Jazz en Norvège

Les éclats blancs bleus de la Norvège

Le jazz en Europe du Nord est une vieille histoire, surtout au Danemark pays dans lequel beaucoup de musiciens de jazz sont venus s’établir ou se produire. Le début des années 1960 se croisent Cecil Taylor, Albert Ayler sans compter Kenny Drew, Oscar Petitford ou Dexter Gordon. La Norvège, proche voisine, entendra les sons ardents des jazz qui influenceront les jeunes générations. Les politiques publiques favoriseront toutes les formes de culture. Les écoles s’ouvriront à ces différents courants, musicaux notamment.
Le double CD, réunissant 30 groupes au travers d’extraits d’albums, « Jazz Out Of Norway » permet de se rendre compte de la scène du jazz. Comme partout, les références sont multiples. L’arc-en-ciel des musiques issues du jazz tout d’abord à commencer par Jan Garbarek, les folklores – il faudrait parler des mémoires spécifiques solubles dans le jazz, ou l’inverse -, les compositeurs dits classiques, les musiques contemporaines… A l’écoute, s’aperçoit la recherche nécessaire pour définir de nouveaux horizons en agissant sur le présent. Le « free jazz », si décrié à mauvaise raison aujourd’hui, a appelé toutes les ouvertures, toutes les aventures en bousculant toutes les traditions, tous les codes pour conserver l’essentiel, les mémoires des luttes contre le racisme, pour la dignité.
Il faut écouter, entendre ces musicien-ne-s qui s’inscrivent dans le mouvement actuel de surgissement créatif pour définir le monde tel qu’il devrait être contre le monde tel qu’il est. Comme partout, les compositions ont été marquées par la pandémie, le confinement, grande première dans notre histoire récente. Les transformations de notre mode de vie ne peuvent que jouer un rôle dans l’appréhension de la culture et de la création musicale. Le monde bascule, les cultures aussi. Le jazz en Norvège y participe, il faut le goûter.
Avis aux programmateurs puisque les festivals semblent reprendre vie : le « booking » est indiqué. Pourquoi pas un festival, l’an prochain, dédié au jazz venu de ce froid norvégien pour nous inonder de sa chaleur ? Nicolas Béniès
« Jazz Out Of Norway », norsk jazz forum, Music Norway, Ambassade de Norvège (Paris) ; livret en anglais. Compilation disponible en streaming avec le QR Code

La Norvège chez ECM

Du côté de chez ECM, un pianiste et un bassiste enregistré à Oslo.

La Norvège fait partie de ces pays qui font peu parler d’eux. C’est une erreur le jazz – ou une musique propre qui a ses racines dans le jazz – y connaît un développement spécifique. Depuis Garbarek, il – ou elle – s’alimente des chansons Tord Gustavsentraditionnelles, comme pour cet album signé par le pianiste Tord Gustavsen, « Extended Circle », « Eg Veit I Himmerik EI Borg », je sais que dans le ciel il y a un château. Une réussite qui sait mêler toutes les références, du gospel à John Coltrane. Le saxophoniste de ce quartet, Tore Brunborg, est à suivre. Il nous réservera de grandes surprises. Un quartet soudé – Mats Eilertsen à la contrebasse et Jarle Vesperad à la batterie, partenaire de longue date du pianiste complètent la formation – pour des compositions signées ou arrangées par le pianiste. Une musique qui semble issu des brumes de ce pays mais qui sait parler de nos angoisses et de nos émotions.
aril AndersenPourquoi cette empathie est-elle en partie absente du trio réuni par le contrebassiste Arild Andersen pour « Mira » ? Difficile à dire. Il manque le presque rien. Leur album précédent, enregistré en public, « Live at Belleville » (ECM), était une petite réussite. Le studio, peut-être, ne leur réussit pas. Non pas que Tommy Smith, saxophoniste et flûte Shakuhachi ou Paolo Vinaccia, batteur ou même le contrebassiste ne fasse pas preuve à la fois de virtuosité et de conviction, d’émotion et de froideur mais ils nous avaient introduit, dans l’album précédent, dans un monde tellement habité, original que celui là à un air de contrées souvent visitées. Il reste un trio qui sait s’écouter et faire tourner les idées.
Nicolas Béniès.
« Extended Circle », Tord Gustavsen Quartet ; « Mira », Arild Andersen, Paolo Vinaccia, Tommy Smith, ECM/Concord.