Compléments ou prolégomènes du « souffle de la révolte » à paraître

A la fin du 19e début du 20e, les partitions représentent l’essentiel des revenus des compositeurs. Il faudra attendre 1917 et le 78 tours pour que se vende la musique enregistrée.

Le ragtime est le premier nom du jazz. Tout est ragtime avant les années 1920 pour qualifier la musique syncopée. La syncope, venue d’Afrique, est un élément clé de différenciation entre la musique dite classique et le futur jazz. On l’entend bien chez Scott Joplin. A l’époque, il faut dire que les compositeurs font éditer leurs partitions qu’ils vendent via les maisons d’édition que, souvent, ils créent. Ce sera le cas pour W.C. Handy, trompettiste et premier éditeur de blues.
Su le côté droit deux photos de Scott Joplin que l’on trouve partout – là c’est la pochette d’un album « Jazz Anthology » -, compositeur d’opéras dont les partitions ont été retrouvées tardivement, dans les années 1970. Pour les amateur-e-s de coïncidences, Scott Joplin meurt le 11 avril 1917 en même temps que paraît le premier disque de jazz, de l’Original Dixieland Jass (sic) Band enregistré, ce 78 tours, le 26 février 1917. La date de parution, initialement prévue en mars fut retardée en avril.

« The Entertainer », de et par Scott Joplin

Thomas « Fats » Waller, le plus grand des pianistes « stride » dont le fondateur fut James P. Johnson. Le « stride » est le style particulier des pianistes de Harlem, de New York de manière générale. Les premiers enregistrements de James P. Johnson datent de 1921. Sa composition la plus célèbre, « Carolina Shout », a été reprise par Waller. « Fats » Waller fut aussi le professeur de « Count » Basie.
Reproduite ci-contre la couverture du livre que Alyn Shipton, producteur à la BBC, a consacré à Fats Waller. Le titre, « The Cherful little Earful » pourrait se traduire par le bon vivant un peu critique et c’est pas mal vu. L’aspect débonnaire de Thomas cache une critique de cette société raciste. Il la tourne en dérision et arrive, comme tout bon humoriste à faire rire. L’angoisse n’est jamais absente de ce rire.

Carolina Shout de et par James P. Johnson, enregistrement de 1921

« Handful of Keys » de et par Fats Waller (1929)

A suivre

Nicolas Béniès.

« Fats » Waller revu et actuel

Visite dans la caverne des ombres

Le nom de Thomas dit « Fats », à cause de son embonpoint, Waller reste dans toutes les mémoires du jazz à la fois comme pianiste, sans doute le plus grand du style « stride », de ce style en vogue à Harlem dés le début des années 1920 et magnifié d’abord par le maître de Fats, James P. Johnson. Comment le rendre vivant ? S’attaquer à ce monument est aussi difficile que de franchir l’Everest. Le copier est inutile. Il faut trouver d’autres voies moins connues. Hank Jones, autrefois, s’y était aussi cassé les doigts.
Mark Lewandoski, contrebassiste, a décidé d’entraîner son trio dans cette aventure périlleuse. Liam Noble est le pianiste qui se prête à hommage qui se veut au présent en compagnie du batteur – plutôt percussionniste – Paul Clarvis, soit un trio de musiciens britanniques qui cultivent les « relations particulières » que leur pays entretient avec les Etats-Unis.
Quelquefois décevant, comme la reprise de ce chef d’œuvre « Jitterburg Waltz » dont les versions de Junior Mance et de Eric Dolphy restent dans les oreilles, souvent surprenant comme l’introduction du premier morceau – après que le crieur ait annoncé Fats Waller, une façon de se servir des archives – avec quelques réussites dont « Honeysuckle Rose » repris à la manière de Thelonious Monk. Une filiation.
La chanson de fin, « Dîtes moi pourquoi », intitulé « Surprise Ending », est une composition de Jelly Roll Morton qui sonne moderne…
Nicolas Béniès
« Waller », Mark Lewandoski trio, Whirlwind Recordings.