Le coin du polar

Amour et haine rancis.

Est-il possible de vivre confiné dans un seul endroit, une seule maison ? Les sorties hors du domicile familial sont des fêtes rares et racontées plus d’une fois. C’est le pont de départ de ce roman noir de Sarah Schmidt, Australienne, bibliothécaire qui a été saisi par ce drame : le 4 août 1892 à Fall River (Massachusetts), Lizzie Borden découvre son père et sa belle-mère massacrés à coups de hache. Cet assassinat passionne les Etats-Unis depuis plus d’un siècle. « Les sœurs de Fall River » ne se veut ni enquête journalistique, ni enquête policière mais plongée dans l’intimité d’une famille pour expliquer les comportements, l’amour et la haine souvent mêlées. Un assassinat en vase clos. Une intrigue qui doit remonter à Edgar Allan Poe sans l’humour ni l’ironie qui sied au poète créateur du roman policier. Dans le même temps, elle fait la critique d’une société misogyne qui ne peut pas croire qu’une femme soit responsable de meurtres aussi horribles.
Comme c’est un peu la mode ces derniers temps, Sara Schmidt fait parler tous les protagonistes. Emma, la sœur aînée qui a quitté le nid, Lizzie – Élizabeth – qui est restée, Bridget la domestique et Benjamin un témoin extérieur pour rendre compte de l’étouffement résultant de cette maison sans vie.
« Les sœurs de Fall River », un best-seller en Australie et en Grande-Bretagne, sera adapté au cinéma et la télévision. Il souffre pourtant d’un manque d’oxygène. A force de rester entre soi, la lecture devient presque irrespirable. Le défaut de la qualité de cette histoire.
Nicolas Béniès
« Les sœurs de Fall River », Sarah Schmidt, traduit par Mathilde Bach, Rivages.

Mi gran passion
Ariana Franklin, l’auteure de cette série qui met en scène la médecin de Palerme, Adelia, désormais au service du roi anglais Henri II Plantagenet, nous a quittés en 2011 mais son héroïne vit toujours et continue ses aventures. Dans « La prière de l’assassin », Adelia, en 1178, est chargée d’accompagner Jeanne, la sœur cadette du roi – elle a 10 ans -, pour son mariage avec le roi de Sicile, un Normand. Elle se trouve en butte avec l’amant du « Loup », un personnage qui apparaît et disparaît tué par Excalibur, l’épée, dit la légende, du roi Arthur maniée par Adelia. Avec le fidèle Mansur, elle subit les conséquences de tous les préjugés du temps. Elle risque la mort et le bûcher.
Dans ce voyage, la géographie a du bon, elle passe le sud-ouest de la France actuelle marquée par la montée de l’hérésie – aux yeux de l’Église – cathare. Déjà, pointe le retour d’une Inquisition qui veut préserver le pouvoir de la seule Église de Rome. Les massacres qui suivront – beaucoup plus tard – pourront être qualifiés de génocide.
Il est difficile de résister à Adelia. Son charme s’envole de ses pages. Comme O’Donnell, l’amiral, on tomberait facilement amoureux de cette femme médecin. Une sorte d’alchimie bizarre. On se prend à rêver, contre toute attente, une suite sans fin.
Nicolas Béniès.
« La prière de l’assassin », Ariana Franklin, traduit par Jean-François Merle, 10/18, Grands détectives.