A la recherche de Viktor Paskov

Comment peut-on être écrivain et musicien bulgare ?

Viktor Paskov est un des représentants de la littérature bulgare, qui a fait beaucoup d’émules, littérature qui reste à découvrir. « Allemagne conte obscène » baigne dans la désillusion combattue par une ironie grinçante et un humour triste et combatif, celui des exilés déçus par un pays d’accueil vu comme un Eden au départ.
Les musicien.ne.s, les artistes de manière générale qui arrivent, dans la Bulgarie des années d’avant la chute du Mur, à attirer l’attention des chasseurs de têtes – ici des artistes – de la RDA croient avoir trouvé le Graal, atteint le ciel de l’ouverture et de la renommée. La RDA de l’époque, forte de son industrie et de sa puissance pratique vis-à-vis des petits pays « frères » un mépris de mauvais aloi. Le poids de la bureaucratie – les responsables du Parti, commissaires politiques de la culture – plus pesant que dans la petite Bulgarie décidée à tout régenter et tout contrôler veut se servir des nouveaux venu.e.s, à la merci du renouvellement de visa, pour les enrôler dans les rangs de la Stasi, la police de la surveillance de la vie privée, pour dénoncer les collègues de travail. La suspicion gangrène les rapports humains.
Viktor, jeune homme musicien mais aussi écrivain – comme Paskov lui-même, mais ce n’est pas une autobiographie plutôt des « choses vues » – – rejoint son père trompettiste dans ce pays vu comme de Cocagne. Las. Il devient technicien au théâtre et voudrait vivre, simplement vivre. Interdit ! En rêve ou en réalité, on ne sait, il joue le répertoire du rock, des Beatles – « All You Need Is Love » – à Elvis Presley, une musique honnie par toutes les bureaucraties staliniennes, une musique décadente. Pages superbes d’une révolte qui sait s’exprimer.
Conte obscène que cette Allemagne de l’Est dont les dirigeants considèrent les autres populations comme inférieures, conte obscène que cette caricature grinçante d’un régime qui a disparu tout en laissant des traces indélébiles, conte obscène qui pourrait s’appliquer à d’autres pays aux comportements similaires. Un texte aux multiples entrées, drolatiques pour comprendre la solitude de ce coureur de fond, Victor Paskov, qui a toute sa place dans la littérature. A découvrir absolument dans cette nouvelle traduction.
Nicolas Béniès
« Allemagne conte obscène », Viktor Paskov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov (autrice aussi de la postface pour situer l’auteur), Les éditions du Typhon, Marseille.