Un curieux polar en forme de documentaire

Le tour de France vu par un auteur mexicain
« Mort contre la montre » permet de s’insinuer dans les coulisses d’une compétition vedette du cyslisme mondial, le tour de France, un calvaire, un chemin de croix pour tous les coureurs des leaders jusqu’au dernier du peloton. Jorge Zepeda Patterson met en scène un franco-colombien né à Medellin, d’un père militaire français et d’une mère colombienne – Marc Moreau – qui trouve son salut dans le cyclisme en devenant « gregario », celui qui se sacrifie pour faire gagner le leader. L’éternel oublié, celui qui ne portera jamais le maillot jaune.
Pour ce tour des incidents se multiplient : chute massive du peloton mais surtout des assassinats. Qui veut détruire les équipes adverses pour gagner ? L’ex caporal Moreau est sollicité, par la police, pour mener l’enquête. A chaque étape, à partir de la septième, il fait le compte des suspects et du classement général, manière de maintenir l’intérêt et suivre la routine des coureurs, massage, repose, entraînement, fatigue et volonté de poursuivre.
L’astuce de l’auteur, est de transformer le cycliste en une marchandise manipulée dans tous les sens et par tout le personnel du tour. La fin est une manière de faire résonner la seule chose qui compte : gagner et gagner à tout prix. Personne ne peut en sortir indemne. La camaraderie existe, la solidarité aussi qui volent en éclat devant le trophée, le Graal, le maillot jaune. L’apparence d’une ode au sport se transforme en critique du sport de compétition par une simple phrase dans l’épilogue. En même temps, il rend hommage aux soutiers, à ceux qui représentent l’âme de ce tour de France, à leur rage, à leur colère, à leur envie de poser le pied sur le podium.
Nicolas Béniès
« Mort contre la montre », Jorge Zepeda Patterson, traduit par Claude Bleton, Babel Noir/Actes Sud

Polars et livres noirs février 2015 (2)

Revoilà Mosley

Walter Mosley a quitté Watts, le ghetto noir de Los Angeles, pour aménager à New York. Dans la ville-monde, l’environnement est différent. Harlem a vu sa définition comme ghetto s’évanouir. Aujourd’hui, les rues ont été nettoyées, les immeubles refaits et la police, invisible pourtant, est, aux dires des habitant(e)s, omniprésente. Le quartier est devenu un des plus tranquille de la Ville. Étonnant bouleversement.
Mosley ne pouvait donc mettre son détective privé dans l’ambiance de Harlem. Il fallait le définir autrement que Easy Rawlins – le personnage principal de la saga de Watts de la fin de la seconde guerre aux grands mouvements pour les droits civiques des années 60. Il a donc construit une sorte de clone de Rawlins en plus vieux – il tourne du côté de la cinquantaine même s’il fait de la boxe et ne répugne pas au coup de poing. Leonid T. McGill est son nouveau nom. Un vrai détective privé avec une licence même si son passé – du passé on ne peut faire table rase – de voyou lui donne des remords. Le souvenir qu’il a de son père, un militant communiste parti lorsqu’il était très jeune et la mort de sa mère qui s’en est ensuivi, le poursuit continuellement. Il parle avec ce fantôme qui se singularise dans le contexte actuel fait d’un mélange de libéralisme et de volonté d’être riche – une fin qui justifie tous les moyens, même ceux illégaux – par son désir fou de refaire ce monde. Un fantôme aussi commun de père absent. L’imagination des enfants suppléent à ce manque… Continuer la lecture