Jazz : Deux concerts, « Pour ceux qui aiment le jazz », Olympia, Paris 1961 et 1962

Le 14 mars 1961, Quincy Jones, – « Q » pour la suite, surnom que lui avait donné Frank Sinatra – est à Paris. Un lieu de prédilection et de renouveau pour le jeune chef d’orchestre de 28 ans. En 1960, il avait déjà suscité l’admiration de tous les partisans du Big Band. Il avait créé un grand orchestre dont l’album « Birth Of A Band » témoignait.
A l’Olympia, ce jour là – comme d’habitude à 18 heures et minuit pour laisser la place au programme habituel du lieu -, Quincy tentait d’oublier ses ennuis américains. Il était ruiné, devait beaucoup d’argent et, pour lui, tout allait mal. Il le racontera dans on autobiographie.
L’orchestre formé en 1960, le moment de la naissance de l’orchestre – « The Birth of A Band » était le titre de l’album – avait quelques vedettes déjà confirmées comme Clark Terry, trompettiste, Al Cohn et Zoot Sims aux saxophones. En 1961, les jeunes pousses sont remarquables. A commencer par Freddie Hubbard, 23 ans, trompettiste déjà renommé. Dés son arrivée à New York – il est né à Indianapolis – il fait sensation. Son premier album pour Blue Note, « Open Sesame » est un grand album. Freddie a été choisi par Oliver Nelson, saxophoniste et arrangeur, pour l’enregistrement de « The Blues and the Abstract Truth », un album Impulse, mélange de blues et de musique atonale proche de la dodécaphonie, aux côtés de Bill Evans, Eric Dolphy. Roy Haynes et Paul Chambers. Oliver Nelson sait réaliser ce type de synthèse sans brusquer l’auditeur, par glissements successifs, pour amener l’auditeur à douter de la structure du blues. Un des albums clés du début des années 1960, années révolutionnaires s’il en fût. Le thème d’ouverture de cet album illustre bravement l’orientation contenue dans le titre, le blues et la vérité abstraite, – traduction littérale -, « Stolen Moments », moments volés, superbe élucubration sur le blues mêlé à l’atonalité. Quincy en propose une version personnelle, pleine d’humour lorsqu’on connaît l’original, tout en laissant le champ libre à Hubbard qui n’hésite pas à se citer, un moyen de reconnaissance sans douter pour lui de manière à ne pas se perdre dans l’environnement créé par Quincy. L’improvisation de Eric Dixon – saxophoniste qui fait partie de l’orchestre de Count Basie, que « Q » connaît bien – laisse percer la préférence pour le blues, balancé par le souvenir des études de « Q » avec Nadia Boulanger. Alliance superbe qui permet d’entrevoir d’autres chemins, d’autres moments retrouvés. Continuer la lecture

Un intitulé étrange, « Jazz From Carnegie Hall »

Un concert exceptionnel

Le Carnegie Hall, sis à New York City, est des hauts lieux des concerts d’abord classiques, symphoniques même si des vedettes de la chanson française comme Charles Aznavour s’y sont produites. Il avait ouvert ses portes, entrouvert serait plus juste au jazz dés 1932 pour accueillir Benny Goodman et son orchestre en 1937 et les concerts organisés par John Hammond en décembre 1938 et 1939, « From Spiritual To Swing ». Une histoire qui aurait pu être d’amour mais il n’en fut rien, du moins en cette fin des années cinquante.

Kenny Clarke au premier plan

Pourquoi, en tenant compte de cette mémoire, appeler une série de concerts et de tournées qui prenaient exemple sur les « Jazz At The Philharmonic » – JATP pour les intimes – « Jazz From Carnegie Hall » ? Une idée du britannique Harold Davison confondant volontairement tous les philharmoniques pour bénéficier de la renommée du lieu. Le titre n’a sans doute pas plus d’importance qu’anecdotique mais il est révélateur des méconnaissances de l’époque de la vie aux Etats-Unis. Il faudrait faire une étude des relations du jazz et des salles de concert exception faite de ces JATP voulus par Norman Granz pour faire reconnaître le jazz, les musicien-ne-s et casser les codes des frontières entres les branches de la musique et lutter contre le racisme. Continuer la lecture