Tout autour de Gershwin
New York, le savez-vous ?, est une ville changeante et pas seulement sous la pluie. Elle se transforme à une vitesse sidérante. La ville qui ne dort jamais – pour citer la chanson du film éponyme de Scorcese – est aussi celle qui connaît destructions et reconstructions. Absentez-vous quelques temps, revenez sur les lieux que vous avez connus et vous êtes gagné par une « étrange familiarité » qui fait que vous ne reconnaissez rien tout en ayant l’impression de tout reconnaître.
Gershwin, George tout, autant que son frère Ira – diminutif de Israël – sont liés à New York celle des années 1920/30, cette ville qui danse au son du jazz. George marquera de sa musique cette ville. Elle lui avait permis, New York, avec ses quartiers habités par des populations aux cultures diverses et aux musiques dansantes de se former, de prendre ici ou là de quoi se constituer son propre bagage et d’offrir, en retour une sorte de synthèse permettant de sortir de l’acculturation pour construire une autre référence, pour permettre l’accession à une citoyenneté nouvelle.
Reprendre les thèmes de Gershwin devenu des standards, des morceaux de cette culture orale américaine est une gageure difficile à relever. Il y fallait de la folie et un peu d’empathie entre les musiciens et les auditeurs. Il fallait aussi trouver une atmosphère qui ouvre des portes tout en laissant les murs absorber la tradition pour bousculer gentiment toute la poussière accumulée pour revenir à Gershwin.
C’est à cette entreprise hasardeuse que Stephan Oliva, piano et Jean-Marc Foltz, clarinettes, se sont consacrée. Un trio comme l’indique le titre : « Foltz/Gershwin/Oliva », le compositeur prenant ici toute sa place. Ils pourraient être quatre : le silence y prend sa part, ou cinq, New York se rajoute présente dans l’iconographie superbe qui permet de faire visiter la ville des années Gershwin. Peut-être plus encore… Vous sûrement…
Ne ratez pas ce voyage. Il vous changera et il changera aussi votre rapport à Gershwin. Stephan Oliva fait encore la preuve qu’il est un grand pianiste capable de toutes les audaces en faisant croire – astuce suprême – qu’il est classique » et Jean-marc Foltz précède, accompagne avec des clarinettes exprimant tous les méandres d’un monde qui n’en manquent pas. Un hymne aussi à la fraternité dont nous souffrons toutes et tous de l’absence. Un grand album.
Nicolas Béniès.
« Foltz/Gershwin/Oliva », Jean-Marc Foltz, Stephan Oliva, Vision Fugitive distribué par Harmonia Mundi.
PS Ils seront le 12 novembre 2016 au Festival d’Jazz Nevers.