Fiction et réalité
Naples, un personnage mystérieux
Maurizio de Giovanni est napolitain. Ce n’est pas un vain mot. Naples est là devant nous, ses rues sales et étranges, ses constructions, ses palais provenant de rois normands, ses places, ses populations. Maurizio joue avec elle. Dans « La méthode du crocodile », il a créé un deuxième personnage, Giuseppe Lojacono, un inspecteur venant de sa Sicile natale. C’est à travers que la ville se montre. Pour raconter des histoires, ces deux-là n’étaient pas suffisant. Il en fallait un troisième. Ed McBain est venu à son secours. Ses personnages principaux étaient New York et un commissariat où s’agitaient des inspecteurs avec comme tête de proue Carella. Pour Maurizio, ce sera Lojacono. Autour de lui des figures étranges, au passé sulfureux, aux destins difficiles et aux amours contrariées.
Cette saga commence avec « La collectionneuse de boules à neige », une histoire d’amour brisée par les barrières de classes sociales. L’auteur frappe juste tout en faisant la part belle aux environnements personnels. Le dernier opus, « Et l’obscurité fut », nous fait rester dans ce commissariat de Pizzofalcone pour suivre les vies de ces policiers et policières aux prises avec leur réalité, familiales, sexuelles… Des êtres humains à part entière et pas des super héros. Qui sont aussi policiers. Une drôle d’enquête qui met en scène des familles recomposées, des faillis qui ne veulent pas l’avouer et des enfants qui trinquent comme s’ils portaient toute la responsabilité de la misère du monde. Dans les mailles de cette intrigue, une sorte de poème en prose sur le « joli » mois de mai, sur cette chaleur étouffante qui enserre Naples sans la laisser respirer même pas la nuit. Le monde est scandaleusement barbare. Il appelle la révolte !
Le vrai du faux
La réalité dépasse la fiction entend-on souvent. Vrai et faux tout à la fois. Comment faire la part de la légende dans les escroqueries ? Un escroc entremêle le faux et le vrai pour aller dans le sens des désirs du « pigeon », dans le sens de ses croyances. C’est, en général, un subtil analyste. « L’atlas du crime parfait » de Fabrice Colin répertorie tous les corps tordus, toutes les machineries pour aboutir à extorquer de l’argent ou des renseignements. Il en est d’évidentes, d’autres plus construites. Les premières ressortent du marché de l’art et les deuxièmes du monde de la finance avec, notamment, la dite « pyramide de Ponzi ». Une sorte de vision de nos monde successifs.
Hommage.
Jo Nesbo, auteur norvégien internationalement reconnu, peut-être en panne d’idées, a décidé de rendre hommage à ses maîtres, les créateurs du genre à commencer par Hammett et Chandler. Il en est à son deuxième. Le titre générique de cette série : « Du sang sur la glace ». Il reprend une intrigue et la déplace des États-Unis vers les paysages froids de la Norvège. Une sensation de déjà lu contrebattu par ces noms imprononçable, des environnements blanchis par la neige. « Soleil nuit » est plus réussi que le premier. Mais ce n’est pas vraiment les mondes durs et malades de Jo Nesbo…
Nicolas Béniès.
« La collectionneuse de boules à neige », Maurizio De Giovanni, 10/18; « Et l’obscurité fut », Maurizio de Giovanni, Fleuve noir; « L’Atlas du crime parfait », Fabrice Colin, Autrement; « Soleil nuit », Jo Nesbo, Série noire/Gallimard.