Des batteurs à voir pour rêver

Des cadeaux à (se) faire !

Noël est passé mais pas le temps des cadeaux. Un livre de photos paru à la fin de l’année veut nous faire rêver. Heureusement !
Il nous fait entrer dans le monde des « batteurs de jazz ». L’expression peut sembler redondant tant il est vrai que cet instrument a été créé par et pour le jazz. Il synthétise le choc des Titans culturel à l’origine de la naissance de cette musique sans nom. Les cultures européennes, africaines et amérindiennes se rencontrent dans cet instrument inédit qui fait peur à la musique symphonique. Christian Ducasse, photographe, a voulu saisir, dans sa diversité, la configuration changeante de toms, de caisses claires, de grosses caisses et de cymbales. Chaque batteur a d’abord rêvé sa batterie. Dreaming drums, titre de cet album dit bien cette nécessité. Au fil des photos, même si on ne connaît pas les figures de ces musicien.ne.s, un emballement de l’oeil se produit pour, soudain, entendre le grondement de l’instrument capable, sans transition, de feuler tout en s’abandonnant à la folie du rythme.
Franck Médioni vient, par le texte, combler le vide pour refaçonner le passé, pour reconstruire des visages tirés de la poussière de la mort.
Un « beau livre » sur un instrument encore aujourd’hui déconsidéré. Un instrument à part entière et pas seulement rythmique. L’Afrique fait chanter, parler les tambours. Le jazz sait aussi faire parler et chanter les cymbales. La batterie est à elle seul un feu d’artifices, dans tous les sens de ce terme. Entrer dans des mondes différents où le rythme peut se transformer en mélodie par la grâce des batteur-e-s de jazz.
Christian Ducasse & Franck Médioni, Dreaming drums, le monde des batteurs de jazz éditions Parenthèse, 34€
Nicolas Béniès

Appréhender le jazz ? Est-ce possible ?

Une vague moderne et solidaire pour la créativité individuelle.

Il est des anniversaires qu’il faut savoir fêter surtout lorsqu’il s’agit d’un jubilé. L’AACM, Association for the Advancement of Creative Musicians, est née à Chicago en 1965 sous la férule du pianiste Muhal Richard Abrams qui avait, déjà, une carrière derrière lui. 1965, il faut s’en souvenir, c’est aussi une sorte d’apogée du « Black Power » via toutes les associations et organisations qui gravitaient autour de cette revendication, en particulier Malcom X et les « Black Panthers ». La répression, l’oubli est aussi tombé sur cette donnée, a été sanglante. Les forces de police n’ont pas fait dans la dentelle et ont tué ou emprisonné une grande partie de ces militants.
Cette association se proposait d’offrir aux musicien-nes-s des rencontres, des discussions pour leur permettre de trouver leur propre voi(e)x. De « faire » communauté, collectif tout en préservant le champ des possibles de l’individu. Une sorte d’anarchisme mariant la fraternité et des formes de société secrète. La plupart des musicien-ne-s de jazz d’aujourd’hui sont passé(e)s par cette école ouverte et sans structure. A commencer par Anthony Braxton mais aussi la flûtiste Nicole Mitchell qui fut la dernière présidente en date de cette association. Continuer la lecture