PHILOSOPHIE DE LA CONTRE REFORME

Note introductive : cet article, je l’ai écrit en 2003, au temps du quinquennat de Jacques Chirac, élu, il faut s’en souvenir, avec plus de 80% des suffrages. De ce score inédit – et tout a été inédit dans cette élection – Chirac n’en a rien fait. Comme Hollande, il voulait juste devenir président sans programme, sans vision. Une remarquable continuité…
Le mouvement social cité à la fin fait référence à la mobilisation contre la remise en cause des retraites… Déjà!
Je n’ai pas changé une virgule. Je crois même avoir laissé quelques fautes d’origine. Je le publie en janvier 2017 pour deux raisons. D’abord pour mes archives et conserver la mémoire, enfin pour porter à la connaissance des analyses nécessaires pour appréhender cette période. Pour donner aux historiens des éléments de ce temps d’avant la crise systémique…

En mémoire

Le gouvernement actuel s’attaque à tous les acquis sociaux construits tout au long du 20e siècle, remettant en cause le « compromis social » de la Libération, synthèse des droits des salariés acquis dans les luttes sociales et dans la forme de reconstruction de l’Etat après la collaboration des classes dominantes avec le nazisme. Cet Etat, appelé « Etat providence » avait deux aspects principaux, il était national et social.
Aujourd’hui, il s’agit, via les politiques d’inspiration libérale, de déstructurer cette forme d’Etat et imposer de nouvelles règles du jeu. Les services publics, de manière générale, sont dans le collimateur.
Une partie d’entre eux pourrait être facilement « marchandisée ». C’est le cas des Télécommunications, de l’Électricité, du Gaz… et de l’enseignement supérieur. D’ores et déjà, au sein de l’OMC – Organisation Mondiale du Commerce – se discutent les « demandes » des Universités américaines d’ouverture à la concurrence de l’enseignement supérieur européen. L’échec de la conférence – « assemblée générale » – de Cancun tenue au milieu de septembre des 146 pays signataires n’empêche pas la poursuite des négociations dans les salons feutrés de l’Organisation à Genève loin des caméras et des représentants des pays du tiers monde venus perturber le consensus traditionnel qui se réalise entre les pays de la Triade, les Etats-Unis, l’Union Européenne (représentées par le commissaire européen, Pascal Lamy) et le Japon. Ce consensus là n’a pas été possible. De ce fait l’OMC est en crise et devrait déterminer d’autres modalités de fonctionnement. Elle ne peut accepter la transparence. L’ombre est propice à toutes ses décisions. Qui sont pourtant de l’ordre du politique. Les décisions de l’OMC deviennent autant de règles, de lois que les Etats doivent respecter. C’est le sens de la ratification du traité de Marrakech (1994) créant à la fois l’OMC et définissant ses prérogatives. Continuer la lecture

Encore sur la reprise

La reprise, la reprise crie-t-il en sautant comme un cabri…

L’été fut resplendissant. Un soleil de plomb, une chaleur décoiffante. Il n’en fallait pas plus pour faire taire toutes les craintes, toutes les angoisses. A la fin du mois d’août les journaux se faisaient l’écho d’une croyance des directions des grands groupes du CAC401 qui voyaient la fin de la crise. L’été avait été marqué, il est vrai, par de grandes fusions-acquisitions de ces grands groupes à commencer par Publicis. Continuer la lecture

Libéralisme et libéraux

 

Le libéralisme à l’aune de sa pratique

Il est deux manières principales de critiquer des théories. Soit par une critique interne pour faire la démonstration du manque de logique entre les hypothèses et les conclusions ou démontrer que les hypothèses contiennent déjà les conclusions, soit par une critique externe pour confronter théorie et réalités et mettre l’accent sur les contradictions entre théorie et pratique. Dominique Losurdo – traduit par Bernard Chamayou – a emprunté cette dernière voie. Le résultat est à la fois une leçon d’histoire sur les États-Unis, sur l’esclavage cette contradiction violente des libéraux d’avec leur théorie – , une synthèse de ces théories libérales – sur le terrain politique et accessoirement sur le terrain économique – et deux réflexions qui terminent l’ouvrage sur « Conscience de soi, fausse conscience, conflits de la communauté des hommes libres » pour poursuivre un débat commencé notamment avec George Luckas dans « Histoire et conscience de classe » (traduction française aux Éditions de Minuit) et « Espace sacré et espace profane dans l’histoire du libéralisme ». Une thèse qui ouvre des espaces à notre réflexion.

N.B.

« Contre-histoire du libéralisme », Dominique Losurdo, La Découverte.

 

Lorsque l’économie se livre en livres

EconomieDe la critique du libéralisme à de nouvelles propositions.

1) La crise en questions

Philippe Askenazy et Daniel Cohen récidivent. Sous leur direction, Albin Michel avait publié, en 2008, « 27 questions d’économie contemporaine » – qui, soit dit en passant, parlait peu de la crise systémique qui s’était déclenché, sans les prévenir, le 9 août 2007 – pour brosser un tableau des manques de cette dite science sociale, suivi, en 2010, des « 16 nouvelles questions d’économie contemporaine » qui abordait les causes de la crise financière et celle de l’Etat providence tout en proposant des pistes nouvelles pour l’assurance vieillesse ou la fiscalité. Pistes contestables dont certaines se retrouvent dans la vulgate gouvernementale, séparées de leur environnement théorique. Elles deviennent des « tartes à la crème » – comme le partage de l’espérance de vie entre travail contraint et travail non contraint, expression d’un recul idéologique profond portant sur la réduction du temps de travail – qui ôtent toute saveur au débat théorique sur la nécessité de ces propositions. Le gouvernement actuel rend un bien mauvais service à la cause de la science économique et à la gauche toute entière. Continuer la lecture

Le polar miroir de notre société

Polar et libéralisme

Un bon polar, un vrai roman noir est marqué par la révolte. Contre les injustices. Contre cette société du lucre, contre les puissants qui ne pensent qu’à manipuler et à imposer par la force brutale s’ils ne peuvent faire autrement.
Deux livres récents viennent illustrer chacun de leur côté cet adage. Le premier porte la signature d’un vieux briscard, Donald Westlake. Un de ceux qui ont su transformer la tragédie en farce pour que le rire – le propre de l’homme et plus encore de la femme – incite à la réflexion, au combat. Son dernier opus, « Le couperet » (Rivages/Thriller), pousse jusqu’à la caricature la lutte de tous contre tous, manière de décliner l’impératif de la compétitivité dans la vie de tous les jours. Burke Devore est un cadre supérieur de l’industrie papetière au chômage depuis deux ans. Il a femme et enfant. Le fils devient voleur et trouve, à son grand étonnement le soutien de son père. Les liens sociaux, le consensus nécessaire à toute vie en société vole en éclats. Les valeurs morales ne résistent pas au chômage. Il a un plan pour retrouver un emploi. Simple. Assassiner celui qui est en poste et qui correspond à son profil. Avant, il faut qu’il supprime tous les prétendants possibles, qu’il sélectionnera à l’aide d’un stratagème. Et Westlake de publier et des modèles de CV, et des conseils de maintien qu’aucun chômeur ne peut suivre. Ce qu’il démontre !
Continuer la lecture