JAZZ: Elvin Jones !

Batteur de génie 

Elvin – son seul prénom suffit, le deuxième était Ray, 1927-2004 – est connu comme le batteur du quartet historique de John Coltrane qui a révolutionné dans les années 1960 les mondes du jazz. Aujourd’hui – en 2017 – peu de saxophonistes échappent à l’emprise coltranienne. Il faut se souvenir que certains se sont perdus dans Coltrane. Art Pepper le raconte mais aussi « Tina » – surnom qui venait, semble-t-il de sa petite taille, Harold pour l’état civil – Brooks à la fin de sa vie n’enregistrait plus jouant comme Coltrane. Le « comme » est à prendre au sens fort. Art Pepper demandait à ses interlocuteurs lors de son dernier retour, à la fin des années 1970, s’ils reconnaissaient le son de son saxophone alto comme étant le sien, celui qu’il avait avant le pénitencier et la chute dans Coltrane.
Souvent, est oublié le batteur. Alain Tercinet pose la question à la fin du livret dans le volume « The Quintessence » consacré à Elvin Jones : « Sans Elvin Jones, Coltrane aurait-il été Coltrane ? », question rhétorique : on ne peut pas revenir en arrière. Mais les indices ne manquent pas. Lorsque Elvin n’est pas là, comme, par exemple les faces enregistrées par Trane avec Roy Haynes – qui ne démérite pas -, la magie n’est pas là, celle de la transgression, celle de la liberté, celle qui conduit tout droit dans les nuages, dans les rêves, dans l’impossible.
L’alchimie de la rencontre est l’un des secrets les mieux gardés du jazz. Les couples sont nécessaires au dépassement de l’un et de l’autre. Des exemples ? Stéphane Grappelli et « Django » Reinhardt, Billie Holiday et Lester Young, Charlie Parker et « Dizzy » Gillespie et bien d’autres encore. « Diz » le dira dans une interview à Jazz Hot. J’avais mon style, Bird avait le sien notre rencontre a été l’étincelle du génie. Ce ne sont pas les termes exacts mais l’idée est celle là. On pourrait appliquer cette équation à tous les couples… du jazz ! Continuer la lecture

UIA Jazz, histoire de la batterie

Bonjour,

Nous nous sommes engagés dans une voie étrange : essayer de définir le jazz. Commencé l’an dernier, ce voyage nous conduit, pour cette année et pour essayer de cerner cette musique incernable à un instrument, la batterie, emblématique du jazz et de ses transformations. Aucun compositeur de musique symphonique n’a intégré ce monstre créé de toutes pièces par une musique à la rencontre de tous ses affluents et de toutes les cultures qui se retrouvent sur le sol américain. Une exception, Darius Milhaud qui l’intégrera pour une expérimentation sans suite.
L’histoire de la batterie – drums – est l’histoire du jazz. Lors de notre première session, le 28 novembre 2016, se sont fait entendre les premiers grands batteurs en particulier, « Baby » Dodds (à gauche), « Zutty » Singleton (à droite).
D’autres sont remarquables, comme Vic Berton que nous réentendrons le 30 janvier parce qu’il invente une autre manière de jouer ou Ray Bauduc, l’un des grands batteurs sous estimés qui a longtemps été un pilier de l’orchestre de Bob Crosby – le frère de « Bing » -, et a « inventé » la cymbale chinoise cloutée. Il est resté dans l’ombre, il était blanc mais un grand innovateur. Il faut le voir sur les vidéos reprises sur You Tube. Continuer la lecture

A propos de la « Beat Generation »

Retour d’expo, traces discographiques et littéraires.

Beaubourg a proposé une exposition sur la « Beat Generation ». Pas totalement réussie, elle avait pourtant le mérite de remettre dans l’actualité ces écrivains et poètes. Une « génération » qui fait partie de notre patrimoine ne serait-ce que par la création du terme « Beatnik » pour signifier une profonde révolte de la jeunesse face à cet ordre dit « établi » qui brisait tous les élans créatifs et d’espérances d’une vie moins routinière. Ce terme, qui a marqué la fin des années 1950, marquait une nouveauté, la place des « teens », des ados. Ces années 1950s verront l’avènement du rock, que les amateurs de jazz ont trop souvent rejeté sans comprendre la révolte dont il était porteur. Elvis Presley en sera la figure tutélaire. Il ne rejetait ni le blues, ni la « country » mais en faisait une dialectique pour construire une nouvelle voie. La mémoire du futur s’assoit sur celle du passé…
Les termes ensuite évolueront pour figurer des changements, changements de forme. Il sera question, plus tard et dans le contexte des mobilisations contre la guerre du Vietnam, de « Hippie ». Comme le note Alain Blum dans le coffret Frémeaux, « Beat Generation, l’anthologie musicale », on avait aussi, dans les ghettos noirs, de « Hep Cat » ainsi que, dans cette jeunesse débridée, de « Hipsters ». Il fallait dans cette fin des années 30 – il faut entendre Cab Calloway inventeur du « Za-Zu-Za » qui donnera « Zazous » – « être hip » pour être dans le coup.

Un duo emblématique
Le groupe, le duo, emblématique de cette fin des années 30 est celui constitué par Slim Gaillard et « Slam » Stewart, bassiste chantonnant à l’octave de son jeu d’archet cependant que Slim s’active principalement à la guitare mais aussi au vibraphone, au piano, aux saxophones… Continuer la lecture

Pontoise le 27 septembre 2016

Pour cette deuxième séance autour du cinéma, du jazz et de la comédie musicale…

220px-hellzapoppin_movieAprès « Stormy Weather », suite de superbes numéros joués uniquement par des Africains-Américains, c’est au tour de « Hellzapoppin' », Hell pour enfer, un terme qui est suggéré mais jamais prononcé. La censure a failli interdire le film pour cette raison. Le succès de la comédie musicale à Broadway, 1404 représentations, un succès – le moyenne dans ces années 1930, 30 représentations – qui tient au duo comique Ole Olsen et Chic Johnson. Ils tiennent le haut du pavé dans ces années là.

Drôle d'affiche

Drôle d’affiche

Le film, sorti le 26 décembre 1941 – au moment même de l’entrée en guerre des Etats-Unis après Pearl Harbor, marquera le zénith et la fin de la carrière du duo. Après la guerre, il sera remplacé par celui formé par Abbott et Costello. Pour la petite histoire qui marque cette période qui s’ouvre après la seconde guerre mondiale et se clôt à la fin des années cinquante, Charlie Parker mourra chez la baronne Nica en regardant un sketch de Abbott et Costello.
Encore une autre histoire, qui fait rire – un peu jaune mais bien dans la lignée du film -, En 1942, l’Academy Award – les récompenses pour les meilleurs « nominés » – décerne le prix du « Best Song » – la meilleure chanson – à « Big Foot Pete »… qui a été coupée au montage, Universal décidant qu’elle allait figurer dans une autre production, « Keep ‘Em Flying », de la même époque, de Abbott et Costello… Une manière de marquer la page…
Ole Olsen par terre et Chic Johnson debout à droite.

Ole Olsen par terre et Chic Johnson debout à droite.

Le film ne fait aucune référence à la guerre. Logique en fonction de la création de la
Ne pas oublier Martha Raye... Superbe danseuse et burlesque...

Ne pas oublier Martha Raye… Superbe danseuse et burlesque…

pièce dans le milieu des années 30. Par contre les citations de « Citizen Kane » se multiplient. Il faut dire que Olsen et Johnson sont des proches amis de Orson Welles. Comme le comédien Gus Schilling – qui interprète le chef d’orchestre, un virtuose…du comique facial, dans la lignée des grands artistes du « Vaudeville » et du cinéma muet.
hellzapoppin-film-images-192d8422-28ed-487c-a022-f85bd76e640Nous sommes au cinéma. Pas vraiment un scoop. Mais du cinéma dans le cinéma, ce n’est pas commun. Comment construire un scénario ? Quels en sont les ingrédients ? Pas seulement des gags, dit le réalisateur, mais aussi une histoire d’amour. Il faut une histoire d’amour… Elle sera court-circuitée continuellement, avec un art de l’ellipse plein de références aux autres comédies musicales. Pour s’en rendre compte il regarder « Singin’ in the rain », de 1952, dans lequel Stanley Donen et Gene Kelly rendent hommage à ces comédies musicales. C’est le même effet de reflet mais considéré autrement. Il faudrait comparer les deux versions. D’autant que la guerre est passé par là. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était.
le spectateur est trimballé dans les endroits où se fait le cinéma. Dans les coulisses, dans la salle du projectionniste, personnage essentiel pour faire voir – dans tous les sens du terme – le film en train de se parcourir. Discussion autour du scénario, projection qui fait place à une autre projection, une mise en abyme en quelque sorte, d’un film qui se regarde filmer… Une mise à distance qui permet le rire.
Utilisation de la magie. C’est la grande époque de ces magiciens qui font disparaître et que la magie du cinéma rend non crédible.
En même temps, le spectateur qui n’en peut mais est pris à partie ou comme témoin. La distance précédente se traduit par des interjections pour réveiller l’attention, mettre l’accent sur le non sens.
Un des échos de cette même époque se trouve dans l’œuvre d’Adolfo Bioy Casares, « L’invention de Morel » (paru en 1940) qui fait du cinéma non seulement une représentation de la vie mais la vie elle-même par un dialogue amoureux entre le spectateur et la comédienne principale. Une histoire d’un amour fou mais aussi une manière de lutter face à la solitude et à la mélancolie tout en barrant la route à la vieillesse et à la mort.
La séquence de la danse

La séquence de la danse

Ce film, dans la lignée de ceux des Marx Brothers, des comédies musicales est une sorte de quintessence de ce cinéma devenu parlant à la fin des années 20. Le « chanteur de jazz » où le jazz ne fait aucune apparition – nous sommes, comme souligné la semaine dernière – à l’âge du jazz – est un des premiers films parlants pour les séquences chantées par Al Johnson, un fils de « Cantor » – dont « Swanee »…
Les jeux de mots, les références sont multiples et ont des origines diverses. On ne comprend pas tout. Mais ce « non sens » a eu des descendances françaises avec Pierre Dac et Francis Blanche. Esprit qui se retrouvera dans « L’os a moelle ». Pierre Dac donnera des conseils et serait l’auteur de certains sous titres.

Slim Gaillard (1916-1991)

Slim Gaillard (1916-1991)

Une séquence de ce film permet de se rendre compte à la fois de la place du jazz et de la danse. Une danse qui sera copiée dans la plupart des films musicaux qui parleront du jazz. On en trouvera un écho dans le film de Scorcese « New York New York’ au début. C’est la fin de la seconde guerre mondiale et le retour des soldats ressemblent à celui de la première guerre mondiale tel que « Stormy Weather » le représente. Scorcese, qui connaît sur le bout des ongles son histoire du cinéma, y fait une référence sensible. Avec le goût supplémentaire de la mélancolie. Et un passage à la couleur et au Blanc plutôt que Noir…
Slam Stewart en 1946

Slam Stewart en 1946

Cette séquence est à noter. C’est la seule où des musiciens, acteurs, danseurs – actrices, danseuses – Noir-es envahissent l’écran, sous la conduite du duo Slim Gaillard (guitariste, chanteur, pianiste étrange, vibraphoniste, joueur de bongo suivant Jack Kerouac qui le raconte dans « On The Road », ‘Sur la route’)/Slam Steward, bassiste jouant avec un archet, fait rare dans le jazz où on joue plutôt pizzicato et il double à l’octave en fredonnant, d’où son surnom de « bassiste fredonnant », la danse acrobatique se déchaîne. Un exemple de leur succès qui influencera les rockers à commencer par Little Richard et Elvis Presley. « Flat Foot Floogie :

normajazzmen

Slam Stewart (1914-1987)

Slam Stewart (1914-1987)

Comme c’était la mode à Hollywood à cette époque – et ce sera encore le cas après la guerre avec le film « New Orleans » -, les Noirs sont domestiques et habillés comme tel. La cuisinière sera Norma Miller, le cuistot trompettiste en l’occurrence cornettiste de l’orchestre de Duke Ellington, Rex Stewart – sans lien de parenté avec Slam, le batteur CC Johnson… Au départ, raconte-t-on, le corps de ballet devait danser sur « Jumpin’ at the Woodside » – l’orchestre de Count Basie – mais il y aurait eu un refus à cause des droits. Ce serait l’orchestre de studio de Universal qui serait entendu dans le film.
Le titre « Hellzapoppin' » pourrait signifier « Hell in poppin' », l’enfer s’éclate. Plus logiquement, à mon sens, c’est le nom de la danse débridée que donne les danseurs et danseuses dont Norma Miller.
norma_millersUn mot sur la danseuse Norma Miller qui, à 93 ans, continue une sorte de carrière. Elle fut surnommée « Queen of Swing » dans ces années là. Elle faisait partie du groupe de danseur-es du « Whitey’s Lindy Hoppers », engagée par le créateur du groupe et chorégraphe Herbert « Whitey » White – même s’il était Noir.
Nicolas Béniès.

Compléments :
D’abord sur le groupe de musiciens non crédités au générique.
Slim, Slam – personne à ma connaissance disait le bassiste chantonnant un octave au-dessus de son jeu à l’archet, ne se prénomme comme ça -, Rex Stewart, comme noté dans le texte ci-dessus, trompettiste/cornettiste chez Duke Ellington mais CC Johnson est en fait Sonny Greer, le batteur/percussionniste de ce même orchestre Ellington qui a eu une influence plus importante que la plupart des critiques ne l’ont vu abusés par sa manière de jouer en public, démonstrative, utilisant différents objets – à la mode aujourd’hui – et par les enregistrements qui ont du mal à saisir ces instruments étranges qui ont longtemps résisté à l’enregistrement -; le clarinettiste est un virtuose de l’instrument Buster Bailey; Vic Dickenson est le tromboniste, élégant, raffiné, rustique quelque fois il est le grand oublié de cette histoire spécifique pour le jazz du trombone à coulisse.

Nous avons suivi, difficilement – le dieu de la technologie n’était pas avec moi – le chemin tracé par Slim Gaillard qui fut l’un des héros de « In The Road » de Jack Kerouac. A travers Dean, Jack décrit l’aura de guitariste, pianiste, vibraphoniste et joueur de bongo…

Nous avons écouté le premier succès de Slim & Slam, en 1938, Flat Foot Floogie

Le deuxième succès, non écouté, Tutti Frutti, toujours en 1938

Le 22 avril 1946, Slim enregistre un chef d’œuvre, Opera in Vout

En 1945, ce « slim’ jam » avec Bird and Diz

Cette même année 1945, le chef d’œuvre, Koko, une composition de Charlie Parker, avec Diz

Et, pour finir Leo Watson avec le Vic Dickenson septet, 1946

et ce Laughin’ in rhythm (1952) qui a influencé Henri Salvador

Pour Pontoise le 20 septembre 2016

A propos de comédies musicales.

« Stormy Weather » qui fut une comédie musicale avant d’être porté à l’écran n’est pas vraiment un film mais une suite de numéros sauf un moment onirique autour de Lena Horne dans toute sa beauté triomphante, mais raté. On s’y ennuie et on voudrait que la séquence soit écourtée. Il a pourtant des lettres de noblesse. C’est le premier long métrage – il y eut des courts métrages et des « soundies » – dans lequel seuls jouent des Africains-Américains comme on dit aujourd’hui.

Eubie Blake

Eubie Blake

Ce n’était pas la première comédie musicale. En 1921, « Shuffle Along » s’affichait à Broadway. Elle était due à Eubie Blake, qui avait commencé sa carrière comme pianiste de ragtime – né à Baltimore le 7 février 1883 et mort centenaire – et à Noble Sissle, né le 10 juillet 1889 à Indianapolis.
200px-im_just_wild_about_harry_1bLe grand succès de cette comédie musicale, « I’m just wild about Harry », est un peu tombé dans l’oubli. Pas « Memories of you » devenu un des grands standards du jazz.
Noble Sissle

Noble Sissle

Noble Sissle avait commencé sa carrière de chanteur et de violoniste – et même un peu batteur – en s’engageant dans l’armée américaine pour se retrouver aux côtés de James Europe Reese, lieutenant à la tête du 369th Infantry Regiment, un orchestre présent dans la 200px-noble_sissle_001première guerre mondiale. Ces musiciens se se sont distingués dans la fin de guerre reconnus par l’armée française. L’armée américaine a toujours refusé de reconnaître mérites et médailles pour ces Noirs…
Noble Sissle se distingue comme chanteur dans le dernier enregistrement signé par James Europe Reese sorti en mars 1919.
A la fin des années 20, il engagera Sidney Bechet…
Quelques versions de « Memories of you » :

Judy Garland

Louis Armstrong

Anita O’Day

Big Sid Catlett avec Ben Webster

Lionel Hampton en 1939

Thelonious Monk en 1956

Pour terminer sur « Stormy Weather », deux intérêts s’en dégagent. Le premier, rappeler la chronologie en partant du retour des troupes aux Etats-Unis et leur « galère » ensuite pour se réinsérer. Rien n’est dit explicitement mais suggéré comme est suggéré le racisme sans le montrer, ce film en noir et blanc manque singulièrement de Blancs et on a pourtant l’impression de les voir…
Le deuxième intérêt, c’est Bill Robinson dit « Bojangles », le plus grand des « tap dancers ». dans le film, « Swing Time du début des années 40, Fred Astaire lui rendra directement un hommage.
La cerise sur le gâteau, suivant la formule consacrée, Cab Calloway et son orchestre et les Nicholas Brothers dans un numéro époustouflant…
Nicolas Béniès.

Le film « Stormy Weather » est sorti en 1943. Cette année là mourrait le pianiste et chanteur, un représentant du piano harlémite, « Fats » – Thomas pour l’état civil – Waller qu’on voit dans le film dans le bouge de la chanteuse, c’était sa dernière apparition.

Auto portait de Carl van Vechten

Auto portait de Carl van Vechten

Nous avons ensuite évoqué la « Renaissance Nègre » dont le siège social fut à Harlem dans ces années 20. Le poète Langston Hughes – qui rédigeait aussi des chroniques de jazz sous le nom de Mr Simple mais aussi la chronique de Harlem -, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, l’anthropologue et romancière Zora Neale Hurston – son autobiographie parue aux Éditions de l’Aube en français, « Des pas dans la poussière », est essentielle, Carl Van Vechten, écrivain et photographe,
Portrait de bessie Smith, l'impératrice du blues par Carl van Vechten

Portrait de bessie Smith, l’impératrice du blues par Carl van Vechten

accessoirement mécène des artistes de cette Negro Renaissance sans oublier tous les musiciens de jazz.
Darius Milhaud au moment du Groupe des 6 créé sous l'égide de jean Cocteau et de Erik Satie. Tout le monde se retrouvait au "Bœuf sur le toit" pour faire "une jam". D'où l'expression "faire le bœuf".

Darius Milhaud au moment du Groupe des 6 créé sous l’égide de jean Cocteau et de Erik Satie. Tout le monde se retrouvait au « Bœuf sur le toit » pour faire « une jam ». D’où l’expression « faire le bœuf ».

Darius Milhaud pensait, comme Ravel, que le jazz était la grande chose de son temps – dans les années 20 – fit le pèlerinage d’abord à Broadway – il fut déçu par la musique – et à Harlem. Il avait transcrit des soli des musiciens qu’il avait entendu. Ce travail le servit pour composer le ballet « La création du monde » en 1923, décrié par la critique de l’époque et porté aux nues par cette même critique lors de la reprise au milieu des années 30. la période avait changé, les Big bands étaient devenus à la mode, la musique populaire s’inspirait directement du jazz, y compris en France.
« The Jazz Age » s’applique, dans les histoires culturelles américaines, à cette période des années 20, les « roaring twenties » qui va voir une révolution dans les mœurs. les « garçonnes » seront représentatives de tous ces changements de l’entre deux guerre, du côté d’une avant-garde. L’Age du jazz correspond à la prohibition, l’interdiction de vendre et de consommer de l’alcool en public ouvrant grande la porte aux trafics et à l’argent facile. Gatsby, le héros de Francis Scott Fitzgerald, fait partie de ces « nouveaux riches », de ces gangsters qui cherchent la respectabilité dans une société américaine qui les refuse parc qu’ils ne répondent aux critères du WASP, Blanc, anglo-saxon et protestant. Ses tentatives d’intégration le laisseront sur le carreau. Le « moonshine », ce whisky frelaté qui tuai aussi sûrement que l’arsenic, avait coulé à flot. Les Italo-Américains aimaient le jazz et la mafia allait ouvrir ses clubs au jazz. Le club le plus connu et le plus coté, le « Cotton Club tenu par Owney Madden membre influent de la mafia, en 1923 alors qu’il est emprisonné à Sing Sing. La grande vedette sera Duke Ellington à partir de 1928. Il y aura aussi Bill « Bojangles » Robinson – appelé Williamson dans le film -, Cab Calloway…
Harlem allait redevenir un ghetto après le déclenchement de la crise de 1929. la Negro Renaissance disparaissait de l’horizon… Le chômage, la disette, la queue dans les soupes populaires prenaient le pas sur tout le reste.
Le jazz restait en se transformant. C’est l’ère des « Big Bands », des grands orchestres. On parlera, pour accentuer la confusion, de « Swing Era », avec une majuscule pour différencier ce Swing du swing…
Fin 1935, on aura trouve « The King of Swing », Benny Goodman.
Le créateur de ces Big Bands, de la section des tp, des tb, des saxes et section rythmique, s’appelait Fletcher Henderson, « Smack » pour les intimes. La première grande vedette de son orchestre en 1924-25, Louis Armstrong. L’influence de Louis allait permettre à Coleman Hawkins de faire du saxophone ténor, l’instrument qu’il est devenu.
Le jazz est musique populaire, autant aux Etats-Unis qu’en France…
Ci-après quelques extraits entendus.

Fletcher d’abord pour ce « Christopher Colombus » de 1936, une sorte de classicisme

Un des grands orchestres de Harlem dans le milieu des années 30, l’orchestre de Jimmy Lunceford avec un trio vocal arrangé par « Sy » Oliver – trompettiste et chanteur – et dont la vedette était le tromboniste Trummy Young, aussi chanteur bien entendu. Le batteur, Jimmy Crawford, est un élément essentiel du swing de l’orchestre. Deux thèmes de 1939
« T’aint what you do » et « Ain’t she sweet ? »

Un des grands oubliés de cette période, le saxophoniste alto, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Don Redman. En 1933, il signait ce « Shakin’ the African »

Enfin Duke Ellington, en 1943, signait ce portrait de Bill Robinson, « Bojangles »

A la semaine prochaine pour Hellzapoppin…

Nicolas Béniès.

PS Conseil d’achat. Le DVD est disponible sur Amazon ou la FNAC. Il est souvent cher. Attention aux propositions alléchantes. Souvent sans sous titres ou visible seulement en Amérique du Nord. Traduisez, il ne fonctionnera pas sur votre lecteur de DVD…

Crest 2016, les villes du jazz, Philadelphie et Pittsburgh

Sur Philly
Pour tenir compte de notre espace temps confiné, je vous propose un parcours balisé. la figure de Lee Morgan, trompettiste et compositeur, nous servira de fil d’Ariane. Musicien prodige, il commence sa carrière professionnelle à 15 ans. A 17, il entre dans l’orchestre de « Dizzy » Gillespie. Dans la foulée, Lee_Morganil enregistre, en 1956, son premier album, « Indeed! », pour Blue Note. Il fera un succès inattendu – pour Alfred Lion le producteur mais pas pour lui – avec « The Sidewinder » enregistré le 21 décembre 1963 et publié début 1964.
On a dit « prodige » mais le terme ne convient pas. C’est l’environnement de la ville, de la famille, cette fameuse « Philadephian connection » qui explique la formation et l’émergence de ce maître de la trompette de jazz.
Nous suivrons ses premiers pas pour nous rendre compte de cet environnement, de la fraternité intergénérationnelle qui fait le prix de cette ville minière à l’époque et qui tient une grande place dans l’histoire de la formation sociale américaine. Il n’empêche que le racisme existe aussi de même que le ghetto…

Pour Pittsburgh, le guide sera Art Blakey et ses jazz messengers lieu de rencontre entre les différentes villes du jazz. Notamment Philly – c’est le petit nom de Philadelphie. Ville de batteurs que Pittsburgh. 220px-Kenny_ClarkeKenny Clarke y est né et y a grandi, de même que Blakey. Tous les deux se convertiront à l’Islam après la seconde guerre mondiale.

Ethel Waters

Ethel Waters

La pochette d'un des albums importants de Stanley Turrentine - né à Pittsburgh - en compagnie de Shirley Scott - née à Philly -, son épouse à l'époque (1964)

La pochette d’un des albums importants de Stanley Turrentine – né à Pittsburgh – en compagnie de Shirley Scott – née à Philly -, son épouse à l’époque (1964)

Nous n’aurons garde d’oublier les joyeux ancêtres. Ethel Waters à Philly
de même que Earl Hines
Roy Eldridge à Pittsburgh

On s’attachera de plus aux batteurs puisque Philly Joe Jones – comme son surnom l’indique – est né et a grandi à Philadelphie…

Un parcours donc en trois temps

Le film « Philadelphia story », une comédie du remariage, la pièce fut initialement écrite pour permettre le retour de Katherine Hepburn… Opération réussie. Avec le film de Cukor, sorti en 1940, la réussite fut décuplée.

Mercredi, un parcours avec comme guide Lee Morgan
Jeudi le guide sera Art Blakey
Vendredi les ancêtres
et samedi tous ceux et toutes celles qui ont marqué ces deux villes.

Un des albums de Benny Golson, né à Philly un des "meneurs" de la philadelphia connection"

Un des albums de Benny Golson, né à Philly un des « meneurs » de la philadelphia connection »

Ci-après, quelques photos pour fixer les esprits. D’autres sont disponibles sur ce site datant de d’il y a deux ans. Voir Université populaire, comme mot clé.

A mardi.

Nicolas BENIES.

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ittsburghers-Earl-Fatha-Hines-with-eye-patch-Erroll-Garner-Billy-Eckstine-and-Maxine-Sullivan-with-Mary-Lou-Williams-at-the-piano.-circa-1950.-Photo-by-Charles-Teenie-Harris-earl-hines-erroll-garne

Clifford Brown

Clifford Brown

couverture du livre, en deux volumes de Seth Greenberg

couverture du livre, en deux volumes de Seth Greenberg

pochette du disque de Billy Bean the trio

pochette du disque de Billy Bean the trio

Jazz, La machine à remonter le temps (3)

Concerts à domicile (3)

Pour ce dernier concert, il est possible d’inviter très largement, d’ouvrir le bal, de laisser les invité-es siffler, se déhancher au son de cette musique « soul ».
Le lieu est différent. Au « Caméléon », un de ces clubs mythiques de Paris qui restera en activité longtemps mais pas assez pour la génération d’aujourd’hui puisse le visiter sinon à travers les souvenirs de ceux et de celles qui y ont participé. Bernard de Bosson, pianiste amateur dans les années 1960 – futur PDG des disques Warner – le décrit dans les notes de pochette signées Michel Brillé.
Ce 28 juillet 1961, le club reçoit la visite du trio de Les McCann qui vient de triompher au festival d’Antibes Juans-les-Pins. Le public est nombreux pour entendre la nouvelle attraction. Une musique inspirée par la dance et même les tap dancers mais aussi par le gospel. Les McCann fait partie de la même école que Ramsey Lewis qui pratique lui aussi ce mélange. Le succès est au rendez-vous. Il faut noter que « The Truth » signé ici par Les ressemble furieusement au « Wade in the Water », un traditionnel que Ramsey Lewis allait aussi enregistrer (en 1966 !)…
Les deux sets sont ici repris en deux CD, de quoi boire jusqu’à plus soif cette musique souvent répétitive. Autour d’un verre pour oublier un monde oublieux de toute fraternité, elle sera une compagne nécessaire. D’autant que Les n’oublie pas les standards… Continuer la lecture

Jazz. Revoir New York ?

Tout autour de Gershwin

New York, le savez-vous ?, est une ville changeante et pas seulement sous la pluie. Elle se transforme à une vitesse sidérante. La ville qui ne dort jamais – pour citer la chanson du film éponyme de Scorcese – est aussi celle qui connaît destructions et reconstructions. Absentez-vous quelques temps, revenez sur les lieux que vous avez connus et vous êtes gagné par une « étrange familiarité » qui fait que vous ne reconnaissez rien tout en ayant l’impression de tout reconnaître.
Gershwin, George tout, autant que son frère Ira – diminutif de Israël – sont liés à New York celle des années 1920/30, cette ville qui danse au son du jazz. George marquera de sa musique cette ville. Elle lui avait permis, New York, avec ses quartiers habités par des populations aux cultures diverses et aux musiques dansantes de se former, de prendre ici ou là de quoi se constituer son propre bagage et d’offrir, en retour une sorte de synthèse permettant de sortir de l’acculturation pour construire une autre référence, pour permettre l’accession à une citoyenneté nouvelle. Continuer la lecture

Rendez-vous à Coutances

Le jazz au temps du Front Pop.

Le 3 mai 1936, deuxième tour des élections législatives. La Parti Socialiste est en tête. Un nouveau gouvernement est possible. Léon Blum, futur Président du Conseil, attend. Respectueux des institutions, il ne veut pas prendre la pouvoir mais l’occuper. Les grèves se déclenchent, joyeuses. La danse est omniprésente. On danse dans les usines devant les machines, devant les étals morts des grands magasins, dans les rues. Au son de l’accordéon à qui il arrive de prendre des accents nouveaux. Tony Murena, Gus Viseur entre autres, le feront sonner swing.
On chante. Tout va très bien madame la marquise, une manière de conjurer le sort. De vouloir être heureux.

C’est difficile. Le patronat n’aime pas les danses. Ni le jazz, musique de « Nègres » comme on dit à l’époque soit pour la valoriser, soit pour la dévaloriser. Les mots, comme les insultes ont une histoire, un contexte. Continuer la lecture

Un festival de jazz, des …

Le jazz et son printemps.

Les « feuilles mortes » disparaissent de notre paysage. Les « Sons d’hiver » et autres festivals de cette saison se sont terminés. Une saison étrange, sans neige, avec une chaleur étrange qui ne fait plus douter de l’existence du réchauffement climatique.
Le calendrier nous oblige à passer au printemps sans que le temps – celui qu’il fait – le fasse réellement sentir. L’impression est quelque fois inverse. Comme un retour en arrière. Comme si après le faux hiver, le vrai voulait se faire sentir. Le jazz s’en fout.
Il fête le printemps via les festivals. Il accueille, entre autres, « europa djaz » pour sa 37e édition et « Jazz sous les Pommiers », pour sa 35e. Un peu avant les débuts de ces deux réunions, « Banlieues Bleues » continue à organiser les rencontres entre les jazz et les publics.

2016, année qui nous aura fait travailler un jour de plus, fête l’Ascension beaucoup plus tôt que l’an dernier. Comme si, l’appel vers les cieux était, d’un coup, plus urgent. Mettre ce jeudi encore férié début mai – le 5 – a obligé Denis Le Bas et l’ensemble des organisateur(e)s de Jazz sous les Pommiers » à commencer le 30 avril. Continuer la lecture