Jazz, Soul Jazz Rebels

Exubérant, dansant et donc nécessaire

Un groupe qui prend comme devise, et comme nom – ainsi que le titre de leur album – « Soul Jazz Rebels » ne peut pas décevoir. La participation du batteur Ton Ton Salut, figure du jazz montpelliérain, est un gage du désir de jazz qui animent Jean Vernheres, saxophone, Cyril Amourette, guitare et Hervé Saint-Guirons, orgue Hammond. Ils ont décidé de casser la baraque, de fuir la mélancolie pour suivre la voie de ce jazz dur proche du gospel, de la transe, de la danse pour percuter tous les a priori et aller chercher les racines de la rébellion. En ce début du 21e siècle, il fallait oser.
Leur musique, composée à tour de rôle par les quatre lascars, tisse et emmêle tous les fils d’une musique qui ne peut pas disparaître, celles du label Blue Note, celles de Jimmy Smith mais aussi de Larry Young – un organiste qu’il faudrait redécouvrir – sans compter Hank Mobley et les autres saxophonistes puissants de ces années ou celles antérieures. Une manière aussi d’entrer dans un jeu de mémoires pour enfin, ne pas hésiter à sourire à la vie. Se rebeller contre l’air du temps est une nécessité, regarder vers un passé non dépassé peut permettre d’affirmer sa différence, son originalité.
Mettez le disque, invitez les voisin-e-s, montez le son et… dansez.
Nicolas Béniès
« Soul Jazz Rebels », Black Stamp Music

Polar

Histoire(s) de Bordeaux

« Après la guerre » – titre de ce roman de Hervé Le Corre -, les espoirs se sont évaporés. Les divisions de la guerre, de la Collaboration sont bien présentes. L’épuration, dans la plupart des cas, n’a pas eu lieu. Les flics sont restés, notamment le commissaire Darlac, figure de tous ces corrompus qui ont fait fortune en spoliant les biens des Juifs qu’ils envoyaient dans les camps de concentration.
Un petit truand de l’avant guerre, trahi par le commissaire, rescapé des camps de la mort revient dans sa ville natale pour se venger et retrouver son fils, Daniel. Ces années 1950 sont marquées par les guerres coloniales. Les gouvernements français, après la défaite totale de Diên Biên Phu en Indochine comme on disait à l’époque, engagent un nouveau conflit en Algérie. Les jeunes appelés du contingent doivent effectuer un service militaire de 2 ans. Les désertions sont nombreuses, les morts aussi.
L’auteur raconte Bordeaux, qu’il connaît et qu’il aime, en même temps que les destins de ces deux générations. L’un est déjà mort : comment revenir des camps de concentration ? Comment surmonter le sentiment de culpabilité d’être simplement vivant alors que tous et toutes sont mort(e)s ? Comment vivre dans cette société où les « pourris » tiennent le haut du pavé ? Comment accepter de partir faire une guerre contre des populations qui veulent que vivre ? Comment reconstruire un espoir commun ?
Cette double saga est, quelque fois, un peu longue, un peu trop démonstrative tout en réussissant à être émotionnellement juste. On croît à ces personnages. Surtout, le lecteur se sent attiré par Bordeaux, personnage à part entière de ce roman, « noir » plus que polar. Hervé Le Corre jette une lumière crue sur ces « 30 glorieuses » chère à Jean Fourastié, un auteur qu’on ne lit plus…
Nicolas Béniès.
« Après la guerre », Hervé Le Corre, Rivages/Noir