Henri Salvador, pataphysicien borisien et vianesque.
Déjà le volume 4, pour cette « Intégrale Henri Salvador », déjà les années 1956-1958 qui voient la collaboration avec Boris Vian prendre réellement son envol. Tous les rythmes vont y passer, rythmes à la mode en ces années de fin de la IVe république, Calypso, jazz, chansons sentimentales et rock pour se terminer par le charleston qui fait un retour de mode. Pour corser ce tout, Henri chante aussi en anglais. Je ne sais si ces 45 tours se sont bien vendus outre atlantique mais le résultat vaut le détour d’oreille.
Cette intégrale mêle le très connu, « je peux pas travailler » ou les rocks délirants comme ce « Rock and Roll Mops » pour qui j’ai un faible et le presque inconnu dont « La petite Hutte ».
Ce volume démarre avec une publicité pour la lessive, un duo farfelu Maurice Biraud/Henri enregistré en public. Daniel Nevers raconte, dans le livret, la place de cet échange pour former les futurs hommes du marketing comme on ne disait pas encore à l’époque. Un livret nécessaire pour apprécier l’art bizarre de ce musicien capable de toutes les outrances. Daniel Nevers fait aussi état de la place de Canetti dans ce monde étrange du show biz et du poste occupé par Boris Vian.
Derrière la musique, se dessine une époque. Les thèmes des chansons sont comme la négation de la période politique marquées par la guerre d’Algérie. Boris Vian a déjà composé « Le déserteur » que Mouloudji chanta le premier en 1953. Henri, Boris et Michel Legrand préfèrent la farce, l’ironie pour tracer un sillon culturel en prise avec la jeunesse du temps qui écoute du be-bop.
Le début de ce coffret recèle un trésor, déjà réédité c’est vrai mais qui devra être entendu avec une attention soutenue. Henri Salvador fait la démonstration de son talent de guitariste dans la lignée non pas de Django Reinhardt mais plutôt – il le dira lui-même – de Al Casey, guitariste remarqué dans les petits groupes de « Fats » Waller qui joue en accord.
Un Henri Salvador presque au sommet…
Nicolas Béniès.
« Intégrale Henri Salvador, 1956 – 1958, volume 4, Salvador plays the blues & sings in english », livret de Daniel Nevers, Frémeaux et associés.