intérieur d’un seul pays, d’éviter ce danger.
Toutes les politiques économiques – budgétaire et monétaire s’inscrivent dans le court terme. Aucun plan d’ensemble, aucun stratégie n’émerge sinon celle du renforcement de l’arsenal répressif.
L’appétence des banques pour la dette publique se trouvera renforcée par l’émission du grand emprunt européen de 700 milliards qui devrait venir financer une partie – de l’ordre de 36 milliards pour la France – des « plans de relance » des différents États de l’UE. Il n’est pas sur que l’euro résiste face aux différences des taux d’intérêt existants dans différents pays même si, pour le moment, il est plutôt bien accueilli par les marchés financiers.
Il faut ajouter à ces risques de crash financier, le contexte géopolitique. La guerre commerciale États-Unis/Chine pourrait déstabiliser les marchés financiers et devenir le facteur déclencheur de la crise financière. Pourquoi les gouvernements n’interviennent pas ? Sont-ils à ce point liés aux intérêts de court terme des marchés financiers ?
Nicolas Béniès